Mais ce sont surtout les propos de M. Zemmour, tenus sur le plateau de l’émission de Thierry Ardisson, Les terriens du dimanche, diffusée sur C8, qui ont déchaîné les passions. En l’espèce son dialogue avec la chroniqueuse Hapsatou Sy, lui disant qu’il aurait été préférable que ses parents l’appellent Corinne. La jeune femme envisagerait de porter plainte évoquant « le moment le plus douloureux (qu’elle a eu eu à vivre) en tv (sic) face à un Zemmour hargneux, insultant et agressif envers moi. Toujours très affectée d’ailleurs…»
Notons que Gabriel Robin, assistant parlementaire de Louis Aliot, rédacteur en chef numérique du magazine L’incorrect, a exhumé malicieusement un tweet plus ancien de Hapsatou Sy, en date du 2 février dernier, à l’occasion de la visite du couple Macron au Sénégal, dans lequel la jeune femme écrivait: « absolument fan de Brigitte Macron! La stabilité d’un pays dépend de l’éducation de nos enfants. bienvenue à vous et notre président Emmanuel Macron dans mon pays le Sénégal. » Commentaire de Gabriel Robin: «Hapsatou Sy ne dit même pas dans dans mon autre pays ou dans mon deuxième pays.» Il est certain que Corinne dans ce cas-là n’est peut-être pas le prénom idéal…
Thierry Ardisson lui, n’a pas trop apprécié l’expression très médiatique de la douleur de Hapsatou Sy : «Elle s’étale sur Twitter pour faire un bad buzz, c’est complètement nul. Elle a signé un contrat et elle a un devoir de réserve », a-t-il déclaré sur CNews , « si elle ne revient pas (dans son émission, NDLR) , elle ne revient pas. Si elle revient dans un bon esprit, je veux bien, mais si c’est pour nous faire des scènes comme ça, ce n’est pas la peine. Comme elle a pas mal de problèmes d’argent, qu’elle a du mal à payer ses impôts, on lui a avancé 6 émissions. Je ne connais pas beaucoup de productions sur Paris qui le font » a affirmé l’animateur.
Propos que les petits marquis progressistes pourraient qualifier de paternalistes et de sexistes, à l’image peut-être, allez savoir, du délicat Ian Brossat, chef de file du parti communiste/communautariste à la Mairie de Paris (jusqu’où vont-ils descendre?). Ce dernier a résumé en un tweet le désarroi de ses amis, les glapissements des bobos du Marais et les hurlements des autorités des banlieues plurielles: «Qu’on continue à voir et entendre un vaurien (Zemmour, NDLR) multicondamné pour propos racistes en dit long sur la banalisation de la xénophobie dans notre pays. Il est grand temps que ça s’arrête..»
Certes, pour certains, cela fait longtemps que M. Zemmour a dépassé la ligne jaune avec ses propos sur le comportement d’une certaine frange de la population immigrée, jugements dont l’expression serait facilitée par son origine juive arabe. C’est implicitement ce que soulignait en tout cas en mars 2011 le militant antinational et communautaire Arno Klarsfeld qui se scandalisait de l’invitation faite alors à M. Zemmour par les instances de l’UMP à venir disserter sur la liberté de penser (pensée), invitation (une initiative de Patrick Buisson alors conseiller de Nicolas Sarkozy?) qui avait été aussi dénoncée par la grosse aile gauche et centriste de ce parti.
Me Klarsfled avait ainsi rappelé qu’un an auparavant Eric Zemmour avait affirmé que les employeurs de souche « (avaient) le droit » de refuser d’employer des Arabes ou des Noirs. Jugement scandaleux pour Arno Klarsfeld qui avait déclaré, non sans quelques arguments, que « si Eric Zemmour avait dit la même chose sur la communauté juive, il aurait été exclu de RTL, de France Télévisions et certainement pas invité à un débat à l’UMP ». « Cela peut donner le sentiment qu’il y a deux poids, deux mesures. »
Alors, (re)disons-le ici, il est loisible de ne pas partager en tout ou partie certaines des analyses, des grilles de lecture de M Zemmour; on peut aussi légitimement de notre point de vue lui reprocher non pas tant son diagnostic de la situation mais un pessimisme qui peut incliner au fatalisme, à la resignation, au découragement… Mais à dire vrai le corpus d’idées souverainistes, identitaires dont M Zemmour se fait souvent le relais a plutôt le vent en poupe un peu partout en Europe et dans le monde. Et son succès ne doit rien au hasard.
