C’est dans ce contexte de terrorisme accru en Europe même que le successeur de Myriam el Khomri à la tête du ministère de la Ville, Patrick Kanner, a manifesté officiellement son inquiétude. Invité dimanche du Grand rendez-vous Europe 1-iTELE-Le Monde, M. Kanner a déclaré que les émeutes de 2005 dans les banlieues françaises «ont permis manifestement un développement du salafisme» dans les quartiers pluriels, où des «prédateurs» se sont incrustés. Il a affirmé qu’«une centaine de quartiers en France» présentaient «des similitudes potentielles avec Molenbeek», cette commune bruxelloise dont sont issus les membres de la cellule de l’EI responsables des attentats de Paris et Bruxelles.
Hier, interrogé dans Le Parisien, le ministre de la Ville a enfoncé le clou : «Nous avons 1 500 quartiers prioritaires — soit 5,5 millions de Français — qui ne sont pas des Molenbeek, mais où il faut être extrêmement vigilant. Il ne faut pas faire d’amalgame — ce serait scandaleux pour ceux qui y vivent — mais pas d’angélisme non plus, car il y a une volonté claire des salafistes de prendre le pouvoir dans certains de ces quartiers.»
L’aveu de Patrick Kanner a créé l’émoi, bien hypocrite, de la classe politicienne. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a tenu à minorer la situation décrite par le ministre: il n’y a «pas de quartiers» présentant le profil de celui de Molenbeek . «Je ne suis pas pour ce discours », il ne faut pas « dissoudre la concorde nationale ». «On doit avoir une stratégie vis-à-vis du terrorisme, c’est de ne pas isoler les musulmans, mais d’isoler (les terroristes islamistes).»
Un discours lénifiant, une volonté d’occulter une réalité qui ne cadre pas avec le dogme multiculturel qui a été repris par Julien Dray lors de son passage au Grand jury » RTL-LCI-Le Figaro : «Depuis 20 ans, il y a une ghettoïsation sociale qui donne lieu (…) à une montée de la délinquance et puis aussi à des noyaux islamistes qui essaient d’instrumentaliser des points sociaux.» «Ce sont des points communs» avec Molenbeek, mais «je n’aime pas qu’on stigmatise car la majorité de la population de ces quartiers en a assez d’être désignée à la vindicte populaire» a ajouté le très décrié amateur d’horlogerie suisse et cofondateur de SOS racisme.
Même son de cloche du président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde qui, sur RMC, s’est dit «très agacé» par la franchise des propos de Patrick Kanner, «parce que c’est le genre de formule qui débilise, qui mutile le débat politique français» (sic). «Je ne crois pas du tout qu’il y ait des centaines de Molenbeek en France. La vérité, c’est qu’on a des quartiers qui sont ghettoïsés.»
Certes, dirigeants socialistes, centristes, républicains se retrouvent autour du vœu, formulé plus ou moins explicitement, de ne pas de stopper l’immigration, mais de la disperser, comme le suggère le discours de certains « spécialistes » .
Moins de trois semaines après les attentats contre Charlie-Hebdo, le JDD mettait en ligne Le 26 janvier 2015, un article sur cette France urbaine marquée par l’immigration : «En restructuration urbaine depuis trente-cinq ans, quelque 500 quartiers ont bénéficié d’une succession de dispositifs, avec chacun son acronyme (ZUS, Cucs, ZRU, ZFU…). Intégrer une immigration massive est un processus long, rapporte (la géographe) Béatrice Giblin. Depuis quelques années, on commence à dédensifier les cités. Pour le sociologue Éric Maurin , ces logements sociaux ne doivent pas être concentrés aux mêmes endroits, au risque de reproduire les mêmes erreurs, mais disséminés partout dans la ville, voire saupoudrés dans des immeubles, par étages. »
La poursuite d’une immigration massive pousse les pouvoirs publics à cette dissémination, les immigrés eux-mêmes faisant le choix de la mobilité. Le géographe Christophe Guilluy, cité dans ce même article, rappelait que «ces quartiers produisent tout de même une classe moyenne. La population bouge, dire que rien ne change est une erreur. Le jeune chômeur d’aujourd’hui n’est pas celui de demain, mais les meilleurs partent et sont remplacés par des plus précaires. L’immigration aussi a changé, avec une population d’abord européenne puis maghrébine et africaine, maintenant sri-lankaise.»
«Dans les 80 ZSP (zones de sécurité prioritaires), créées depuis 2012 », «la proportion de Français d’origine étrangère et d’immigrés se situe entre un tiers et 50% de la population » affirmait alors Myriam El Khomri. Elle atteint même les deux tiers en Île-de-France, précisait encore (l’ex) secrétaire d’État à la Ville. Maghrébins et Africains subsahariens constituent la majorité de ces populations, la plupart de culture musulmane (…) . Si les services publics n’investissent pas le terrain, ce sont les barbus qui assurent le service social, résume un policier, qui souligne que la carte des ZSP recoupe aussi en partie celle des départs pour le djihad syrien…».
Il est de tout de même consternant constate Bruno Gollnisch, que les Français soient obligés d’attendre que le sang coule pour qu’un ministre ose dire ce que tous les citoyens un peu informés savent déjà. Faudra-t-il attendre de nouvelles Pâques sanglantes, cette fois sur notre territoire, pour que cette certains politiciens du sérail aillent encore plus loin dans la confession? A droite, les propos de M. Kanner ont été le prétexte à des tentatives, bien maladroites, d’exonérer les années de gouvernance Chirac et Sarkozy de toutes responsabilités dans la montée d’un communautarisme islamiste qui se nourrit mécaniquement de l’immigration-invasion. Le phénomène bien sûr, ne date pas de l’élection de François Hollande. Il prend sa source dans l’accumulation de toutes les démissions, de tous les reniements, de toutes les aberrations à la tête de l’Etat et dans les assemblées depuis le septennat de Giscard d’Estaing.