Site icon Le blog de Bruno Gollnisch

À propos du scandale du crack

L’incroyable scandale que constitue la présence continue dans un quartier de Paris de dealers et de drogués au Crack, drogue dure et terriblement addictive, manifeste l’impuissance coupable de la « puissance » publique : Etat, Préfecture de police, Mairie de Paris, etc.

Il serait cependant injuste d’imputer ces terribles carences à la seule Macronie. Car tout cela vient de loin.

La « colline du crack » porte de La Chapelle à Paris (2019)

À l’Assemblée…

En 1986, j’avais 36 ans, quand je fus élu, à la surprise générale, député du Rhône avec mon suivant de liste, le cher Jean-Pierre Reveau, dans le groupe d’une trentaine de députés que devait présider Jean-Marie Le Pen. Pour l’homme encore jeune comme je l’étais alors, c’était la consécration de beaucoup d’efforts. Ce cénacle de l’Assemblée Nationale était à la fois majestueux et familier. Il y a là des vestiges de toute l’Histoire de France, de la statue d’Henri IV jusqu’à la vespasienne de Clémenceau, dans le jardin, en passant par l’admirable plafond de la bibliothèque peint par Delacroix… Notre groupe était puissamment motivé, et désireux, à la demande de Le Pen, d’être exemplaire en matière d’assiduité, performance difficile, car les séances se succédaient le matin, le midi, le soir et la nuit. Nous nous sommes cependant astreints à cette présence et à une participation, qui fut je crois assez remarquable. Il suffit d’ouvrir le Journal Officiel des Débats de l’Assemblée Nationale de l’époque pour y voir la combativité du Front National et la haute tenue de nombre de ses interventions.

Dans un système majoritaire, il est certes difficile à trente-cinq députés de peser ou d’empêcher une loi de passer. Sous la Ve République, le parlement ne sert, souvent, qu’à formaliser les lois faites par le gouvernement ; les initiatives émanant des députés sont rares. Pour autant, notre présence n’était pas simplement symbolique ; elle pouvait gêner la majorité, retarder ses projets, et prendre le pays à témoin, assurant ainsi la promotion de nos convictions.

Lutte contre la drogue ?

La séance du 10 octobre 1987 fut un bon exemple de nos capacités de réaction. Le sujet nous paraissait très important : La drogue, ses ravages, et les moyens de la combattre. Une loi nouvelle devait être votée. Sa discussion s’ouvrait en séance de nuit. Nous avions fait un effort d’assiduité pour ce débat. C’était le gouvernement de la première cohabitation : Mitterrand était resté président de la République ; le gouvernement, RPR-UDF (on dirait aujourd’hui « LR ») était dirigé par Jacques Chirac, Premier Ministre. Albin Chalandon, ministre de la Justice de l’époque, homme courtois et distingué, était censé défendre le dossier.

Triple scandale

Or nous nous aperçumes que le débat allait s’éterniser durant toute la nuit, alors qu’en dehors des députés du Front national, l’hémicycle était pratiquement vide , un seul communiste : M. Assensi, deux socialistes : M. Franceschi et Mme Trautmann, un UDF (M. Daillet, je crois) et seulement deux RPR (Mme de Panafieu, bientôt rejointe par Jacques Toubon). Le premier scandale était cet absentéisme qui donnait lieu à chaque vote à un tournage des clefs, illégalement laissées sur leurs pupitres par les absents.

Le deuxième scandale était que sur le fond du dossier, tout ce qui tendait à réprimer, dans le projet initial, le trafic de drogue avait été enlevé par le gouvernement Chirac sur l’insistance de l’entourage de François Mitterrand, et surtout, disait-on, suite à une intervention de Mme Mitterrand et de ses amis. Nous pensions, nous, qu’il fallait des mesures sérieuses : aggraver les peines des dealers ; tarir le marché en autorisant l’internement sanitaire des toxicomanes, etc. Or, dès l’ouverture, le projet arrivait totalement vide.

Le troisième scandale était qu’on avait greffé, sur ce débat, en violation formelle de la Constitution, une disposition qui préfigurait la loi Gayssot, et qui sous prétexte d’interdire l’apologie ou la négation des crimes contre l’humanité, prétendait en fait régenter l’Histoire. Il était parfaitement illégal de procéder à ce que l’on appelle un « cavalier législatif » dans de telles conditions, sans étude préalable en commission, et sans aucun rapport avec le texte originel. Mais on était dans la foulée de l’émotion artificiellement entretenue après l’affaire dite du « détail ». le CRIF et la LICRA avaient donné leurs ordres au gouvernement Chirac, et celui-ci devait s’exécuter !

