Une radicalisation qui inquiète nos compatriotes et qu’un sondage publié par l’Institut Montaigne en septembre dernier a confirmée en pointant chez de très nombreux musulmans vivant en France une certaine empathie, une forme de sympathie compréhensive pour l’idéologie fondamentaliste des terroristes djihadistes (27% sur l’ensemble de la population musulmane et 50% chez les jeunes). Une inquiétude renforcée par le sentiment d’un inexorable remplacement de la population française par une immigration en provenance de pays arabo ou afro-musulmans. Sentiment partagé par nos voisins belges comme le constate ce sondage relayé ces derniers jours la RTBF et le journal Le Soir. La société multiculturelle est vécue de plus en plus comme multiconflictuelle, perçue comme lourde de menaces, par les de souche comme par les immigrés.
Le centre américain de recherche Pew Research, en l’absence de statistiques ethniques dans notre pays, comptabilisait en 2016 4,7 millions de mahométans en France (environ 7,5% de la population française, chiffre très en deçà de la réalité pour la plupart des spécialistes sérieux), communauté qui atteindrait 7,5 millions de personnes en 2050 . En décembre de cette même année, l’Institut de sondage britannique Ispos Mori interrogeait les Français sur cette présence musulmane en France. Les sondés estimaient la proportion de croyants musulmans sur le territoire national de l’ordre de 31% et qu’elle devrait monter à 40% en 2020…
Docteur en histoire, chercheur associé à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (IREMAM) d’Aix-Marseille Université, consultant indépendant , Roland Lombardi ne s’emploie pas à dissiper les craintes. Dans un entretien accoré à Atlantico fin décembre, il juge que « la menace terroriste risque plutôt de s’intensifier. Daesh affaibli sur le terrain, les volontaires au djihad (…) seront plus tentés d’agir là où ils vivent, notamment en Europe, le ventre mou de l’Occident. On l’a bien vu avec les derniers attentats qui ont touché la France et dernièrement l’Allemagne (…) une fois l’EI disparu, un autre mouvement verra sûrement le jour et n’oublions pas qu’Al-Qaïda existe toujours… Ainsi, le problème n’est pas tant les problèmes socio-économiques (même s’ils ont leur importance), ni même le terrorisme (qui est en définitive un mode opératoire comme un autre) ou encore l’organisation (interchangeable) mais bien l’ idéologie , à savoir le wahhabisme et le salafisme djihadiste, en un mot, l’islamisme conquérant et politique, qui survivra à Daesh et qui sera plus difficile à vaincre…».
Et M Lombardi de livrer une réflexion très proche de celle formulée de longue date par Bruno Gollnisch: « On combat le terrorisme par la force et la détermination mais aussi par l’intelligence. Car, en effet, le seul moyen de lutter contre une idée est de lui opposer une autre idée. Le problème est de savoir si, pour l’heure, l’Occident –ou du moins nos dirigeants actuels– a quelque chose de grand, de solide et de sérieux à proposer comme idée »…et plus fondamentalement même si M. Lombardi ne prononce pas les termes, comme Idéal et comme valeurs…
Cet universitaire dit encore l’évidence quand il souligne que « l’Europe (…) est pour l’instant démunie (…). Quid des inefficaces Accords de Schengen ? Quid de la politique catastrophique concernant l’accueil des migrants ? Quid des divergences de vues sur la Méditerranée et le Moyen-Orient ? Et, enfin, quid du courage de nos dirigeants ? (…). Dans ce type de terrorisme, dont le but est clairement de faire éclater les sociétés européennes et déclencher des guerres civiles, il faut tout faire (notamment par des mesures d’exception que les Etats européens se refusent encore à prendre) pour que les citoyens, perdant patience, ne prennent un jour des dispositions dramatiques pour se défendre eux-mêmes.»
« La société française est une société de consommation typique du monde occidental, à savoir matérialiste et très individualiste. J’oserai même dire une société aseptisée (…). Aujourd’hui, avec 5 à 8 millions de musulmans en France dont la grande majorité souhaite vivre et travailler paisiblement, la société française reste toutefois très fracturée et le vivre-ensemble n’existe plus que dans les rêves de quelques idéologues.»
Dans les rêves aussi soulignait il y a peu Jean-Yves Le Gallou sur Polemia , de l’entourage d’un François Fillon, lequel, dans cette course présidentielle, « devra faire un choix : persister dans sa néo-ligne centriste avec l’espoir d’affronter (Marine) Le Pen au deuxième tour mais aussi avec le risque d’en être éliminé, ce que pronostique Philippe de Villiers ; ou bien s’adresser à la France périphérique – le seul réservoir de voix populaires – au risque d’avoir à affronter Macron au deuxième tour. Cornélien ! ».
Un Fillon qui « doit éviter de décevoir son socle conservateur tout en étendant son électorat vers les centristes et la France périphérique. La stratégie centriste qu’il suit depuis sa victoire à la primaire pourrait être mortifère : son porte-parole Benoist Apparu (…) a déjà contribué à faire perdre Juppé. Sa mise en avant ne peut que démoraliser les conservateurs et les catholiques alors qu’il s’agit d’un des rares députés Les Républicains à avoir voté la loi Taubira. Quant au discours immigrationniste du porte-parole Apparu c’est une provocation pour la France périphérique.»
En effet! Mais M. Fillon a -t-il choisi au hasard ce porte-parole ? C’est M. Apparu qui déclarait en juin «Oui au multiculturalisme, non au communautarisme, c’est ça l’identité heureuse!», qui expliquait qu’ «il est irresponsable d’établir une corrélation entre l’attentat de Berlin et la politique migratoire d’Angela Merkel», dénonce les partisans de l’immigration zéro, d’un arrêt du regroupement familial, d’une politique de refonte de notre Code de la nationalité. Le temps de la clarification arrive, et il ne sera pas en défaveur de l’opposition nationale.