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Pécresse, Zemmour, Marine Le Pen : Bruno Gollnisch commente le début de la campagne pour les présidentielles

Bruno Gollnisch journal Le Point

Bruno Gollnisch était interrogé cette semaine par Florent Barraco et Emmanuel Durget du journal Le Point.

Le Point : On dit qu’une élection se gagne au centre. Est-ce que, cette fois-ci, elle va se jouer à droite, voire très à droite ?

Bruno Gollnisch : Cela fait un bon bout de temps que l’élection présidentielle ne se joue plus au centre. Et, en réalité, elle s’est toujours jouée à droite ou à gauche. L’électorat gaulliste était majoritairement à droite. Pareil pour Georges Pompidou ou Valéry Giscard d’Estaing qui, en 1974, a bénéficié de l’électorat de l’UDR… En 1986, aux législatives, le programme du RPR et de l’UDF – on dirait aujourd’hui LR – était un pâle et tardif décalque du programme du Front national, incluant, par exemple, la réforme du code de la nationalité ! Ils n’en ont rien fait, bien sûr. Nicolas Sarkozy, grâce aux conseils de Patrick Buisson, avait siphonné une partie des voix du FN. Dans cette mouvance-là, ils gagnaient toujours à droite… et ne faisaient ensuite d’ouverture qu’à gauche !

Si on en croit les sondages, le bloc d’extrême droite est à plus de 30 % quand on ajoute les intentions de vote de Marine Le Pen, Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan…

Ce bloc n’est « extrémiste » en rien. Je suis amusé de voir chez Éric Zemmour les mêmes accents que naguère Jean-Marie Le Pen. Il dit : « Je ne suis pas extrémiste ; mes idées, c’étaient celles que défendait le RPR. » Le Pen disait, lui aussi : « Les idées que je défends sont des idées du bon sens, c’étaient les idées que défendait le Centre national des indépendants [un parti conservateur et modéré très important sous la IVe République, NDLR]. » Et c’était vrai. C’était la classe politique française qui, longtemps, avait dérivé à gauche. Aujourd’hui, les prétendus « extrêmes », qui par définition devraient être sur les bords du gâteau, finissent par en constituer la plus grosse part ! Et nous avons assisté, lors du congrès des Républicains, à une course à l’échalote à celui qui trouverait les accents les plus radicaux (devrais-je dire extrémistes ?). M. Ciotti est même allé jusqu’à proposer un Guantánamo à la française, ce à quoi je ne suis pas favorable, car il faut respecter les droits de la défense, et les pires criminels ont droit à un procès équitable. Même Michel Barnier, le chantre de l’Europe, a demandé que l’on s’affranchisse de la Cour de justice européenne. Valérie Pécresse est macron-compatible et a signé il y a dix ans avec des « indigénistes » une pétition pour une France multiculturelle et postraciale. Désormais, elle dit tout le contraire…

Que pensez-vous de la candidature d’Éric Zemmour ?

J’ai beaucoup d’estime pour Éric Zemmour, mais j’ai quelques points de divergence avec lui. Je ne suis pas gaulliste, et je n’ai pas l’intention de le devenir, même si je reconnais certains aspects de grandeur du personnage. Tout le monde est tombé sur Zemmour au sujet de Pétain, mais il n’a dit que ce que nous disent beaucoup d’historiens. Ce serait un long débat. À la différence d’Éric Zemmour, je ne suis pas non plus bonapartiste, même si je fais la part des choses dans l’héritage napoléonien. Zemmour est un homme intelligent, cultivé et courageux. Mais je lui aurais personnellement déconseillé de se présenter.

Pourquoi ?

Je suis membre du Rassemblement national, même s’il m’arrive d’être critique envers ma formation politique. Ma crainte, c’était qu’Éric Zemmour soit à Marine Le Pen ce que Christiane Taubira avait été pour Lionel Jospin en 2002. Je crains la division des voix patriotes. Aujourd’hui, il a atteint un plateau ; peut-il progresser ? Je ne sais pas. Ceux qui, à tort, prédisaient l’effondrement de Marine Le Pen se sont trompés. Elle résiste bien alors que sa campagne n’est pas suffisamment médiatisée. On n’a, par exemple, pas assez parlé dans les médias de ses propositions sur l’immigration, alors que ce sont des solutions cohérentes, efficaces, fermes, raisonnables.

