Alors certes, comme l’a affirmé Marine dimanche soir depuis Hénin-Beaumont, l’élection de deux députés du Rassemblement Bleu Marine est déjà une « immense victoire » mais celle-ci a cependant un goût un peu amer, au moment ou notre pays se retrouve confronté à une gauche euromondialiste qui a tous les pouvoirs. Et qui a face à elle une opposition UMP largement de théâtre, dont les dirigeants de premier plan partagent la majorité des analyses et la vision de l’avenir du gouvernement Ayrault et du Président de la République.
Selon des résultats définitifs diffusés par le ministère de l’Intérieur pour 566 sièges sur 577 – les 11 députés représentant les Français de l’étranger seront connus ce lundi -, le PS et ses alliés détiennent bien tous les leviers institutionnels. Le parti de Mme Aubry engrange à lui seul plus que la majorité absolu (289 sièges) avec 300 élus dont la totalité des membres du gouvernement en lice, plus exactement leurs suppléants, puisqu’ils ont été élus pour ne pas siéger à l’Assemblée mais pour pouvoir rester au gouvernement…
En ajoutant les partis associés (MRC et PRG), cette majorité se monte à 314 sièges pour les socialistes, du jamais vu depuis 1981. Au total, la gauche obtient quelque 51% des voix… des 55, 6 % des électeurs inscrits qui se sont rendus aux urnes. Autant dire que cette majorité représente en fait moins d’un Français sur trois !
Dimanche, l’abstention a grimpé à 44,4% selon les estimations de CSA près de deux points de plus que dimanche dernier…ce qui n’aurait certainement pas été le cas avec un scrutin proportionnel qui aurait notamment permis aux 6, 5 millions d’électeurs de Marine le 22 avril dernier de se rendre aux urnes hier pour voter dans un très grand nombre de circonscriptions pour le candidat le plus proche de leurs idées.
Grâce à son accord avec le PS, EELV disposera pour la première fois d’un groupe à l’Assemblée nationale (17 élus); a contrario, la nébuleuse communiste sous l’étiquette Front de gauche progresse en voix par rapport à 2007 mais divise par deux son nombre d’élus avec cette fois dix députés, faute d’avoir trouvé comme les écolo-gauchistes un terrain d’entente avec le PS. Jean-Luc Mélenchon a de nouveau plaidé pour le rétablissement de la proportionnelle et dans l’immédiat, a demandé que le seuil pour constituer un groupe soit de nouveau abaissé, ce qui avait déjà été effectué précédemment à la demande…des communistes.
A droite, l‘UMP et ses alliés (radicaux, centristes, DVD) obtiennent 229 sièges et perdent plus d’une centaine de députés par rapport à 2007.
Malgré un total de 346 sièges, contre 226 pour la droite parlementaire qui subit un revers comparable à celui de la gauche il y a cinq ans, la gauche n’obtient pas cependant les 3/5e des sièges au Congrès (Assemblée et Sénat réunis), nécessaires pour pouvoir faire adopter des réformes constitutionnelles, comme par exemple le droit de vote des étrangers aux élections locales.
A l’UMP, le vent du boulet est passé très prés dans de nombreuses circonscriptions où le parti sarkozyste régnait jusqu’alors en maitre comme dans l’Aisne où le très antifrontiste et ancien ministre du travail Xavier Bertrand est réélu d’un cheveu et dans la 4e circonscription de l’Essonne où la militante antinationale Nathalie Kosciusko-Morizet conserve son siège de justesse. Figurant sur la liste citée par Marine des personnalités à ne pas envoyer à l’Assemblée le socialiste Jack Lang dans les Vosges, mais aussi les UMP Manuel Aeschlimann, (2e circonscription des Hauts-de-Seine) et Georges Tron (9è de l’Essonne) ont été battus.
