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Grand Satan, petits Satans, diabiolisation, dédiabolisation…

diable doré bisLa liberté d’expression oui, mais elle ne doit pas servir à propager la haine et stigmatiser une partie de la population. C’est au nom de cette conviction que six auteurs de l’association mondiale d’écrivains PEN basée aux Etats-Unis, -Peter Carey, Michael Ondaatje, Francine Prose, Teju Cole, Rachel Kushner et Taiye Selasi-, ont annoncé qu’ils ne participeront pas au gala annuel du PEN American Center, qui doit se tenir le 5 mai. C’est en effet au cours de celui-ci que doit être attribué à Charlie hebdo un prix pour «le courage et la liberté d’expression». Un refus de récompenser ce journal libéral-libertaire qui a scandalisé l’écrivain indien Salman Rushdie. Ce dernier, qui vit toujours dans la clandestinité depuis 27 ans du fait de la fatwa le condamnant à mort après la publication des Versets sataniques, a traité de fiottes (pussies) ses collègues écrivains refusant de communier dans la célébration de Charlie. Peter Carey, deux fois lauréat du Booker Prize, a affirmé qu’il n’appartenait pas au PEN de «s’immiscer» dans les attentats de Paris. «Tout cela a été aggravé par l’apparent aveuglement du PEN vis-à-vis de l’arrogance culturelle de la France, qui ne respecte pas son devoir moral à l’égard d’une grande partie de sa population» -comprendre les musulmans Français, ou vivant en France- a déclaré M. Carey. Francine Prose a précisé de son côté que son soutien inconditionnel à la liberté d’expression n’empêche pas qu’elle considère la remise d’un prix comme «une marque d’admiration et de respect». Or elle est en est dépourvue à l’égard de Charlie Hebdo du fait de son islamophobie: «Je ne peux pas m’imaginer être dans le public au moment de la standing ovation en l’honneur de Charlie Hebdo». Comme il aurait été plus simple si Charlie s’était contenté de de souiller les symboles et d’insulter grassement la foi des catholiques français…

Si la tuerie qui a décimé Charlie hebdo n’a pas dédiabolisé entièrement ce journal à l’étranger, les Français eux aussi, dans leur globalité, sont regardés de travers et considérés comme autant de petits satans à rééduquer par «nos» « élites » du microcosme politico-médiatique. Nos compatriotes seraient ainsi des racistes, invétérés, un ramassis d’êtres frustes, intolérants, pétris de mauvaises pulsions et de clichés nauséabonds sur l’autre, l’étranger… C’est que l’on peut en tout cas se demander à la lecture de l’article du politologue de gauche Thomas Guénolé, publié dans l’Obs le 16 avril , commentant les résultats «terrifiants»,  « qui donnent la nausée », de la «grande enquête sur la tolérance en France pour l’année 2014 » réalisé par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et rendu public le 9 avril.

« Oui, les Français sont lourdement racistes. Ce n’est pas une opinion : c’est un constat scientifique » déduit M. Guénolé de la lecture de ladite enquête. «Pour 1 Français sur 10, traiter quelqu’un de sale Noir ne doit pas être condamnable en justice. Pour 6 Français sur 10, les juifs ont un rapport particulier à l’argent. Pour 4 Français sur 10, les juifs ont trop de pouvoir en France.Pour 6 Français sur 10, on a plus de chances d’accéder aux aides quand on n’est pas Français. Pour 4 Français sur 10, les Arabes constituent en France un groupe à part. Pour 8 Français sur 10, non seulement les Roms exploitent très souvent leurs enfants, mais ils vivent essentiellement de vols et de trafics. Le reste est à l’avenant »

Alors que faire? «En premier lieu, il est urgent que les médias mettent devant leurs responsabilités les éditorialistes qui propagent des idées racistes (…) Or, dans les cas malheureusement récurrents d’éditorialistes tenant des propos incontestablement racistes, on assiste depuis une dizaine d’années à un assoupissement généralisé de leurs confrères, leur capacité d’indignation et de contre-argumentation vigoureuse s’émoussant de plus en plus sous l’accusation d’être politiquement correct». «Pour mémoire, ce ne sont pas les contradicteurs d’Eric Zemmour qui sont politiquement corrects: c’est juste Eric Zemmour qui est raciste ».

Il faut aussi «Boycotter les auteurs de propos racistes» et «mettre à la télévision davantage de présentateurs qui ne soient pas des hommes blancs (…) ». «Enfin, il est indispensable et urgent d’ouvrir un vrai débat national sur le racisme en France. Il ne s’agit plus d’ânonner paresseusement, mécaniquement, que le-racisme-c’est-mal. Il faut qu’on en parle vraiment : en organisant des débats contradictoires, en donnant la parole à des témoignages de victimes du racisme ordinaire, en multipliant les reportages, en diffusant des documentaires sur ce problème ». Bref, il faut que « les grands médias assument un rôle de pédagogie antiraciste » insiste Thomas Guénolé.

