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Manu, tu (re)descends

Le président turc sortant Recep Tayyip Erdogan et son parti islamiste AKP n’ont pas vraiment  la cote en Europe mais ont remporté largement les élections présidentielle et législatives de cette fin de semaine en Turquie. M. Erdogan a été réélu dés le premier tour, promettant de se doter au passage de pouvoirs (encore) renforcés et l’AKP est assuré de rafler la majorité au Parlement. Il parait pourtant que l’opposition croyait en ses chances…  Résultats électoraux qui coïncident  avec la tenue dimanche d’un mini-sommet européen sur la crise migratoire visant à déminer le terrain avant le Conseil européen de jeudi et vendredi. Comme il fallait s’y attendre,  les positions entre gouvernements européens sont trop dissemblables pour que ce mini-sommet ait pu accoucher d’un quelconque résultat. La veille, le ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini  dénonçait « l’arrogant président français ». Un  donneur de  leçons, hypocrite, incapable d’appréhender la catastrophe économique, sociale,   identitaire que  représente pour l’Italie l’arrivée massive de  clandestins.  Invité de france info hier, François Gemenne, chercheur à l’université de Liège et à Science Po Paris, spécialiste des flux migratoires, actait lui aussi par avance  l’échec de ce mini-sommet « convoqué par Jean-Claude Juncker pour essayer de sauver Angela Merkel, en grande difficulté en Allemagne du fait de sa mise sous pression par le parti bavarois CSU, qui lui intime de trouver une solution (à la crise migratoire) .»  « De plus, plusieurs pays, notamment d’Europe centrale et de l’Est, membre du groupe de Visegrad, ont annoncé qu’ils ne viendront pas. Il y a une sorte de fuite en avant. Plus personne ne sait que faire face à cette question, face à une crise montée en épingle, qui menace le projet européen lui-même.»

Un climat général, couplé à l’absence de résultats tangibles de ce gouvernement sur le front de l’emploi, la poursuite de la dégradation  du niveau et de la qualité de vie des classes moyennes et populaires,  qui expliquent la nouvelle érosion de la cote de popularité d’Emmanuel Macron. Celle-ci a atteint selon  un sondage Ifop paru hier  dans le Journal du Dimanche  son plus bas niveau depuis un an,   avec  seulement 40% de sondés satisfaits de l’action du président contre 64% en juin 2017; une courbe descendante que suit dans les mêmes proportions le Premier ministre Edouard Philippe.

Mais la politique se nourrit et s’incarne aussi par des symboles, aussi,  il y a  fort à parier que la fête de la musique organisée  par Emmanuel Macron dans la cour de l’Elysée le 21 juin laissera  des traces.  Elle vient télescoper, saborder les efforts qu’avaient entrepris le chef de l’Etat pour restaurer la dignité d’une fonction présidentielle qui   avait  très abîmée par Nicolas Sarkozy et François Hollande.

RT l’a relevé « la fête de la musique 2018 de l’Elysée  avait été annoncée en grandes pompes comme un événement extraordinaire : pour la première fois, la musique électronique ferait son entrée dans la cour du palais présidentiel le 21 juin (…). Mais c’est la prestation de Kiddy Smile qui aura fait le plus couler d’encre  (…) : il a amené avec lui un aréopage d’exubérants danseurs pratiquant le voguing (danse développée par la communauté LGBT afro-américaine) (…). D’autres ont simplement noté le message sous-jacent du t-shirt du DJ Kiddy Smile : Une fête de la musique à l’Elysée politique : Kiddy Smile dénonce la loi Asile et Immigration en portant un t-shirt Fils d’immigrés, noir et PD sur scène.»

« Sur son compte Facebook, le musicien a explicité sa démarche en ces termes le 20 juin : Je sais ce que représente l’Elysée en terme d’oppression et d’histoire pour QPOC / POC (queer people of color) et la communauté LGBTQIA+ ainsi que la répression des migrants mais je crois fermement au high jacking du pouvoir en place de l’intérieur et a la création du discours la où il n’y en a plus/pas : cette invitation à mixer dans la demeure temporaire de Macron se présente à moi comme une opportunité de pouvoir faire passer mes messages : moi fils d’immigrés noir pédé va pouvoir aller au cœur du système et provoquer du discours de par ma présence.»

