Mardi soir, lors de son invitation sur France 2, est-il encore indiqué, Marine Le Pen «a pris ses distances avec l’une des mesures les plus libérales défendue par son père, la limitation à 20% de la tranche la plus haute de l’impôt sur le revenu. »
Le programme du FN dénonce en effet une fiscalité confiscatoire et préconise comme le Prix Nobel Maurice Allais, inspirateur de la suppression de l’impôt sur les revenus du travail, de réformer l’impôt sur le revenu. En l’occurrence autour de quatre tranches, dont la plus importante ne dépasse pas 20%. Mesure jugée « libérale » par la gauche, mais pourtant authentiquement populaire…
Le politologue Jérôme Jaffré relève ce qu’il estime être un décalage entre ce discours social-étatiste et les vœux « des deux catégories qui réservent à Marine Le Pen le meilleur accueil aujourd’hui, les employés et les petits commerçants et artisans, celles qui ont massivement voté Sarkozy dès le premier tour de 2007. »
« Première faute stratégique ou pari risqué ? » s’interroge pour sa part Renaud Pila sur le site de TF1. « Dimanche dernier, le discours de Marine Le Pen a dérouté, surpris et défié les lois d’airain de la politique. La toute nouvelle présidente du FN n’a pas choisi d’adresser ses premiers mots aux 2000 militants présents mais à un électorat virtuel qu’elle cherche à conquérir. Elle n’a pas parlé, en ce jour de sacre, le langage traditionnel de la famille mais emprunté aux adversaires leurs thèmes, leurs mots et leurs références(…). »
« Conséquence sans surprise de ses choix ? Une salle de congrès flottante et des fidèles ne sachant pas très bien à quels moments ils devaient tout de même applaudir. Un comble pour un Front national (…) alors qu’elle venait d’être accueillie sur la scène par des « la France aux Français ! », Marine Le Pen choisissait de faire un peu son Jospin de 2002 en affirmant peu ou prou : mon programme n’est pas d’extrême-droite . On sait ce qu’il en coûta au candidat socialiste d’abandonner les fondamentaux. »
« Durant les prochaines semaines, le FN va mener une offensive contre l’euro, la hausse des prix et les délocalisations (…). Or note Arnaud Pila, le vote populiste est une cristallisation de colères et non une addition de raisonnements : tourner le dos à cette logique politique est un saut dans l’inconnu. Multipliant les prestations médiatiques à un rythme effréné, Marine Le Pen n’est pas à l’abri de contresens voire d’hésitations trop visibles qui casseraient son image de bête politique. »
« Pour quelles raisons la nouvelle présidente a-t-elle osé le contre-pied dès le premier jour ? Clairement un manque de sens politique , estime un dirigeant socialiste peu enclin à lui donner des conseils mais qui estime que son père a dû fulminer intérieurement . Pendant le discours de sa fille, l’attention de Jean-Marie Le Pen semblait inégale… Peut-être a-t-il jugé, en expert de la parole transgressive, que le ton soft de Marine Le Pen lui faisait rater son entrée en scène de candidate populiste ? Peut-être a-t-il senti qu’elle était manifestement trop pressée de montrer un visage de parti de gouvernement ? »
« Plus fondamentalement poursuit-il, , la victoire de Marine Le Pen sur Bruno Gollnisch signe la victoire posthume de la ligne Mégret, celle de la dédiabolisation qui permettrait, même s’il est trop tôt pour l’avouer, des alliances futures avec la droite de gouvernement, comme ce fut le cas en Italie et en Autriche (…). Et si les sondages montrent bien en ce début d’année un moment Marine Le Pen, le plus dur commence pour elle. L’impossible équation ? Trop tôt pour le dire bien sûr mais la question est posée. »
Propos qui font écho sur ce point à l’analyse de Jérôme Jaffré qui estime qu’« il est clair que l’ambition de Marine Le Pen est d’être, un jour, la force dominante à travers un Front National qui serait rénové, qui ne porterait plus ce nom et qui se présenterait comme un rassemblement des droites. »
Nous le constatons, les spéculations vont bon train et quelque chose nous dit que Bruno Gollnisch ne devrait pas tarder à s’inviter dans ce débat…