Mais, si Éric Zemmour atteint des intentions de vote à deux chiffres, c’est parce que peut-être Marine Le Pen ne répond pas à la « demande » de ses électeurs, comme le signale Marion Maréchal…

Il y a eu en effet, peut-être pas chez Marine Le Pen mais au Rassemblement national, une perte de tonus, voire une usure avec le temps. Mais il y a une contrepartie : c’est l’expérience. Il y a des dizaines de personnes qui ont exercé des mandats parlementaires et des centaines d’élus locaux. Il y a eu aussi une érosion du sentiment affectif, et l’exclusion de Jean-Marie Le Pen a été à cet égard une erreur et une faute. Beaucoup de gens ont été fidèles à ce mouvement, mais ont eu aussi l’impression de ne pas avoir été bien traités.

N’y a-t-il pas aussi des raisons de fond ?

Un certain nombre de sympathisants ont eu l’impression que, sur certains sujets, le discours était édulcoré ou que nous avions abandonné certains thèmes. Depuis que Marine Le Pen est repartie en campagne, je retrouve avec intérêt un certain nombre de ces thèmes…

Peut-être grâce à Zemmour…

Quant aux motivations, je ne sonde pas les reins et les cœurs. Mais, en politique, comme en économie, la concurrence est la garantie du consommateur. Contrairement à Valérie Pécresse, Marine Le Pen n’est pas opportuniste. Elle n’a pas changé fondamentalement d’attitude. Certes, nous n’étions plus audibles sur un certain nombre de sujets de société, comme la politique familiale, l’accueil de la vie ou, sur le plan économique, la lutte contre la bureaucratie qui paralyse notre pays et le fiscalisme qui spolie. Je ne dis pas qu’on avait abandonné ces sujets, mais nous n’étions plus identifiés et, comme dit Jean-Marie Le Pen, « en politique n’existe que ce qui paraît exister ». Je me réjouis donc que des initiatives aient été récemment prises dans ces domaines. En tout état de cause, je ne voudrais pas que cette compétition profite à madame Pécresse…

Pourquoi la candidature de Marine Le Pen aurait-elle la primauté sur celle d’Éric Zemmour ?

Déjà, pour une première raison : il y a, me semble-t-il, un ordre naturel, c’est celui de l’antériorité. Il y a d’ailleurs ici une chose un peu irritante. Éric Zemmour, et pas seulement lui, nous dit qu’il est le premier à oser parler de ceci ou de cela. Quelquefois, j’ai envie de reprendre le programme du Front national d’il y a 15, 20 ou 30 ans, dont j’ai été l’un des rédacteurs, et dire, mais sans animosité : « Un peu de modestie ! » Car nous avions mis toutes ces questions sur la table et proposé les remèdes adéquats. Il en a résulté, comme aujourd’hui pour Zemmour, quantité d’épreuves, de diabolisation, de persécutions judiciaires et d’agressions physiques. Ces agressions physiques sont médiatisées de manière incroyable : les voyous antifas viennent bloquer les meetings de Zemmour par la violence. Et l’on dit « violences à l’occasion du meeting d’Éric Zemmour », comme s’il les avait lui-même provoquées.

Le dernier exemple en date, le propos d’Éric Dupond-Moretti à l’Assemblée nationale quand il dit que Zemmour « veut rétablir l’ordre républicain qui, selon lui, serait déliquescent… Et il est incapable d’assurer la sécurité dans son propre meeting ». C’est particulièrement ignoble. Il arrive à Zemmour exactement ce qui est arrivé à Le Pen et à nous dans les années 1980, durant des décennies, et récemment encore. Nous avons donc une antériorité. Et je pense que Marine Le Pen, plutôt que de critiquer ce qui est peut-être critiquable chez Zemmour, a quand même un bon argument : « Il arrive après nous dans cette bataille. Quelle est sa valeur ajoutée ? Qu’est-ce qu’il apporte de plus ? » Je crois que c’est une bonne question.

La réponse n’est-elle pas une certaine radicalité d’Éric Zemmour que réclame une partie de l’électorat ?

Il peut dire qu’il a des positions plus tranchées. C’est possible. Mais cela peut être aussi un inconvénient. Je vois d’ailleurs qu’il a essayé d’y parer lors de son dernier meeting. On critique beaucoup Marine Le Pen parce qu’elle critique l’islamisme, et non l’islam. On a bien sûr le droit de critiquer l’islam. Cependant, je pense que le rôle des responsables politiques n’est pas de s’attaquer à une religion, mais de parer fermement à l’islamisation de la France, à l’islamisme, c’est-à-dire à la prétention de trop de musulmans à vouloir vivre et d’imposer un mode de vie peut-être adapté à des Bédouins dans l’Arabie du VIIIesiècle (et encore !) mais qui n’est pas et ne saurait être le nôtre.