« Le portrait pour lequel le couple présidentiel a pris la pose avec les danseurs de Kiddy Smile a également fait réagir la presse.» Albert Zennou rédacteur en chef du service politique du Figaro ou  encore sa collègue journaliste Eugénie Bastié   ont eu beau  jeu comme d’autres d’établir un parallèle entre un Macron  recadrant (avec raison)   un collégien  qui l’avait interpellé irrespectueusement le 18 juin en marge des commémorations  au Mont-Valérien  « parce que ça porte atteinte à la fonction présidentielle et (qui)  en même temps (transforme) l’Elysée en boite de Nuit».

Cette photo  surréaliste ou Emmanuel et Brigitte Macron  sont cernés  par des créatures LGBT a été particulièrement mal vécue par  beaucoup de Français expatriés  (ils sont officiellement  1,7 million) dans des nations où la tenue est encore de mise. Certains d’entre eux nous ont écrit   pour nous faire part de leur honte pour  l’image de la France  devant  la consternation incrédule de nos amis étrangers, mais aussi devant la  risée et les quolibets dont notre pays est l’objet  depuis que cette photo notamment  s’est répandue sur les réseaux sociaux…

Alors,  nous sommes en effet ici dans le  «en  même temps » macronien  qui confine peut-être  au dédoublement de personnalité. Nous notions vendredi sur ce blogue cette réflexion de  Brice Couturier, chroniqueur sur France Culture,  qui expliquait  que « Macron est hanté par l’idée que la France est victime d’une crise civilisationnelle et culturelle, autant sociale et économique. Il faut donc réconcilier les mémoires nationales et restaurer une fierté nationale. »

L’inénarrable militant-journaliste  anti-national Bruno Roger-Petit, aujourd’hui porte-parole de l’Elysée,  confiait au Monde en mai dernier que M. Macron, tout  fédéraliste européiste qu’il est,  se voyait comme le successeur  des 40 rois qui ont fait la France. Un Macron qui comme nos rois sanctifiés le jour du sacre par la Sainte Ampoule,  serait un  représentant de Dieu sur terre, et dont il explique l’appétence  pour les bains de foule en référence aux rois thaumaturges qui guérissaient  les écrouelles: « Pour lui (E. Macron), le toucher est fondamental, c’est un deuxième langage. C’est un toucher performatif : Le roi te touche, Dieu te guérit. Il y a là une forme de transcendance.»

Bref, Emmanuel Macron aurait compris les deux dimensions de la politique, la sacrée et la profane,  l’importance de ne pas désacraliser le pouvoir, en lecteur peut-être  de l’historien Ernst Kantorowicz qui,  dans Les deux corps du Roi, avait montré en quoi le monarque médiéval possédait un double corps : le corps naturel, mortel, et le corps surnaturel, celui qui incarne le principe dynastique et ne meurt pas…

Autant dire note Bruno Gollnisch,  que cette fête de la musique élyséenne nous replonge dans la vulgarité la plus crasse et  que ce solstice d’été 2018  écornera durablement  l’image solaire,  jupitérienne de notre  monarque républicain.  Certes, certains pourraient nous rétorquer que nous  étions le 21 juin  dans l’exceptionnel  et non pas dans la règle… Un peu à l’image  des Saturnales de la Rome Antique, dont le carnaval moderne est le dérivé, ces fêtes ou les serviteurs commandaient aux maîtres et ceux-ci les servaient.  Un monde renversé l’espace d’un instant, ou tout se faisait à rebours de l’ordre normal… qui n’est pas  de faire danser des travelos en résille sur le perron de l’Elysée pendant que Manu frappe dans ses mains et que Brigitte tape du pied…

Le problème c’est que nous sommes entrés depuis longtemps dans le règne du carnaval permanent, de  l’inversion dans tous les domaines.  Au risque  de passer pour des pisse-froids, nous estimons que  ce type de spectacle au cœur d’un lieu symbolisant le pouvoir Français est consternant.  Mais nous assumons nos répugnances, un homme sain doit en avoir,  et comme le soulignait  Jiddu Krishnamurti, « ce n’est pas un signe de bonne santé mentale d’être bien adapté à une société malade. »

 

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