Et nous qui pensions que la doxa multiculturaliste, l’apologie de la société ouverte, métissée, mondialisée était ultra-dominante dans les médias, les éditoriaux, les analyses politiques et sociétales, mais aussi dans les émissions de fictions et de divertissements… Et bien non, ce n’est jamais assez. A défaut de pouvoir changer la réalité, la seule réponse des apôtres du vivre-ensemble consisterait donc à redoubler de propagande («pédagogie») antiraciste pour convaincre de l’efficacité de leur modèle cosmopolite et des joies de l’immigration planétaire…

Pédagogues antiracistes qui se trouvent fort dépourvus quand il sont confrontés à des «jeunes issus de l’immigration» qui votent FN. Le phénomène a toujours existé depuis l’émergence électoral du Front, il reste certes assez (très) marginal si l’on en croit les instituts de sondage, mais il trouble le confort intellectuel manichéen de nombreux observateurs. Le 20 avril Canal+ diffusait ainsi le documentaire de Paul Moreira, «Danse avec le FN», consacré aux nouveaux électeurs du Front National. Au nombre de ceux-ci, M. Moreira a donné la parole au rappeur Edel Hardiess et à quelques uns de ses amis, maghrébins ou africains, qui entendent par leur vote laisser une chance à Marine et au FN d’accéder au pouvoir.

Ils expliquent leur souhait par leur rejet de l’UMPS, par une volonté révolutionnaire d’en finir avec le Système, et félicite le  FN pour son refus du communautarisme symbolisé dit ce rappeur, par la non présence de Marine au dîner du Crif ou en Israël. Chacun voit midi à sa porte, ce n’est pas là certainement la préoccupation majeure des électeurs marinistes, mais espérons qu’un Christian Estrosi n’y verra pas la preuve de l’existence d’une «cinquième colonne islamo-fasciste» en lutte contre « la civilisation judéo-chrétienne » !

Plus sérieusement, un des modèles de MM. Estrosi et Sarkozy, à savoir Bernard-Henry Lévy, (re)donnait la semaine dernière ses éternels consignes contre l’opposition nationale. S’étant fait piquer un nauséabond jeu de mots par un des contributeurs de son blogue  La règle du jeu, commentant la présence de la présidente du FN la semaine dernière à la soirée de Time magazine – «Marine Le Pen invente le petit four crématoire » – BHL est resté dans la lourde métaphore culinaire. «…Face à ces odeurs épaisses qui remontent des cuisines d’un parti qui n’a, sur le fond, guère changé » écrit-il, « un impératif, et un seul, pour les républicains de droite et de gauche : éviter de tomber dans le piège d’une dédiabolisation qui n’est, pour l’heure -, que manœuvre – et en finir, s’il se peut, avec un envoûtement morbide qui laisse le FN, depuis trop longtemps, dicter à la vie politique française son agenda et sa cadence».

Pour l’heure, l’escroc intellectuel BHL estime donc que le moment de la dédiabolisation n’est pas arrivé. Il faudrait qu’il dise clairement aux Français ce qu’il attend du FN pour que nous puissions un jour recevoir sa bénédiction… De diabolisation-dédiabolisation il était aussi longuement question dans un récent article de Jérémy Collado sur slate.fr faisant le point sur la question en donnant la parole à des spécialistes.

« Ce qui crée la dynamique électorale du Front, c’est la dédiabolisation assortie paradoxalement d’une très forte image antisystème héritée de son passé, décryptait en avril 2015 Bruno Mégret,  dans une interview au Point.» «Pour Alexandre Dezé, auteur du livre Le Front National: à la conquête du pouvoir?, un parti qui, comme le FN, défend la préférence nationale, soit un principe anticonstitutionnel (…) ou comprend des cadres qui rivalise de déclarations illicites comme celles d’Aymeric Chauprade, ne saurait être considéré comme un parti normal –à condition d’entendre par cette expression un parti ajusté aux normes de notre système politique démocratique (…). «La dédiabolisation du FN ne sera jamais achevée pour la simple raison que si le FN devait se dédiaboliser, il perdrait ce qui constitue l’essentiel de son capital politique sur le marché électoral: sa radicalité. Le FN reste, de ce point de vue, toujours pris dans les mêmes problématiques stratégiques, entre respectabilisation et radicalisation.»

Pour le politologue Gilles Ivaldi, «la dédiabolisation est un processus encore très embryonnaire et pour l’instant essentiellement cosmétique».«Ce qui se joue ici, c’est une relative institutionnalisation du parti (…) . Pour le reste, le FN reste un parti radical, opposé au système et incapable pour l’instant de trouver des partenaires. Son programme reste le même sur l’immigration, la peine de mort ou la sortie de l’Union européenne. On est encore loin d’un parti normalisé. Avec ou sans Jean-Marie Le Pen.»

Bruno Gollnisch l’a souvent dit, la vraie raison, de fond, de la diabolisation du FN tient dans sa volonté intransigeante de transmettre notre héritage ancestral, de défendre notre identité et souveraineté nationales. Et les causes de sa dédiabolisation sont à mettre au crédit du talent de Marine et plus largement de l’aggravation d’une crise civilisationnelle, économique, sociale, identitaire, morale multiforme, qui valide avec une justesse accrue les avertissements et analyses prodigués par le FN depuis trente ans. Tout le reste n’est que  pilpoul.

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