A l’occasion du démarrage foudroyant réalisé par son essai précédent, Le suicide Français, en 2014 – Jérôme Béglé évoquait sur le site du Point « un phénomène éditorial» et faisait mine de s’interroger: «reste à comprendre ce que ce triomphe signifie. Éric Zemmour est-il devenu le porte-voix de cette France qui ne se sent représentée ni par les médias traditionnels, ni par les discours politiques, ni par les intellectuels qui tenaient jusqu’ici le haut du pavé ?» Phénomène combattu par la caste médiatique, à l’image de Patrick Cohen qui, à la tête de la matinale de France Inter, expliquait il ya deux ans qu’il n’invitait pas Eric Zemmour « parce qu’il il y a suffisamment d’intellectuels dans le paysage pour ne pas aller chercher quelqu’un qui a été journaliste mais qui est devenu un acteur politique sans en avoir la légitimité électorale.» M. Cohen et ses amis éditorialistes ne sont pas, eux, des acteurs politiques et des agents d‘influences, c’est bien connu…
Zemmour, certes, coche (presque) toutes les cases de la mal-pensance, lui qui refuse de plier les genoux devant la propagande bruxelloise les dogmes gaucho-féministes, d’approuver le mariage homo et dénonce les ravages du multiculturalisme et du vivre-ensemble obligatoire. Plusieurs fois poursuivi devant les tribunaux (comme Jean-Marie Le Pen) pour avoir établi un lien entre immigration et insécurité, Zemmour est un réactionnaire assumé, un nostalgique de la France d’avant, qui a même été, horresco referens, jusqu’à rétablir un certain nombre de vérités sur le gouvernement du Maréchal Pétain. Bref , tout comme Orban, Salvini ou Marine sur le plan purement politique, un objet d’effroi et/ou de consternation de la gauche Mélenchon à la droite Pécresse; même si ladite droite est bien obligée de constater la grande perméabilité de son électorat avec les idées défendues et avancées par un homme largement en tête des ventes d’essais dans notre pays.
Nous l’avions dit également, il est certain que les propos de M. Zemmour légitiment objectivement les analyses et avertissements de l’opposition nationale. Ce qui faisait dire à Bruno Gollnisch qu’il était «complotiste au sens zemmourien du terme », à savoir qu’il y a bien « un complot contre la France -dénatalité, immigration massive, ouverture des frontières, libre échangisme, destruction de l’identité française, etc-, complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat, notamment par l’appel depuis 40 ans à une immigration massive de personnes qui se trouvent en dehors de notre civilisation .»
Il est tout aussi évident que les analyses et réflexions d’Eric Zemmour ne sont pas originales, au sens ou elles ont été développées et tenues, historiquement et dans les dernières décennies, par les brillantes figures des cercles intellectuels de notre famille de pensée qui, elles, ont été soigneusement écartées des « grands médias. » Mais qui peut nier qu’il a contribué efficacement à diffuser, populariser, vulgariser au sein de l’opinion française des thèmes et des réflexions jusqu’alors ghettoïsés, marginalisés? Ou à tout le moins à accompagner le virage idéologique identitaire, national qui se matérialise depuis le début de ce millénaire? Le succès d’audience d’un Zemmour est une autre manifestation de l’effondrement de l’emprise culturelle de la gauche mondialiste sur les esprits (certes elle a encore de solides bastions!), effondrement qui rend possible demain chez nous, une victoire dans les urnes.