Site icon Le blog de Bruno Gollnisch

Rivarol : entretien avec Bruno Gollnisch

Enquête sur l’avenir du mouvement national

Avec l’interview du numéro deux du Front national s’achève notre enquête sur l’avenir du mouvement national. Dans le prochain numéro nous tâcherons d’esquisser un bilan et de tirer les enseignements de ce qu’ont bien voulu nous dire au cours des cinq mois écoulés les seize intervenants que nous remercions de leur aimable participation.

Rivarol : Nombreux ont été les rivaroliens à demander des nouvelles de votre santé à la suite de votre quadruple pontage début août. Comment vous portez-vous actuellement ?
Bruno Gollnisch : L’opération que j’ai subie est aujourd’hui courante, mais elle est lourde ; elle requiert surtout une assez longue rééducation à l’effort pour recréer une bonne vascularisation du cœur, ce à quoi je m’astreins en ce moment. Après tout ira bien, et les médecins, dont on sait qu’ils ne mentent jamais, me promettent une nouvelle jeunesse au sortir de l’Institution spécialisée que je fréquente actuellement. Je remercie les lecteurs de RIVAROL pour la sympathie qu’ils m’ont manifestée dans l’épreuve.

R. : Cet incident cardiaque vous amène à réduire temporairement vos activités et à vous organiser différemment. De vos fonctions (secrétaire départemental du Rhône, délégué général du Front national, président de groupe au conseil régional de Rhône-Alpes et surtout au Parlement européen) et mandats (conseiller régional, eurodéputé), quels sont ceux que vous songez à abandonner, au moins provisoirement et quel rôle comptez-vous jouer à l’avenir à l’intérieur du Front ?
B. G. : Je n’ai pas encore pris de décision, qui en tout état de cause devrait être prise avec Jean-Marie Le Pen. Je pense qu’il serait sage, également de l’avis des médecins, que je recentre mes activités. J’ai préparé des dispositions, que je présenterai au Secrétaire Général et au Président, pour assurer mon remplacement à la tête de la Fédération du Rhône. Je crois par ailleurs que la délégation générale du Front National a tout-à-fait sa raison d’être, mais je ne suis pas propriétaire de cette fonction, qui pourrait être exercée par un autre. Je souhaite conserver mes mandats à la Région et à l’Europe, où l’existence du groupe parlementaire constitué en janvier dernier peut être une tribune politique pour nos idées et une occasion de contacts. Si je continue comme je le souhaite à jouer un rôle dans l’appareil interne national du Front, je pense que cela pourrait être par exemple dans le domaine de la formation. Par ailleurs, je souhaite comme Carl Lang que lorsque la succession de Jean-Marie Le Pen sera ouverte les adhérents aient la possibilité d’un choix.

R. : Jean-Marie Le Pen est le seul candidat à la présidence du FN au congrès de Bordeaux dont la presse dit qu’il sera celui de la transition. Que faudrait-il faire, tant sur le plan organisationnel que sur celui des idées, pour que le mouvement national renoue avec le succès et puisse retrouver des électeurs égarés chez Sarkozy ? Et comment remobiliser des militants découragés par les échecs électoraux successifs et par certaines initiatives ou déclarations malheureuses ?
B. G. : Sur le plan organisationnel, nous sommes malheureusement soumis à des restrictions financières drastiques et nous ne pouvons réorganiser le Front National dans les conditions qui semblent nécessaires pour mener activement notre combat politique.
Il est certain que nous devrons par conséquent agir avec des moyens considérablement amoindris et avec un effort financier et d’action de tous et de tous les instants.
Quant aux idées, nous n’avons rien à changer car nous sommes dans le vrai. Je répète que c’est d’ailleurs le grand paradoxe de 2007. Nos idées n’ont jamais été partagées par autant de Français et pourtant un grand nombre d’électeurs s’est détourné de nous dès la présidentielle. Le phénomène s’est ensuite accentué lors des législatives pour lesquelles, aux électeurs qui se sont faits prendre dans la « toile » Sarkozy, se sont ajoutés les découragés qui ne se sont même pas déplacés pour aller voter, faisant tomber le score du FN à moins de 5%. Et ce sont Sarkozy puis l’UMP qui ont profité de cette « désertion » électorale que nous redoutions mais dont nous n’avions pas envisagé l’ampleur.
Les électeurs, séduits par le discours au « karcher » de Sarkozy, ont préféré lui accorder leur voix plutôt qu’à Jean-Marie Le Pen. Ils ont pensé qu’il valait mieux ce qu’ils croyaient être un « Le Pen light » à l’Elysée qu’une socialiste dogmatique et manifestement en dessous des compétences nécessaires à la fonction présidentielle.
Malheureusement pour la France, Nicolas Sarkozy a repris certains thèmes chers aux électeurs nationaux (insécurité, immigration, fiscalisme…) sans jamais vouloir les appliquer. C’est ce que l’on vérifie depuis sa prise de fonction. La majorité, à l’image de son président, gesticule certes, mais qu’en ressort-il de positif pour la France ? Rien. Le débat autour de l’ADN est significatif. Les parlementaires UMP font mine de lutter pour l’adoption de l’amendement « Mariani » qui n’aurait pourtant pour conséquence que d’accélérer le regroupement familial des enfants réellement issus des parents présents sur le territoire national. Ceux qui voudraient faire venir des enfants qui ne seraient pas les leurs pourraient y parvenir en passant par la procédure habituelle. Mais l’essentiel est que l’UMP agisse « comme si ». Comme si tout allait changer alors qu’elle a déjà tous les pouvoirs depuis 2002. Les Français tombent dans le panneau et il en va de même dans tous les domaines de l’action gouvernementale.
Notre rôle est alors de montrer à quel point Sarkozy et sa majorité se paient notre tête, ce qui n’est pas une mince tâche étant donné les moyens médiatiques dont ils disposent en comparaison des nôtres.

