Signe de l’instabilité du pays, l’ex Premier ministre chiite, Lyad Allawi, ancien membre du Baas, dirigeant du Bloc irakien (laïc), composé de chiites et de sunnites, n’a toujours pas réussi à former son gouvernement depuis la proclamation officielle des résultats le 27 mars -les observateurs tablent sur des mois de tractations. La coalition emmenée par M. Allawi, le « Mouvement National irakien » a obtenu 91 sièges au Parlement, contre 89 à la coalition baptisée « Alliance pour l’Etat de droit » (AED) du chef du gouvernement, le chiite Nouri Al Maliki, très anti-sunnite et très proche de l’Iran, mais ce dernier refuse de reconnaître sa défaite. L’Alliance nationale irakienne (ANI), bloc chiite lui aussi dans l’orbite iranienne, arrive en troisième position avec 70 sièges, l’Alliance Kurdistania des deux grands partis kurdes, totalise 43 sièges.
A dire vrai, sur fond de départ échelonné des troupes américaines, la lutte d’influence fait rage entre l’Arabie Saoudite sunnite et l’Iran chiite en Irak. Ammar al-Hakim, chef du parti chiite conservateur pro-iranien, le Conseil supérieur islamique d’Irak, était ainsi en visite mardi à Ryad pour y rencontrer le roi Abdallah, qui a reçu le lendemain le vice-président irakien, le sunnite Tarek al-Hachémi. Au même moment, le vice-Premier ministre sunnite Rifa al-Issawi, proche de M. Allawi, se déplaçait à Téhéran…
Dans ce contexte d’affrontements intercommunautaires –cinq nouveaux attentats ont fait six morts et treize blessés mercredi- le quotidien La Croix évoque aujourd’hui, au travers d’un entretien avec Mgr Casmoussa, l’archevêque syrien-catholique de Mossoul, la possibilité pour les chrétiens d’Irak d’être regroupés au Kurdistan irakien, région où beaucoup d’entre eux ont trouvé aujourd’hui refuge et sécurité, où dans la plaine de Ninive.
L’éclésiatique estime qu’ « une telle zone ne garantirait la sécurité des chrétiens que pendant quelques décennies ». Or, « les chrétiens, présents au Kurdistan comme dans tout l’Irak depuis des siècles, doivent pouvoir habiter là où ils le veulent, c’est-à-dire partout. Comme n’importe quels citoyens. Partout dans le pays, ils doivent pouvoir trouver sécurité, travail et dignité. Si les chrétiens ne trouvent cela qu’au Kurdistan, c’est grave pour l’Irak ! (…). Partout, nous exigeons que les chrétiens ne puissent plus être chassés ni persécutés – comme les autres minorités dans ce pays –, mais qu’ils soient traités comme des citoyens à part entière, qui paient leurs impôts et font leur service militaire ».
C’est en effet le problème central de la place et du statut des chrétiens en terre d’islam qui est ici posé :« Notre seule garantie affirme Mgr Casmoussa, c’est de demander au gouvernement central l’égalité des droits. Et ce, afin que les chrétiens en Irak aient les mêmes droits que les autres citoyens et accèdent à leur majorité politique. Certes, quelques fonctionnaires sont chrétiens, mais cela ne suffit pas pour garantir nos droits sur le long terme et changer en profondeur la législation. Il y a beaucoup d’inégalités législatives que nous aimerions voir supprimer. La loi ne doit pas obliger le conjoint et les enfants d’un chrétien qui passe à l’islam à faire de même. Ni les élèves chrétiens en établissement public à suivre les cours sur l’islam ».
« J’attends aussi que l’Église universelle, forte de ses réseaux, soutienne la présence des chrétiens au Moyen-Orient, en promouvant leurs droits, leur liberté et leur sécurité. Toutes les Églises du Moyen-Orient sont confrontées à la même question : comment faire respecter le droit à l’existence des chrétiens face à un islam dominant, numériquement et surtout législativement ? Comment demander à l’islam d’élargir ses points de vue envers les minorités ? Il suffit de rappeler que, partout en Orient, ce sont des chrétiens qui ont promu la culture et le nationalisme arabes, pour constater que l’influence d’une minorité dépasse son faible pourcentage dans la population ».
Une référence à peine voilée au chrétien orthodoxe et syrien, Michel Aflak, l’un des fondateurs en 1947 à Damas du mouvement Ba’as, nationaliste et antimarxiste, qui donna naissance aux partis Baas syrien et irakien. Aflak, mort en 1989 à Paris et dont le mausolée se trouve à Bagdad, invitait certes les chrétiens à « s’attacher à l’Islam comme à l’élément le plus précieux de leur arabité » mais il prônait un État indépendant de la religion, certes « non athée »et fortement imprégné par l’islam, mais respectant les minorités religieuses…