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Baisse la tête, soumet-toi et tais-toi!

Nous citions hier sur ce blogue les propos de Marcel Gauchet qui, dans un entretien accordé fin décembre au quotidien, belge Le Soir, affirmait que « l’idée d’une refondation de l’Europe dans un sens qui plairait aux Français est (aussi) une fiction. Personne n’en veut. Macron a échoué sur tout. » Une fiction qui est aussi le qualificatif qui peut être appliqué au Grand débat macroniste qui se clôturera le 15 mars. Une diversion pour gagner du temps, tenter d’enterrer la fronde populaire et faire accroire que la France d’en bas en Gilet jaune a été entendue. Ce qui est à noter c’est que l’aveu de cette entourloupe est exprimé ces derniers jours, certes en y mettant les formes, par plusieurs membres du premier cercle macroniste. Il y a deux jours, Marianne rapportait sur son site les propos des ministres du gouvernement qui, « craignant que les retombées effectives du grand débat national ne déçoivent les Français et ne réinjectent une dose d’amertume aux gilets jaunes, (s’emploient) » « à doucher d’éventuels espoirs trop fous. »

Mardi, lors d’une réunion du groupe LREM, « Edouard Philippe, a ainsi mis en garde les députés (…) : « Le risque déceptif (sic) est important (…). » « Il faut préparer nos concitoyens à ce que les propositions à la sortie ne soient pas les réponses à toutes les remontées des débats.» Mercredi sur LCI, même son de cloche de la secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique, Brune Poirson : « Il va falloir atterrir sur un consensus, certaines personnes n’y trouveront pas leur compte mais c’est la loi de la majorité, on est dans une démocratie » (sic). «De toute façon, on n’a pas de baguette magique (…) nous sommes dans un contexte européen, dans un contexte international, dans un contexte budgétaire donné. Bref, il y a un cadre à respecter (…).» C’est là, en effet, tout le problème, celui de la France ligotée par Bruxelles… Secrétaire d’Etat et « co-animatrice du grand débat national», Emmanuelle Wargon «affiche également une grande prudence (…): Il est peu probable que l’on règle tous les sujets que les Français ont mis sur la table, sur lesquels ils nous attendent, par quelques mesures immédiates, a averti l’ancienne cadre de Danone, qui espère une première restitution des débats pour la mi-avril.» «Ecouter en expliquant qu’on ne pourra pas faire, drôle de victoire » note Marianne… Et les Français ne paraissent pas prêts à être dupés : selon un sondage Elabe pour BFMTV publié le 20 février, 58% des interrogés anticipent qu’Emmanuel Macron et son gouvernement ne tiendront pas compte des points de vue exprimés dans ce grand débat national.»

Français qui ne sont pas dupes non plus de la sensibilité européiste et/ou progressiste-de-gauche très majoritaire chez les journalistes, chroniqueurs et autres politologues qui animent les émissions politiques ou mélangeant les genres comme c’est le cas de C à vous sur France cinq. Emission , disons-le, ou comme dans de nombreuses autres, les dirigeants du RN sont accueillis avec courtoisie dans la forme, malgré l’hostilité idéologique sur le fond, parfois vive. C’est la règle.

Lors de son passage dans C à vous mercredi, Nicolas Dupont-Aignan a choisi pour sa part d’attaquer bille en tête le journaliste Patrick Cohen qu’il a accusé de faire œuvre de propagande bruxelloise dans le cadre du débat sur le CETA, l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada, et plus globalement d’être un «serviteur du pouvoir », de « cirer les pompes de M. Macron

Au vu des résultats  dont sa liste européenne est crédité (environ 6%) cette stratégie mordante peut prosaïquement se justifier: calcul ou sincérité, un outsider peut se voir (se croire)  dans la nécessité de donner plus de visibilité à sa campagne, de faire parler de lui en mettant les pieds dans le plat, voire en renversant la table... C’est l’analyse de l’équipe de C à vous qui, rapporte le Huffpost, «estime avoir été le théâtre de la stratégie du buzz et du clash adoptée depuis plusieurs années déjà par Nicolas Dupont-Aignan».

D’autres peuvent y voir  aussi un besoin pour NDA de se relégitimer après sa reculade devant le microcosme politico-médiatique, suite à l’affaire Emmanuelle Gave. Présente sur sa liste pour les élections européennes, Mme Gave s’est vue reprocher, au terme d’une cabale ahurissante, la visant elle et son père, quelques tweets jugés racistes, tendancieux, notamment celui ou elle écrivait que « les musulmanes sont inemployables comme Nanny » (nounous).