Autres défaites emblématiques, celles de Renaud Muselier à Marseille, de Nadine Morano (les électeurs FN ne se sont pas à l’évidence mobilisés pour la « sauver »…), Claude Guéant, Michèle Alliot-Marie, Guillaume Peltier, Hervé Novelli, ou encore des membres de la Droite populaire Jean-Paul Garraud (dont le bordelais Jean-François Copé avait annoncé qu’il voulait le scalp, le député 10e circonscription de la Gironde ayant eu le tort de prononcer des mots conciliants vis-à-vis du FN), Brigitte Barèges ( 1re circonscription du Tarn-et-Garonne), le député-maire d‘Aix-en-Provence, Maryse Joissains-Masini…
Pour ce qui est du FN, il refait enfin son entrée au Parlement! Les candidats du Rassemblement Bleu Marine étaient présents au second tour dans 28 triangulaires et 31 duels, au terme desquels l’opposition nationale décroche deux élus, et même trois puisqu’il il faut signaler la très large et belle victoire de Jacques Bompard sous l’étiquette de la Ligue du Sud. Le maire d’Orange recueille les fruits de son travail de terrain, de ses succès municipaux et d’une excellente implantation locale. Il a obtenu 58,77 % face à son adversaire socialiste, Pierre Meffre dans la 3e du Vaucluse.
M. Bompard avait activement soutenu la candidature de Marion Maréchal-Le Pen dans la circonscription voisine. Si Jean-Marie Le Pen fut le plus jeune député de la IVè République, élu à l’âge de 27 ans, Marion, du haut de ses 22 printemps, sera la benjamine de cette nouvelle assemblée et devient le plus jeune député de l’histoire.
La petite fille de Jean-Marie Le Pen et nièce de Marine est sortie victorieuse de la triangulaire l’opposant à Jean-Michel Ferrand (35,82 %), membre de la Droite populaire, et à la socialiste Catherine Arkilovitch (22,08 %), avec 42,09% des voix. Une victoire emblématique puisque c’est dans cette même circonscription que Jean-Marie Le Pen et le FN furent victimes d’une des plus odieuses machinations politiques de l’après-guerre avec, en 1990, la profanation du cimetière de Carpentras.
Dans la 2e du Gard, Gilbert Collard a lui aussi été élu dans une triangulaire, avec 42,82 % devant la socialiste Katy Guyot (41,56 %) et le sortant UMP, Étienne Mourrut (15,63 %).
Si le FN a progressé en voix partout entre les deux tours, principalement face à la gauche, la courte défaite, sur le fil, de Marine dans la 11è du Pas-de-Calais, à quelques 118 voix près, est une grosse déception. Certes, «malgré le redécoupage de la circonscription au bénéfice des socialistes» par Claude Guéant, Marine a progressé de manière significative.
Elle arrive même largement en tête sur la commune d’ Hénin-Beaumont avec près de 56% des voix, et obtient 49,89% sur l’ensemble de la circonscription contre 50,11% à son adversaire socialiste Philippe Kemel. Le FN a annoncé un recours, nous connaissons en effet les méthodes qui furent utilisées dans un passé proche par certaines municipalités communistes pour falsifier les résultats…
Battus eux aussi de très peu, les frontistes Stéphane Ravier à Marseille ( dans la 13e des Bouches-du-Rhône) frôle la victoire avec 49% des voix face à l’ex PS Sylvie Andrieux sous le coup de poursuites judiciaires, et Valérie Laupies dans la 16e des Bouches-du-Rhône, chute elle aussi d’un rien (48,71%), face au président PS du Conseil régional Michel Vauzelle, qui avait mobilisé l’ensemble de ses réseaux et de ses « clientèles » pour sauver son siège…
Signalons également que le porte-parole de la campagne du Rassemblement Bleu Marine, Florian Philippot, a fortement progressé d’un tour à l’autre avec 46,30 % des voix ce dimanche dans la 6e de Mosellle, face au socialiste Laurent Kalinowski.
Abordant le second tour dans une configuration moins favorable, relevons encore que Louis Aliot et Bruno Gollnisch ont été battus avec les honneurs respectivement dans la 1re des Pyrénées-Orientales (23,24 %) et dans la 3e du Var (21,67 %).
Dans son communiqué publié hier soir, Bruno a « (déploré) que perdure la non-représentation ou presque de six millions et demi d’électeurs, ce qui demeure un scandale absolu, propre à la France, et qui suscite l’étonnement de mes collègues étrangers au Parlement européen (…). »
« J’espère que dans l’avenir des élus (de l’UMP) mettront fin à l’ostracisme stupide qui pèse contre le Front National, et surtout, défendront les solutions de bon sens que nous préconisons, au lieu de ne les découvrir qu’en période électorale. Ce sont en effet les seules solutions qui peuvent sortir notre patrie du déclin dans lequel elle s’enfonce, et assurer sa renaissance ».