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Quel avenir pour les chrétiens d’Irak ?

chrétiens d'orientLe Front National a toujours suivi avec autant d’attention que d’inquiétude le sort des chrétiens d’Orient, fragilisés par la montée en puissance du radicalisme islamique et premières victimes des agissements de Washington dans cette région du monde. Protégés et jouissant des mêmes droits que les musulmans sous le régime du parti Baas de Saddam Hussein, les chrétiens d’Irak ont vu leur situation se dégrader terriblement depuis 2003, ayant auparavant subi comme l’ensemble du peuple irakien les conséquences meurtrières du terrible  blocus opéré par les Etats-Unis au lendemain de la première guerre du Golfe. A la fin des années 1980, l’Irak comptait environ 1,2 million de chrétiens (sur 23 millions d´habitants), moitié moins aujourd’hui, beaucoup d’entre eux ayant quitté le pays  au cours des   années 1990 pour échapper à  l’embargo  mais   surtout depuis l’invasion de l’Irak il y a sept ans qui a eu pour conséquence de les  exposer aux attaques des extrémistes islamistes. Aujourd’hui, les  600 000 chrétiens irakiens, majoritairement des  chaldéens catholiques (350 000), sont  représentés au parlement par  deux députés sur les 325 « élus » le 7 mars dernier.

 

Signe de l’instabilité  du pays,  l’ex Premier ministre chiite, Lyad Allawi, ancien membre du Baas, dirigeant du  Bloc irakien  (laïc), composé de chiites et de sunnites,  n’a toujours  pas réussi à former son gouvernement depuis la proclamation officielle des résultats le 27 mars -les observateurs tablent sur des mois de tractations. La coalition emmenée par  M. Allawi, le « Mouvement National irakien » a  obtenu 91 sièges au Parlement, contre 89 à la coalition baptisée   « Alliance pour l’Etat de droit » (AED)   du chef du gouvernement, le chiite Nouri Al Maliki, très anti-sunnite et très proche de l’Iran,  mais ce dernier refuse de reconnaître sa défaite. L’Alliance nationale irakienne (ANI), bloc chiite lui aussi dans l’orbite iranienne, arrive en troisième position avec 70 sièges,  l’Alliance Kurdistania des deux grands partis kurdes, totalise  43 sièges. 

A dire vrai,  sur fond de départ échelonné des troupes américaines,  la lutte d’influence fait rage entre l’Arabie Saoudite sunnite et l’Iran chiite en IrakAmmar al-Hakim, chef du parti chiite conservateur pro-iranien, le Conseil supérieur islamique d’Irak, était ainsi en visite mardi  à Ryad pour y rencontrer  le roi Abdallah, qui  a reçu le lendemain  le vice-président irakien, le sunnite Tarek al-Hachémi. Au même moment, le vice-Premier ministre sunnite Rifa al-Issawi, proche de M. Allawi, se déplaçait  à Téhéran…

Dans ce contexte d’affrontements intercommunautaires –cinq nouveaux attentats ont fait six morts et treize blessés  mercredi- le quotidien La Croix évoque aujourd’hui, au travers  d’un entretien avec Mgr Casmoussa, l’archevêque syrien-catholique de Mossoul, la possibilité pour les chrétiens d’Irak d’être regroupés au Kurdistan irakien, région où beaucoup d’entre eux ont trouvé aujourd’hui refuge et sécurité, où dans la plaine de Ninive.

L’éclésiatique estime  qu’ « une telle zone ne garantirait la sécurité des chrétiens que pendant quelques décennies ». Or, « les chrétiens, présents au Kurdistan comme dans tout l’Irak depuis des siècles, doivent pouvoir habiter là où ils le veulent, c’est-à-dire partout. Comme n’importe quels citoyens. Partout dans le pays, ils doivent pouvoir trouver sécurité, travail et dignité. Si les chrétiens ne trouvent cela qu’au Kurdistan, c’est grave pour l’Irak ! (…). Partout, nous exigeons que les chrétiens ne puissent plus être chassés ni persécutés – comme les autres minorités dans ce pays –, mais qu’ils soient traités comme des citoyens à part entière, qui paient leurs impôts et font leur service militaire ».

C’est en effet le problème central de la place et du statut des chrétiens en terre d’islam qui est ici posé :« Notre seule garantie affirme  Mgr Casmoussa, c’est de demander au gouvernement central l’égalité des droits. Et ce, afin que les chrétiens en Irak aient les mêmes droits que les autres citoyens et accèdent à leur majorité politique. Certes, quelques fonctionnaires sont chrétiens, mais cela ne suffit pas pour garantir nos droits sur le long terme et changer en profondeur la législation. Il y a beaucoup d’inégalités législatives que nous aimerions voir supprimer. La loi ne doit pas obliger le conjoint et les enfants d’un chrétien qui passe à l’islam à faire de même. Ni les élèves chrétiens en établissement public à suivre les cours sur l’islam ».

« J’attends aussi que l’Église universelle, forte de ses réseaux, soutienne la présence des chrétiens au Moyen-Orient, en promouvant leurs droits, leur liberté et leur sécurité. Toutes les Églises du Moyen-Orient sont confrontées à la même question : comment faire respecter le droit à l’existence des chrétiens face à un islam dominant, numériquement et surtout législativement ? Comment demander à l’islam d’élargir ses points de vue envers les minorités ? Il suffit de rappeler que, partout en Orient, ce sont des chrétiens qui ont promu la culture et le nationalisme arabes, pour constater que l’influence d’une minorité dépasse son faible pourcentage dans la population ».

Une  référence à peine voilée au chrétien orthodoxe et syrien,  Michel Aflak, l’un des fondateurs en 1947 à Damas du mouvement Ba’as, nationaliste et antimarxiste, qui donna  naissance aux partis Baas syrien et irakien. Aflak, mort en 1989 à Paris et dont le  mausolée  se trouve à Bagdad,  invitait certes  les chrétiens à « s’attacher à l’Islam comme à l’élément le plus précieux de leur arabité » mais il prônait un  État  indépendant de la religion, certes « non athée »et  fortement imprégné par l’islam, mais   respectant les minorités religieuses…

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