De défaite et défaite ? Un pronostic qui est de l’ordre du très vraisemblable à deux jours du début de la campagne officielle des élections régionales. Mais gauche et droite voudraient accréditer l’idée (dans les faits bien réelle) d’une conjonction d’intérêts, d’un Système ripoublicain uni sur l’essentiel qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. C’est de notoriété publique Nicolas Sarkozy n’a jamais voulu «s’abaisser» à parler, dialoguer, débattre, ni même à téléphoner à son confrère, le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, estimant que ce serait déchoir et qu’il ne boxait pas dans la même catégorie.
Pourtant, manifestation de la panique gagnant les Etats-majors, le président des Républicains et ex chef de l’Etat « a saisi la main tendue de M. Cambadélis». En l’espèce rapporte Le Monde, une action commune pour dénoncer l’invitation faite à Marine Le Pen seule, de participer ce soir à l’émission Des paroles et des actes sur France 2. Finalement les adversaires régionaux de la présidente du FN, Xavier Bertrand et Pierre de Saintignon, a fait savoir la présidence de France télévision, «(participeront) en direct (à cette même émission) dans une stricte égalité de temps de parole avec Marine Le Pen. » Précisons que ces deux derniers réservent pour l’instant leurs réponses, jugeant leur temps d’antenne pas assez équitable et trop tardif…
«Jean-Christophe Cambadélis avait ainsi envoyé une lettre (à Nicolas Sarkozy), pour lui proposer de saisir conjointement le CSA sur le sujet. II n’est pas admissible que le service public fasse plus de deux heures de publicité pour Mme Le Pen au détriment des partis républicains représentés à l’Assemblée nationale. Je crois qu’il faut porter un coup d’arrêt à la fascination, à la promotion morbide de l’extrême droite dans le pays. »
Sarkozy qui avait même refusé «de lui parler au téléphone au moment de l’organisation de la marche républicaine du 11 janvier, a appelé M. Cambadélis pour lui dire qu’il partageait son analyse et qu’il y avait une violation manifeste des règles républicaines en matière de temps de parole. Il doit y avoir dans ce contexte une solidarité des partis républicains»…
Pourtant, et Le Monde le rappelle également, depuis la création de Des paroles et des actes en 2011, 88% des invitations selon France Télévision, ont été données à des personnalités combattant le FN. Marine, interrogée sur cette offensive socialo-sarkozyste n’a pu que noter que «l’UMPS truste déjà 90 % du temps de parole, je trouve ça ahurissant. Mais je ne peux que les remercier de me faire autant de publicité, plus de monde va regarder mon émission. C’est une polémique artificielle pour mettre les gens qui vont m’interroger dans l’embarras, pour les pousser à être plus agressifs.»
Plus agressifs nous verrons, Le huffington Post, lui, a publié pour sa part un article dans la tonalité de ceux qui paraissent actuellement sur le FN, à savoir sur les limites qui seraient les siennes et qui l’empêcherait d’accéder au pouvoir, de gagner une élection présidentielle. Une thèse développée par les sociologues et politologues Alexandre Dézé, Sylvain Crépon et Nonna Mayer dans un ouvrage collectif qui vient de paraître, «Les faux-semblants du Front National. Sociologie d’un parti politique», dont ce site se fait l’écho.
«Si la nouvelle présidente a infléchi son discours est-il écrit, notamment sur l’antisémitisme (il n’y a jamais eu de discours antisémite au FN, NDLR), si son programme inclut des éléments empruntés à la gauche, notamment sur les questions sociales ou la laïcité, son fonds de commerce principal reste l’immigration. Si elle gagne des voix dans des catégories jusqu’ici réticentes, en particulier les femmes, ou une partie de l’électorat de confession juive, les grands traits de cet électorat et son implantation géographique n’ont pas varié. Le FN reste un parti anti-système, tant par les valeurs inégalitaires qu’il défend que par son refus du pluralisme. Ce positionnement explique en partie son succès, tout en le condamnant, pour l’heure, à l’isolement politique .»
«Penser que le FN est aux portes du pouvoir, c’est oublier encore que le parti frontiste reste isolé sur la scène politique française – ce que les marches républicaines du 11 janvier 2015 et les débats qui les ont précédées ont rappelé . C’est aussi oublier que cet isolement constitue un obstacle important pour accéder au pouvoir dans un système politique dominé par le scrutin majoritaire à deux tours – comme l’ont encore illustré les résultats du FN aux élections départementales. De ce point de vue, il paraît clair que l’organisation frontiste n’est pas encore une machine de second tour, comme le souligne à juste titre Gaël Brustier. La question des alliances politiques reste donc cruciale pour le FN, qui s’est mis en quête de soutiens extérieurs.»
Il n’y a certes pas de miracle en politique. Il est en effet évident que le FN est dans l’obligation d’élargir son socle électoral s’il veut un jour être majoritaire à l’assemblée nationale, pour que Marine dépasse la basse des 50% à la présidentielle. Cela passe certes par notre capacité de rassemblement des forces patriotes et à agréger des soutiens extérieurs. Là aussi , c’est dire l’évidence que de souligner que les événements, la conjoncture économique, sociale, migratoire conditionneront grandement la hauteur de la vague nationale qui déferlera sur les urnes non seulement dans quelques semaines mais en 2017.
Or, comme le note Bruno Gollnisch et l’écrivait René d’Argile, «chez les peuples comme chez les individus, il suffit parfois d’une dernière secousse s’ajoutant à une série de secousses antérieures pour déterminer une révolution dans le comportement général». Et notamment dans le comportement électoral qui peut traduire cette révolte, ce désespoir de la France d’en bas, de la France périphérique, de la France des oubliés, de la France profonde dans tous les sens du terme. Bossuet, dans son Histoire universelle, insistait sur «le sourd cheminement de ces événements invisibles qui règlent en définitive la course de l’histoire humaine, comme ces eaux longtemps cachées sous terre qui sourdent brusquement à la surface du sol… ».