Autres difficultés, la nouvelle règle de 12,5% des inscrits pour accéder au second tour qui minimisait le nombre de maintiens possibles des candidats FN au second tour ; une non campagne des partis établis ; une absence de visibilité médiatique de cette élection, éclipsée de surcroit par une actualité internationale aussi riche que dramatique, susceptible de conforter aussi bien la majorité présidentielle (l’intervention militaire de la France en Libye très largement approuvée au sein de son électorat traditionnel), que la gauche écolo (le drame nucléaire japonais).
Sylvain Crépon, « spécialiste de l’extrême droite » à l’université de Nanterre (Sophiapol), le relevait il ya quelques jours : « traditionnellement, les cantonales ne sont pas des élections qui réussissent au FN, mais il peut y avoir une mobilisation protestataire. »
Le Front National partait aussi avec quelques atouts. D’abord sa capacité à canaliser le ras-le-bol de nos compatriotes, frappés durement par une crise économique et sociale qui confirme les analyses de l’opposition nationale, et devant laquelle les euromondialistes semblent incapables de trouver des solutions. Ensuite une forte présence médiatique de Marine Le Pen ; des candidats FN annonçant clairement la couleur sur leurs affiches et leur profession de foi arborant flamme et visage de la présidente du FN, contrairement à ceux de l’UMP parfois difficilement identifiables…
Bien sûr le FN a aussi certainement bénéficié des inquiétudes générées par les conséquences migratoires des révoltes dans les pays arabes, lesquelles rendent par contrecoup plus nécessaire que jamais pour la France de retrouver la maîtrise de ses frontières.
Dans une note d’analyse Ifop-Lettre de l’Opinion sur les perspectives du FN pour les cantonales, Jérôme Fourquet évoquait trois raisons de relativiser les scores du Front. Selon lui, « en 2004 déjà, malgré une assez forte participation et un scrutin régional porteur pour la gauche et le FN », celui-ci n’avait pas réalisé de « miracles électoraux… »
Au final, au nombre des 394 cantons qui verront les candidats du FN en lice pour le second tour, des résultats remarquables ont été enregistrés en faveur de l’opposition nationale qui aborde souvent ce « second round » dans de bonnes conditions.
C’est le cas notamment à Reims, Nîmes et Perpignan où le FN se qualifie pour le second tour à chaque fois sur les trois cantons. Cas emblématique dans cette ville, Louis Aliot (34%), vice -président du FN sera opposé en duel à un socialiste qui a fait un score presque deux fois moindre (18%) ; à Nîmes-5, Julien Sanchez, a obtenu 29,01 % et sera présent au second tour. En Moselle, l’opposition nationale sera au second tour dans 18 des 26 cantons renouvelables et devance le maire socialiste de Metz, Dominique Gros, dans son fief. A Troyes 2, Bruno Subtil obtient 28, 66% (19 % en 2004), et le FN sera au second tour dans huit cantons sur 17 dans l’Aube.
Dans le Pas-de-Calais, à Montigny-en-Gohelle, le secrétaire général du FN, Steeve Briois, avec 35,88 % des voix, arrive en tête du premier tour devançant son adversaire socialiste de près de 5 points. Dans ce département les candidats de Marine Le Pen ont particulièrement « cartonné », notamment à Boulogne-Nord-Ouest.
Dans le Nord, le FN aborde le second tour avec un socle de voix solide dans les cantons de Cysoing, Bouchain, Roubaix-Est, Roubaix-Centre, Grande-Synthe, Carnières, Capinghem et Saint-Amand-les-Eaux-Rive droite.
Dans l’Oise, Michel Guiniot a obtenu 36,97 % à Noyon et Le FN arrive en tête dans les cantons de Crépy-en-Valois, Mouy et Noailles. Dans l’Aisne, le FN recueille de 23,77 % à 27,16 % dans cinq des six cantons renouvelables.
En PACA, là aussi malgré la forte abstention, le FN fait jeu égal avec le PS avec 30% des voix à Vitrolles, à Saint-Laurent-du-Var-Cagnes-Est, le FN est en tête avec 28,27 %. À Nice-8, le FN a recueille 25,78 % et accède au second tour. Dans le 14e canton de Nice, l’ancien maire, Jacques Peyrat, soutenu par le FN, est cependant victime de la candidature d’un dissident, Max Baeza, (11,8 %) et n’arrive qu’en troisième position avec tout de même 21 % des suffrages.
Cette poussée du FN se vérifie également dans l’Ouest, terre de mission du FN comme on a pu l’enregistrer dans un département comme Ille-et-Vilaine, ou le FN a obtenu 14,27 % dans le canton de Cancale. Le candidat FN restera seul en lice contre la gauche dans le canton urbain de Rennes-le-Blosne et dans le canton rural de Pleine-Fougères. En Ile-de-France, Il y aura six duels FN-PS en Seine-et-Marne, département de Jean-François Copé…
Tout aussi emblématique de cette progression, une région comme le Limousin, et plus précisément en Haute-Vienne, où le FN décroche quatre second tour !
Comme l’a relevé Bruno Subtil, « Ces scores sont d’autant plus remarquables que, pour une fois, le fort taux d’abstention ne nous pénalise pas. Nos électeurs se sont déplacés». Jean-Marie Le Pen a ironisé également sur la récente réforme du gouvernement qui a relevé le seuil de qualification pour le second tour de 10% à 12,5% des inscrits : «Quand on crache en l’air, on s’expose à ce que cela vous retombe sur la face.» « L’effet ciseau » pronostiqué par Bruno Gollnisch a bien pénalisé l’UMP…
Hier soir, Marine Le Pen a appelé les électeurs «à se mobiliser au second tour pour mettre un frein à la politique de régression sociale dans les départements». «C’est la première marche d’un grand renouveau auquel nos compatriotes aspirent. C’est un vote d’adhésion face à un vrai choix, face à un projet alternatif ! »