De racailles, d’un autre calibre peut-être, il est encore question avec la reprise ces dernières heures de la ville syrienne de Dabiq proche de la frontière turque, aux mains de l’Etat islamique (EI), par des miliciens anti Assad soutenus par Ankara. Une commune de 5000 habitants connue pour«abriter le mausolée du septième calife de la dynastie omeyyade, Sulayman Ibn Abd Al-Malik (674-717), que les djihadistes ne se sont pas privés de détruire à l’été 2014 au nom de la lutte contre les symboles idolâtres.» Une ville érigée en symbole par l’EI comme lieu «d’une tradition prophétique particulièrement populaire chez certains djihadistes: celle de la dernière heure. Un hadith attribué au prophète Mahomet évoque une bataille décisive qui devait opposer les musulmans et les Romains, les Byzantins à l’époque. Lesquels sont aujourd’hui les croisés et les Occidentaux, dans la propagande de l’EI» (LeMonde).
Bien sûr les regards sont aussi tournés vers l’Irak dont la capitale Bagdad est toujours l’objet quasi quotidiennement d’attentats sanglants. A Mossoul, deuxième plus grande ville irakienne à majorité sunnite, l’attaque au sol pour chasser l’EI a débuté, avec le soutien de l aviation de la coalition internationale. 30 000 hommes, militaires et policiers irakiens, peshmergas kurdes, milices chiites du Hachd al-Chaabi (en retrait pour ne pas attiser les tensions communautaires), forces spéciales américaines britanniques, françaises sont donc engagés dans la libération de cette agglomération de 1,5 millions et demi d’habitants qui abriterait entre 3000 et 9 000 djihadistes de l’EI.
Le site de langue française Sputnik, qui défend la politique de Vladimir Poutine, doute de la sincérité des intentions de Washington et de Ryad de se débarrasser vraiment du golem djihadiste. Il cite les propos d’«une source militaire et diplomatique russe», qui explique que les services spéciaux américains et saoudiens sont convenus d’assurer pour les extrémistes de l’État islamique (…) une sortie en toute sécurité de Mossoul avant son assaut par les forces de la coalition internationale.» Selon (cette source), le plan des États-Unis et de l’Arabie saoudite prévoit également que les rebelles se déplacent de Mossoul à la Syrie pour attaquer les villes contrôlées par les troupes gouvernementales. Plus de 9000 militants de Daech seront déployés de Mossoul dans les régions orientales de la Syrie pour procéder à une offensive majeure qui impliquerait la prise de Deir ez-Zor et de Palmyre . L’autre but de cette opération sera, évidemment, de discréditer les réussites des forces aérospatiales russes et, bien sûr, c’est une tentative de saper les positions du président Bachar el-Assad.»
Djihadistes qui fuyant l’offensive pourrait aussi débarquer sous nos latitudes. Le britannique Julian King , commissaire européen à la Sécurité, a déclaré au quotidien allemand Die Welt que «la reprise (…) de Mossoul, peut conduire à ce que des combattants de Daech prêts à en découdre reviennent en Europe». «Même un petit nombre (de djihadistes) représente une menace sérieuse, à laquelle nous devons nous préparer » en « augmentant notre capacité de résistance face à la menace terroriste».
A l’occasion de la réunion à Luxembourg des ministres des Affaires étrangères des 28 pays de l’UE pour discuter du siège d’Alep en Syrie, le chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a affirmé que Bruxelles n’envisage pas de sanctions contre la Russie mais probablement d’autres supplémentaires contre le régime syrien. La veille à Londres, en présence du ministredes Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, le secrétaire d’État américain John Kerry s’est montré beaucoup plus agressif et menaçant au terme d’une rencontre avec les pays soutenant les milices décidées à abattre le régime laïque syrien.
«Nous envisageons des sanctions supplémentaires et nous voulons nous montrer clairs, le président Obama n’a exclu aucune option pour le moment», a déclaré M. Kerry qui a qualifié les bombardements contre les civils à Alep de «crimes contre l’humanité»; M Ayrault a demandé lui aussi que les bombardements cessent sur cette « ville martyre », son homologue britannique Boris Johnson s’est prononcé pour des sanctions accrues «contre les auteurs de ces crimes».
Sur le site Atlantico Roland Hureaux (universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels) étrille l’«alignement aveugle (de la France) sur la diplomatie américaine dominée par les néo-conservateurs». «La rupture totale des relations diplomatiques avec la Syrie en 2012 nous a privés de moyens essentiels tant pour lutter contre le terrorisme que pour diversifier notre action comme il sied à toute diplomatie compétente, ce que n’est plus la nôtre.»
«Les Russes affirme-t-il, ont naturellement les moyens de réduire en quelques jours la résistance (à Alep). Si la bataille traîne, c’est que, à l’encontre de la propagande déchaînée contre leurs supposés crimes contre l’humanité, ils tiennent à épargner la vie des civils, moins par humanisme d’ailleurs que par souci de l’opinion.»
«Ceux qui tiennent le quartier Est d’Alep depuis quatre ans avaient commencé – qui s’en souvient ? – par précipiter leurs prisonniers du haut des immeubles. Les mêmes se réjouissent bruyamment (quand ils ne les revendiquent pas) des attentats perpétrés en France depuis deux ans». «Le gouvernement syrien, sinon démocratique (il n’y a plus de démocratie passé un certain seuil de tensions sociales, comme nous risquons d’en faire bientôt l’expérience) du moins légitime en droit international, a demandé l’appui des Russes dont l’intervention est donc légale. Toutes les autres interventions étrangères, à commencer par celle de nos forces spéciales en appui des djihadistes, sont illégales.»
«L’enjeu de cette bataille est simple. Les forces loyalistes ont reconquis une grande partie de la ville. Ne reste qu’un quartier tenu par des islamistes qui y ont pris en otage la population. Dès que ce bastion sera réduit, la guerre de Syrie sera pratiquement terminée, sauf un nettoyage résiduel de groupes djihadistes dispersés.Demander le cessez-le-feu en Syrie, c’est demander la poursuite de la guerre». «Demander le cessez-le feu aujourd’hui au motif d’épargner les populations civiles, c’est vouloir empêcher les loyalistes et les Russes d’en finir avec les islamistes.»
« Certains prônent le dialogue. Que Hollande et Cazeneuve montrent donc l’exemple en dialoguant avec les terroristes du Bataclan ! Aucune guerre civile ne s’est jamais terminée autrement que par la victoire d’un camp sur un autre.» Ce constat souligne Bruno Gollnisch, prend tout son sens au moment ou de nombreux Français s’inquiètent non seulement du terrorisme islamiste mais plus largement de l’incapacité de de gouvernement (comme des précédents) à enrayer une délinquance, une violence, une dérive communautariste, une fragmentation de notre territoire alimentées par les flux migratoires. Toutes choses dont nous faisons déjà l’expérience, en attendant l’inéluctable explosion des tensions sociales que pressent M. Hureaux si cette course vers l’abîme n’est pas stoppée à temps.