R. : S’il doit y avoir des modifications dans l’organigramme, l’organisation et les statuts du FN, êtes-vous favorable, comme l’avait proposé Louis Aliot dans Le Monde du 31 mai, à onze jours du premier tour des législatives, à une suppression de la délégation générale, au remplacement de la moitié des secrétaires départementaux et régionaux et à la réduction du bureau politique à une vingtaine de membres ?
B. G. : J’ai été très surpris de cet article, et j’ai du mal à croire qu’il corresponde à la pensée de Louis Aliot, tel du moins qu’il a été présenté. En effet, ni Louis ni personne ne m’ont jamais fait part d’une intention de supprimer la Délégation Générale, et si tel était le projet, je pense que l’on aurait la courtoisie de m’en parler avant de s’en ouvrir à la presse. Comme je le disais précédemment, la réduction massive de notre financement public, nécessite de réduire les effectifs de notre siège national. Mais il est toujours aisé de dire qu’il faut changer tout et tout le monde. Remplacer la moitié des secrétaires départementaux (ou tout autre responsable) qui ne seraient pas assez efficaces se concevrait si l’on est raisonnablement assuré de trouver plus efficace. Or le plus souvent nos responsables départementaux, se démènent comme ils le peuvent avec le peu de matériels financier et humain qu’ils ont à disposition. Il y en a eu de nouveaux de nommés, aussi bien lorsque j’étais secrétaire général que sous Carl Lang ou Louis Aliot, et c’est normal. Mais laisser entrevoir une espèce de purge massive serait les accabler sans contribuer à les encourager dans leur tâche souvent ingrate mais indispensable. Selon mon expérience personnelle, la difficulté est souvent de trouver dans un département une personne qui veuille bien assumer cette lourde responsabilité. Là où il y a plus de difficultés et de travail que d’honneurs et de prébendes à récolter, on se bouscule rarement au portillon pour faire acte de candidature. En revanche, il est certain que nous devons faire un effort de formation et d’encadrement.
Parallèlement, depuis la scission de 1999, force est de constater que l’arrivée de nouveaux talents n’a pas eu lieu. Et l’Union patriotique qui aurait eu pour conséquence de faire revenir dans le combat politique certains de nos anciens camarades s’est finie en eau de boudin. C’est pourtant un des moyens de compléter nos effectifs clairsemés. D’ailleurs, certains anciens mégrétistes ont repris une place importante dans notre mouvement, je pense par exemple à Steeve Briois qui après deux années passées au MNR, où il a lutté contre les candidats du Front National, est désormais Secrétaire départemental du Pas-de-Calais. Alors pourquoi d’autres ne le pourraient pas ?
Quant à la réduction du nombre de membres du Bureau politique, cela ne créerait de soi aucune réduction de dépenses, la plupart des membres extérieurs venant à leurs frais. Tout dépend de la conception que l’on se fait de ce Bureau. Est-il un exécutif ? Auquel cas il peut paraître utile d’en resserrer le nombre ; ou est-il une assemblée essentiellement consultative mais représentative des diverses sensibilités nationales et des différentes régions de France ?
C’est plutôt ainsi qu’il a fonctionné jusqu’à présent, et personnellement je penche pour cette formule, d’une part parce qu’il existe un Bureau exécutif beaucoup plus restreint, d’autre part parce qu’aucun appareil, même légitimement centralisé, ne peut se passer d’une instance vraiment délibérative, et enfin parce que le FN doit demeurer une force de rassemblement. Faute de quoi, on assisterait une fois de plus à une hémorragie de notre encadrement et de nos militants qui ne se sentiraient plus reconnus dans le FN.