Bataille de procédure

L’accumulation de ces trois scandales, jointes à une ou deux provocations de M. Toubon, nous conduisirent à mener une vigoureuse bataille de procédure par sous-amendements qui dura…toute la nuit! C’était tout à fait improvisé, contrairement à ce que prétendit ensuite la presse. Ils voulaient qu’on leur parle de crimes contre l’humanité, on allait leur en parler ! Nous égrenions l’horrible litanie : du génocide arménien, qu’ils avaient refusé de reconnaître à l’époque, du crime des goulags en Union soviétique, de la famine provoquée en Ukraine par Lénine, du génocide des Khmers rouges au Cambodge, des exactions du FLN en Algérie, et de la Révolution française en Vendée… Nous avons ainsi occupé le terrain jusqu’au matin. J’écrivais les amendements sur le coin de mon pupitre ; j’appelais aussitôt un huissier pour les porter au service de la séance ; je désignais celui de mos collègues qui allait le défendre. Jean-Marie Le Pen, Roger Holeindre, Pierre Descaves et vingt autres se surpassèrent dans l’éloquence.

Absentéisme

Vers 2 heures du matin, en pleine joute acharnée, j’exhibais une disposition oubliée du Règlement -l’article 52- qui donnait au Secrétaire de l’Assemblée que

j’étais la possibilité de vérifier le dossier des procurations que les absents devaient donner, chaque député ne pouvant être porteur que d’une seule procuration d’après la Constitution et la loi organique prise pour les délégations de vote. Or il n’y avait en séance que deux Secrétaires de l’Assemblée : le Dr. Bachelot et moi- même, membres du Bureau élus à la proportionnelle. Je demandais donc -que dis- je : j’exigeais- de contrôler le dossier des procurations en question, tout en sachant très bien qu’il était vide ! Cela provoqua une certaine panique. Entraînant mon collègue, je montais occuper ma place de secrétaire de l’Assemblée à côté du siège du Président, ce qui était licite, mais que personne ne faisait jamais, et qui fut considéré par les ignorants ou les malveillants (les deux qualités pouvant parfaitement se conjuguer) comme un assaut du « Perchoir », une quasi-tentative de coup d’Etat.

Tournage de clefs

Pendant ce temps, voyant qu’on ne parvenait pas à faire respecter ni la Constitution, ni la Loi organique, ni le Règlement de l’Assemblée, les députés FN se répandirent dans les travées et commencèrent à tourner les clefs de vote des absents. C’était certes enfreindre un usage qui voulait que l’on ne manipulât que les clefs des membres de son groupe, mais cet usage était lui-même illicite et immoral. Nous entendions le dénoncer.

Tollé

Pendant toute une semaine, ce fut un tollé extraordinaire dans les medias. D’autant plus violent que les journalistes qui commentaient l’événement n’y n’avaient pas assisté, puisqu’ils étaient dans leurs lits, à deux exceptions près. Le journal anciennement maoïste Libération fit sur nous sa une avec le titre : « Le Banc des Terroristes » (sic). Dans les colonnes du Journal du Dimanche qui suivit, Alain Genestar compara mon action personnelle, je cite : au Putsch du Colonel Tejero (au Parlement espagnol), à l’Incendie du Reichstag, et à la Nuit des longs couteaux. Avoir inspiré, seul et à mains nues, une telle crainte me remplit aujourd’hui encore d’une certaine fierté…

En attendant, le gouvernement dut amoindrir, en deuxième lecture, la portée liberticide de son texte, resté sans conséquence jusqu’au vote, bien plus tard, de la loi Gayssot. Et quelque temps plus tard, on modifia le règlement de l’Assemblée pour éviter, du moins lors des votes, le retour d’un absentéisme aussi scandaleux. Il y eut quelques vaisselles cassées, certains députés ayant dit à leurs épouses qu’ils étaient en séance de nuit à l’Assemblée : notre combat avait révélé qu’ils étaient peut-être en séance de nuit, mais pas à l’Assemblée !

Quand au trafic de drogue, il avait encore de beaux jours devant lui…

Quitter la version mobile