« En somme », notait Elisabeth Lévy dans Causeur,  résumant cette affaire abracadabrantesque, «après avoir ratissé une dizaine d’années d’existence numérique (de Mme Gave sur les réseaux sociaux, NDLR) , la meute vigilante a trouvé une phrase (celle sur la nounou) que l’on peut juger vaguement choquante, si on la prend au pied de la lettre et si on pense que la traque des écarts de langage est de salubrité publique. La récolte est, somme toute assez maigre, mais la rumeur devenue vérité continue à propager qu’Emmanuelle Gave est antisémite, négationniste et raciste. Emmanuel Macron a annoncé une loi permettant  le retrait dans les meilleurs délais de tous les contenus appelant à la haine , mais contre les présumés haineux, la haine est tolérée, voire encouragée. Puisque c’est au nom du bien.»

Résultat, «Dupont-Aignan a (jeté) l’éponge  et Debout la France (a annoncé) dans un communiqué qu’à « la lumière des éléments révélés par  Quotidien  (l’émission du petit Torquemada Yann Barthès, NDLR),  Emmanuelle Gave ne sera pas candidate. Quel manque de courage , fulmine Charles Gave (le père d’Emmanuelle, économiste proche de la mouvance souverainiste, NDLR). Peut-être, mais aussi injuste que cela soit, estime Elisabeth Lévy, en conservant sa fille sur sa liste, NDA prenait le risque de voir sa campagne polluée par d’incessants rappels de ces mensonges devenus vérités. La calomnie paie. Pour les Gave, la mèche a été allumée de l’intérieur du parti, pour NDA c’est l’œuvre de ses rivaux politiques. Dans les deux cas, on est assez loin de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.»

Mais le courroux des bien-pensants visent plus globalement tout ceux, qui, même à la gauche de la gauche parfois, critiquent la doxa eurolibérale, ses relais et ses acteurs de premier plan. RT se faisait ainsi l’écho de l’article paru sur le site des altermondialites d’Acrimed (acronyme d’« Action critique Médias ») au sujet du traitement de défaveur dont a été victime la sociologue mélénchoniste retraitée du CNRS, Monique Pinçon-Charlot, lors de son passage le 2 février dans l’émission  C l’hebdo  sur France cinq, animée par Ali Badou . Disons-le, Mme Pinçon-Charlot n’est pas franchement de notre paroisse. Ses publications et travaux, souvent effectués en binôme avec son mari Michel, portent principalement sur la ségrégation urbaine et sociale, la domination des pauvres par les riches,  ont été souvent très sévèrement critiqués. Confessons-le, nous n’avons pas lu  les ouvrages en question, mais ses détracteurs jugent que la sociologie de Mme Pinçon-Charlot se caractérise par une idéologie manichéenne qui tord le réel, une méthodologie approximative , simpliste, voire frauduleuse.

Pour autant, quitte à l’inviter sur un plateau, n’est-il pas dans l’ordre des choses de lui donner vraiment la parole, afin qu’elle puisse exprimer et développer ses thèses, ses réflexions, ses idées? Venue pour présenter son dernier ouvrage (co-écrit avec son mari), dont le titre même n’est pas sans rencontrer un écho certain chez les Français ( Le Président des ultra-riches. Chronique du mépris de classe dans la politique d’Emmanuel Macron), cette dernière a été en fait muselée…au nom du pluralisme du service public?

Ainsi, rapporte Pauline Perrenot sur le site d‘Acrimed   dans sa recension de cette émission, «Monique Pinçon-Charlot ne pourra guère expliquer quoi que ce soit : d’un tribunal médiatique à une discussion rigolarde entre amis journalistes, l’émission tenue par six chiens de garde va progressivement évincer l’invitée principale du plateau, et avec elle, les idées défendues dans son dernier livre. C’est une émission cas d’école. Une émission qui est en actes la chronique du mépris que racontent justement les Pinçon-Charlot dans leur dernier livre. Une émission qui démontre – encore une fois – la difficulté d’exposer des idées radicales sur un plateau de télévision, gardé par des journalistes récidivistes dans leur hostilité aux travaux et idées des deux sociologues. Une émission de  débat  sur le service public, dont les dispositifs privilégient l’expression des éternels mêmes éditorialistes – une nouvelle fois – aux dépens des invités hétérodoxes

Bref, une emission qui apparaît ici en creux comme une publicité vivante et implicite pour les médias alternatifs qui, eux donnent à leurs invités hétérodoxes le temps et le droit de s’exprimer pleinement, de confronter leurs opinions. Nous pensons notamment à Interdit d’interdire, l’émission de Frédéric Taddéï, qui a trouvé refuge sur Russia Today… Il est assez piquant dans ces conditions, constate Bruno Gollnisch, mais somme toute d’une logique imparable, que ce soit justement RT  qui concentre les critiques et l’hostilité d’une macronie qui se veut le gardien sourcilleux de la démocratie, du progrès, du pluralisme et, cerise sur le gâteau,  de la vérité…

 

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