Reprochez-vous à Éric Zemmour une tendance à « essentialiser » ?

Parmi les Français musulmans, il y a de la diversité. Il y en a qui sont aussi peu fervents musulmans que la majorité des Français est peu fervente catholique. Il ne faudrait pas, par des attaques contre la religion, qui est quelque chose d’intime et de profond, réveiller un sentiment d’hostilité. En tant que prof de fac, j’ai eu beaucoup d’élèves issus de ce que l’on appelle « la diversité », qui étaient des étudiants studieux, avec lesquels je n’ai jamais eu de problème. Et dont je suis persuadé qu’ils n’avaient pas d’autre désir que de s’intégrer parfaitement à la société française. Quel message apporte-t-on à ceux-là ? Est-ce qu’on veut les rejeter dans le camp de ceux qui, par leurs actions, et quelquefois leurs actes abominables, portent atteinte à la réputation de ceux qui ont la même origine ?

Éric Zemmour n’aide-t-il pas Marine Le Pen à lisser son image, à devenir présidentiable, en vue du deuxième tour ?

C’est ce que disent beaucoup de commentateurs. J’acquiesce à condition que les deux candidats se retrouvent au deuxième tour. Malgré tout, quand il y a des situations de compétition, c’est comme quand la vaisselle a été cassée. Il est toujours difficile de recoller les morceaux,

Quelle issue prédisez-vous à cette compétition dans laquelle les deux candidats ont l’air peu à même de se rapprocher ?

On pourrait rêver d’un deuxième tour Le Pen-Zemmour (rires). On a vu des choses plus surprenantes dans la vie politique française des deux derniers siècles ! Si Marine Le Pen, qui, encore une fois, résiste, est au deuxième tour, j’espère bien qu’Éric Zemmour lui apportera son soutien. Et inversement. Ça paraît peu probable, mais, si Zemmour était au deuxième tour contre Macron, moi, je ne voterais pas pour Macron. Les choses sont claires.

Emmanuel Macron boucle son quinquennat. Où se situe-t-il parmi les présidents qui l’ont précédé ?

Au risque de me brouiller avec certains de mes amis politiques (rires), son bilan est mauvais, mais par rapport aux précédents, ce n’est pas pire. Je ne le trouve pas pire que Chirac, je ne le trouve pas pire que Mitterrand, je ne le trouve pas pire que Hollande ni Sarkozy. Je trouve qu’il est un peu de la même veine. C’est un garçon qui est intelligent, certainement. Je ne le trouve pas haïssable. Ce que je dis me sera peut-être reproché, mais je suis surpris de la haine qu’il suscite quelquefois. Cela étant, je suis en total désaccord avec lui sur la plupart des sujets. C’est un libéral, au sens philosophique du terme un relativiste, acquis aux idées mondialistes. Il penchait plus du côté d’Alain Minc que de Patrick Buisson ! Il semble quand même que la réalité lui ait sauté au visage à l’occasion de la pandémie. Il a pu mesurer l’impact de la réduction des services publics, et de notre désindustrialisation dont résultait, par exemple, l’incapacité à fournir ne serait-ce que des masques… Mais il reste quand même sur ses illusions euro-mondialistes, dont, à mon avis, il ne sortira rien de bon.

Vous ne souscrivez pas à ce procès en arrogance et en déconnexion qui lui est fait ?

Si, mais je ne le crois pas plus déconnecté du pays réel que ne l’est Valérie Pécresse. Certaines attaques sont peut-être injustes. Par exemple, on a mis sur le compte de l’arrogance le fait qu’il a parlé des « gens qui ne sont rien ». Mais il y a malheureusement des gens « qui ne sont rien », je veux dire qui n’ont pas le statut social, la reconnaissance, le minimum de revenus, la dignité qu’ils méritent et devraient avoir. Si on dit ça pour le déplorer, comme je le fais là, ce n’est pas du mépris. Il y a beaucoup de gens qui n’ont pas l’accomplissement familial, culturel, patrimonial, l’accès au logement, etc. auxquels ils devraient pouvoir prétendre, et il faut y remédier.

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