A ce vœu (bien légitime en soi) d’instaurer une cybersécurité respectant le choix des électeurs, s’ajoute l’appel réitéré à la sacro-sainte croisade contre les infox, fake news et autre fausses nouvelles parano-complotistes, qui menaceraient de fausser le jugement des Européens. Et comme à chaque fois les fourbes, les odieux qui manœuvreraient pour corrompre les (faibles d’) esprits agiraient dans l’ombre et l’orbite de la Russie poutinienne. C’est ce que rapporte en tout cas un article de Ouest-France, publié en lien avec Euractiv, convoquant à l’appui de ce scénario d’impeccables témoins de moralité… « Les « fake news » est-il écrit, « vont-elles troubler la campagne des élections européennes comme elles l’ont fait avec celle du référendum du Brexit ou de l’élection de Donald Trump ? C’est la grande angoisse des autorités européennes, convaincues que Moscou se cache derrière ce fléau ».
« Il y a des forces extérieures anti-européennes, qui cherchent à influencer les choix démocratiques des Européens a mis en garde le président du Conseil européen Donald Tusk (…) ». « Certains responsables identifient sans détour Moscou comme le chef d’orchestre de tentatives de manipulation de l’opinion à coups d’infox : Il y a des preuves désignant la Russie comme la source principale de ces campagnes , a affirmé l’un des vice-présidents de la Commission Andrus Ansip. (…) Dans le domaine des infox, les nouvelles technologies avancent extrêmement rapidement, s’est inquiétée la commissaire au numérique, Mariya Gabriel, qui appelle donc l’UE à redoubler d’efforts ». Redoubler d’efforts pour accréditer l’idée, que l’on pourrait juger elle-même très complotiste, que toute remise en cause du progressisme bruxellois relève du mensonge. En effet, insiste cet article, « de l’immigration à la corruption des élites, en passant par des complots de toutes sortes, les infox ont des thèmes de prédilection souvent en phase avec ceux des mouvements dits populistes ou d’extrême droite. Elles surfent sur la viralité sur internet des contenus à sensation comme sur la défiance ambiante à l’égard des institutions et des médias. »
Dans ce climat de parano hargneuse qui gagne le camp des adversaires de l‘Europe des souverainetés et des identités nationales, certains crient encore plus fort que d’autres : « L’Europe est en feu, et les plateformes de médias sociaux apportent des pistolets à eau pour combattre les flammes , accuse l’ONG Avaaz, qui appelle Bruxelles à des mesures contraignantes. Facebook, ébranlé par l’affaire Cambridge Analytica et critiqué pour son rôle dans la propagation des infox, y semble disposé. Je suis convaincu que les gouvernements et les régulateurs doivent jouer un rôle plus actif , a écrit son patron Mark Zuckerberg dans une tribune publiée fin mars dans des journaux du monde entier. »
« Tandis que certains pays, comme la France, ont décidé de légiférer, la Commission privilégie pour l’heure le dialogue avec les géants d’internet. Avec notamment son Code de bonnes pratiques signé à l’automne 2018 par Facebook, Google et Twitter. » Ouvrons ici une parenthèse pour rappeler que dans sa lutte contre le « complotisme », Emmanuel Macron, constate Bruno Gollnisch, s’est appliqué une nouvelle fois à mettre ses pas dans ceux de François Hollande. C’est ce dernier qui commanda à Rudy Reichstadt en 2015, créateur d’un ubuesque Observatoire du complotisme , et aujourd’hui membre de la Fondation Jean Jaurès, un rapport sur les complotistes. A la lecture de celui-ci on pouvait comprendre qu’être eurosceptique ou contester le bien fondé de la loi dite Pompidou-Giscard du 3 janvier 1973 qui a placé l’Etat français sous l’emprise financière directe des banques privées, faisait de vous un parano à tendance antisémite ou un antisémite à tendance complotiste, au choix !
« À Bruxelles, indique encore Ouest-France, une institution liée à la Commission européenne, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), s’est lancée elle-même dans la bataille (…). Leur site EU vs desinformation affirme avoir déjà démonté plus de 5 000 fausses informations, principalement liées à la Russie. Mais les moyens de cette cellule restent modestes, et sa démarche suscite des doutes. » « Pour que les pays de l’UE fassent bloc, la Commission a tracé des lignes directrices, les appelant notamment à soutenir le journalisme de qualité ou encore à collaborer avec des fact-checkers (vérificateurs de faits) indépendants. » Concrètement, dix-neuf médias venant de treize pays européens participent au projet collaboratif eurobruxellois de lutte contre les fake news , baptise Fact Check EU. Ils ont signé la charte de l’International Fact-Checking Network (IFCN) ou Réseau international de fact-checking.
Les Décodeurs, nous l’avions écrit, sont la matérialisation du Decodex financé par le « Fonds Google » à hauteur de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Un outil qui distribue bons et mauvais points aux sites d’informations, selon des critères souvent extrêmement partiaux et biaisés, faisant la part belle au respect ou non, du catéchisme progressiste, de la doxa officielle et de sa propagande. Comme le soulignait alors Laurent Berruyer sur son blogue Les Crises, le « service de vérification des faits (du Monde) ne pouvait qu’aboutir à sa transformation insidieuse en une sorte de Ministère de la Vérité qui prétend dire le Vrai.» Dans les faits, «une Police de la pensée, car toute autorité prétendant dire le Vrai ne peut accepter de voir son autorité remise en question, dans le cas où des personnes persistent volontairement dans l’erreur. Un tel Pouvoir constitué est donc toujours tenté d’abuser de ses prérogatives.» Un constat qu’il est loisible d’étendre plus largement aux agissements de la technostructure eurobruxelloise.