R. : Le FN aura beaucoup de mal à constituer seul des listes aux municipales de mars 2008. Etes-vous favorable à des accords avec le MNR et d’autres groupements nationaux pour y parvenir ou faut-il définitivement enterrer le concept d’union patriotique ?
B. G. : Oui, j’y suis favorable. Refuser cette possibilité aboutirait à renoncer de fait à se présenter dans des villes dans lesquelles nous pourrions avoir des élus mais pour lesquelles, à l’heure actuelle, seuls les apports externes au FN nous permettraient de boucler les listes.
Dans les années 80, le « rassemblement national » autour du FN nous avait permis d’attirer bon nombre de personnalités extérieures au FN, permettant ainsi une plus grande attractivité électorale.
Quoi qu’il en soit, l’épisode de l’avortement de l’Union patriotique a été désastreux. La venue de Bruno Mégret à Montretout a crée un espoir vite déçu. Personne n’en est sorti grandi. L’Union patriotique, soit on la fait, soit on ne la fait pas. Le choix est clair. Vouloir la faire à nos seules conditions et en refusant la venue de personnalités sans autre motif que celui de l’absence d’allégeance totale à notre égard a participé de notre déroute électorale.

R. : Vous aviez été le premier à évoquer, au printemps 2006, la perspective d’un Congrès d’Epinay de la droite nationale. Depuis Bruno Mégret a repris l’idée. Vous paraît-elle toujours politiquement judicieuse et surtout est-elle techniquement réalisable ?
B. G. : Je pense que cette idée est politiquement judicieuse. Quant à sa réalisation concrète, c’est un autre problème. Pour une union large de la Droite nationale, encore faudrait-il que chacun des participants ne veuille pas prendre plus que ce qu’il donne, que chacune des parties ne veuille pas tirer la couverture à elle seule. C’est une des causes largement partagée de l’échec de l’Union patriotique. On ne peut demander au MNR, ou ce qu’il en reste, de soutenir Jean-Marie Le Pen sans aucune contrepartie aux législatives. D’un autre côté, le MNR ne peut exiger, vu son poids électoral, un grand nombre de circonscriptions.

R. : Il a beaucoup été question ces derniers temps de la nécessité ou non de conserver les fondamentaux du FN. Pour vous quels sont ces fondamentaux et, s’il doit y avoir une réactualisation ou une évolution du programme frontiste, quels points doivent-ils être précisés ou modifiés ?
B. G. : Encore une fois, la victoire de Nicolas Sarkozy est celle de nos idées. Nous n’avons rien à changer de nos « fondamentaux ».
On peut chercher à « toiletter » le programme du FN, à le dépoussiérer mais il ne s’agirait que d’une question de présentation formelle. On ne peut revenir sur certaines de nos valeurs qui sont la raison d’être de notre combat. Oublier cela aboutirait à donner raison à l’électeur qui s’est détourné de nous croyant que Sarkozy était plus à même de le défendre que Jean-Marie Le Pen. Ces fondamentaux sont pour nous ce que les racines sont à l’arbre. Une tempête peut casser ses branches mais grâce à ses racines il restera debout et refleurira l’hiver passé. Sans racine, l’arbre se couchera à la première bourrasque. Et nos racines plongent au plus profond de la civilisation chrétienne qui défend la vie contre la culture de mort. Nos racines se plongent ainsi dans le refus d’une immigration qui submerge la France, d’un mondialisme qui tue notre tissu social et entrepreneurial, d’un fiscalisme et d’un assistanat qui tuent le travail.
Tourner le dos à ces fondamentaux constituerait un suicide politique.

R. : A la fin des années 80, le FN avait créé Identité, une revue doctrinale de bonne tenue intellectuelle qui a cependant disparu. Ne serait-il pas opportun de recréer un outil de ce type pour former les militants et sympathisants ? Sinon, quels moyens mettre en œuvre pour dynamiser et développer le courant national ?
B. G. : Oui, relancer une revue comme Identité serait utile. Cependant, d’autres outils doctrinaux qui n’émanent pas directement du Front National permettent aux militants nationalistes de s’instruire. La lecture de RIVAROL par exemple, de Présent, du Libre Journal, et de bien d’autres, même s’il ne s’agit pas en soi principalement d’organes de doctrine mais d’information, permet de se forger des armes pour combattre dans le maquis politique. Mais cette idée de relance d’une revue doctrinale n’en est qu’une parmi tant d’autres. Je pense que pour redynamiser le courant national, il faut que chacun se remette en cause, se regarde en face et se demande en quoi il a échoué, et comment ne pas réitérer le revers électoral.
Rassembler le plus d’éléments possibles de la droite nationale serait à mon sens, et comme a su le faire Jean-Marie Le Pen mieux que quiconque, la meilleure condition du rebond. Il n’en va pas seulement de la survie de notre courant de pensée mais surtout de la survie de la France.

Projet conçu et propos recueillis par Jérôme BOURBON.

Quitter la version mobile