« Après une première vague de révélations, en juin, sur le programme international de surveillance américain Prism » rappelle Les Echos, « le parquet de Paris avait ouvert en juillet une enquête préliminaire sur le programme d’espionnage des communications téléphoniques et internet par la NSA ». « La lutte contre le terrorisme a bon dos ». « Elle sert de prétexte au programme d’écoutes américain dont l’ampleur a suscité hier une protestation des autorités françaises. »
« Une collecte d’une telle ampleur financière et technologique entre pays alliés en temps de paix est inédite, souligne Julien Nocetti, spécialiste de la gouvernance du Web à l’Institut français des relations internationales ».
Autant dire que les «consultations» transatlantiques formalisées cet été et que Laurent Fabius décrivait sans rire comme susceptibles de mettre fin à ce type de comportement de la part de Washington, étaient des leurres grotesques.
Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement Ayrault a donc été contraint de convoquer lundi l’ambassadeur des Etats-Unis à Paris, Charles Rivkin. La Maison Blanche a annoncé lundi soir que Barack Obama s’était entretenu au téléphone avec François Hollande pour lui faire part de sa « profonde réprobation à l’égard de ces pratiques, inacceptables entre alliés et amis car portant atteinte à la vie privée des citoyens français ». Dans la soirée, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, en visite à Paris (il rencontre aujourd’hui M. Fabius), a de nouveau passé la pommade en qualifiant la France de « vieil allié »…sur lequel on s’essuie les pieds ?
Ivan Blot, ancien inspecteur général de l’Intérieur, ex député européen FN, relevait sur le site La voix de la Russie la légalité de ces écoutes du point de vue américain, dont le principe a été validé par « une loi du Congrès qui donne des pouvoirs d’espionnage des étrangers aux agences américaines (…).Que le cadre soit légal du point de vue de la loi américaine, c’est vrai ! Mais la loi américaine n’est pas vraiment la loi naturelle ! ».
Il note encore qu’ «il y a (en France) une vieille tradition des socialistes d’être très soumis aux Américains pour des raisons historiques tout à fait évidentes (…). C’est qu’après la Seconde Guerre mondiale, les Américains ont proposé de l’argent aux socialistes et aux syndicats socialistes français pour lutter contre le communisme. Donc il y a une tradition non seulement entre les Etats-Unis et le PS, mais même un peu de soumission du PS aux exigences des Etats-Unis. »
L’atlantiste Hollande est en effet aussi inféodé à Washington que le fut en son temps Nicolas Sarkozy, accusé en septembre 2006 par un Laurent Fabius alors dans l’opposition d’être « le futur caniche du président des Etats-Unis »…
Nous le rappelions dernièrement sur ce blog , notre pays, comme d’autres pays de l’UE, c’était déjà humilié en refusant, sur ordre de la Maison Blanche comme l’a avoué François Hollande, le survol de notre territoire à l’avion du président bolivien Evo Morales ; au motif que son appareil était soupçonné d’abriter Edward Snowden, alors à la recherche d’un asile politique.
Le quotidien Le Monde relevait alors que « l’autorisation d’accès au territoire national fait partie des droits régaliens des Etats. Mais une interdiction après décollage d’un avion transportant un président et qui a fait approuver son plan de vol au préalable semble sans précédent. »
Depuis le siège du Parlement européen, Bruno Gollnisch s’était «étonné » de ce que ledit Parlement qui se dit soucieux des droits de l’homme, « donne des leçons de non-discrimination à tout le monde », n’ait pas saisi « l’occasion de se racheter » en donnant « l’asile à Edward Snowden -réfugié en Russie au printemps, NDLR- et à Julian Assange ».
Un parlement qui s’était évertué à minimiser le programme de surveillance de la NSA au motif que « tous les pays, finalement, s’espionnent les uns les autres ». Certes notait Bruno, « mais le problème, c’est que tous les pays résistent ! ».
Et « si cela se passait sur le territoire américain, quand cela se passe sur le territoire russe, nous avons une réaction sérieuse de la part des Russes et des Américains. Nous n’avons pas cette espèce de lâcheté visqueuse que nous rencontrons aujourd’hui de la part des européens »… au moment ou nous ouvrons en grand les portes de l’UE aux Etats-Unis, par le biais du catastrophique Grand marché transatlantique.
Une lâcheté que pointe Le Figaro aujourd’hui qui constate que le peu que le gouvernement veut faire pour ne pas perdre la face est déjà de trop pour beaucoup puisque « La France trouve peu d’appuis en Europe lorsqu’elle réclame des comptes à la Maison-Blanche ». « Lundi, il ne s’est trouvé que l’Allemagne pour partager la colère et l’indignation de l’Hexagone face aux écoutes téléphoniques massives lancées par la NSA. »
« Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de candidats en Europe pour aller chercher des noises aux Américains», confesse au Figaro l’eurodéputé Arnaud Danjean, ancien de la DGSE. Et « au bout du compte, tout front européen risque de se briser sur un ultime obstacle: le Royaume-Uni. Les services britanniques de renseignement et le GCHQ, héritier du fameux MI6, travaillent main dans la main avec la NSA ; quand ils ne jouent pas les sous-traitants. Ils ne veulent pas que l’UE vienne mettre son nez dans leurs affaires… ».
Aussi François Hollande «demandera à l’UE de se doter d’un règlement sur la protection des données personnelles», a précisé le ministre des Affaires étrangères. Washington en tremble déjà…