Site icon Le blog de Bruno Gollnisch

Génocide arménien : une « loi Fabius-Gayssot bis » est elle une bonne idée ?

La loi du 29 janvier 2001 portant sur la reconnaissance du génocide arménien entre 1915 et 1917 (1,5 million de morts, selon différentes sources), avait déjà provoqué un boycott des entreprises françaises en Turquie. Mardi faisant fi des menaces et des critiques, l’Assemblée nationale française a décidé, avec l’assentiment de l’Elysée, d’examiner aujourd’hui une proposition de loi condamnant la négation de ces massacres. Celle-ci est l’œuvre du député UMP Valérie Boyer, et tend à punir « les négationnistes de génocides reconnus par la loi française d’un an de prison et 45 000 euros d’amendes. Or, le seul génocide qui entre dans ce cadre est celui de la Turquie sur les Arméniens, durant la Première guerre mondiale (la shoah relève du droit international, et sa contestation est déjà punie depuis longtemps) » rapporte Le Parisien.

 Valérie Boyer s’était surtout  faite remarquer jusqu’à présent par une autre proposition de loi portant sur la prise en charge par l’assurance maladie de la « circoncision rituelle »des musulmans… qui n’est d’ailleurs pas « rituelle » en ce sens qu’elle elle n’est pas un précepte du Coran, mais un signe d’appartenance à l’oumma…. Elle souhaitait ainsi que l’Etat s’occupe de contrats d’assurance pour des actes qui relèvent de la religion, et que l’assurance maladie finance des actes chirurgicaux qui ne relèvent d’aucune pathologie. Celle-ci avait finalement été jugée peu opportune électoralement par ses amis et reportée sine die…

 Si le PS a apporté son soutien à cette volonté de graver dans le marbre de la loi la réalité du génocide arménien, la Turquie est bien évidement furieuse et l’a fait savoir vertement, menaçant la France de représailles commerciales notamment par la voix du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan qui a fustigé «une loi électoraliste». Le ministre des Affaires étrangères, Abdullah Gül, a invité Paris à renoncer à une loi « inacceptable ». Deux délégations de politiques (majorité et opposition) et d’industriels turcs se sont rendues en France pour rencontrer les députés français.

 L’initiative de Mme Boyer ne fait pas l’unanimité dans les rangs de l’UMP. Christian Jacob (président du groupe à l’Assemblée), Axel Poniatowski (président la commission des Affaires étrangères), Michel Diefenbacher (président UMP du groupe parlementaire d’amitié franco-turc), le président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer, le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé (qui aurait qualifié cette proposition de loi de « connerie sans nom »), Jean-Pierre Raffarin ou encore le Sénateur UMP des Yvelines Gérard Larcher se sont déclarés contre la loi. François Fillon ne serait pas lui même un partisan enthousiaste de cette loi selon Le Canard Enchainé.

 L’hebdomadaire rapporte les propos de M Juppé selon lequel ce texte vise à récupérer les voix des 500 000 Arméniens expatriés en France…sachant que pur hasard, dans la circonscription de Valérie Boyer ces mêmes Arméniens sont nombreux, 80 000 rien qu’à Marseille… Enfin Le Canard, cite un ministre qui explique que le chef de l’Etat soutient ce texte « pour plaire à Carla . La passion lui fait faire des conneries »…Rappelons que M. Sarkozy avait déclaré il ya quelques années que ce n’était pas à la loi de faire l’histoire…

 Bernard Accoyer, a précisé à notre avis justement que «le rôle du Parlement, ce n’est pas de faire des lois mémorielles». «Laissons aux historiens le soin de déterminer ce qu’a été la réalité de l’histoire», a argumenté de son côté Gérard Larcher, qui a également cité les sénateurs Robert Badinter (PS) et Jean-Jacques Hyest (UMP) concluant en mai dernier à «l’irrecevabilité constitutionnelle de ce type de proposition ou projet de loi».

 Il n’est pas inutile de souligner également qu’en octobre 2006 la proposition de loi du député PS Christophe Masse, qui prévoyait déjà d’instituer les mêmes peines pour la négation du génocide arménien que celles instituées en 1990 par la loi Gayssot pour la négation du génocide juif pendant la Seconde Guerre mondiale, avait été rejetée. A l’époque, même Jack Lang, qui n’avait pas fait preuve de la même honnêteté intellectuelle lors du vote de la loi Fabius-Gayssot, avait estimé que la proposition de loi socialiste allait « à l’encontre de la liberté d’expression. » Mais il est vrai que de nombreuses personnalités, notamment socialistes, craignaient aussi qu’une telle loi remette en cause le caractère hors norme, unique de la Shoah et complique l’adhésion de la Turquie dans l’UE.

 La Commission européenne, par la voix du commissaire à l’Élargissement Olli Rehn, avait dénoncé une loi qui « aurait de graves conséquences sur les relations entre l’UE et la Turquie ». Daniel Cohn-Bendit avait affirmé qu’il s’agissait d’ « un mauvais calcul politique de la part du PS » ; « On ne doit pas rajouter, aujourd’hui, de nouvelles conditions à l’entrée de la Turquie », avait clamé le président de la Commission José Manuel Barroso.

 D’ailleurs quelques jours auparavant, le 27 septembre 2006, au Parlement de Strasbourg, Bruno Gollnisch, à l’instar  des autres élus frontistes, avait dénoncé le fait que la  majorité de députés ait voté en faveur de l’adhésion d’Ankara…tout en rejetant le paragraphe 49 qui exigeait la reconnaissance du génocide arménien, se soumettant ainsi aux volontés de la Turquie.La reconnaissance dudit  génocide  ne faisait  pas partie des critères d’adhésion.

  Jean-Marie Le Pen, comme Bruno Gollnisch, réagissant à la proposition de loi de M.  Masse, s’était   aussi élevé contre cette  « loi Gayssot-bis », « une tache honteuse dans l’histoire de la liberté d’expression », et  plus largement contre « les lois totalitaires imposant une histoire officielle ». Il avait aussi dénoncé très fermement l’amendement du député UMP Patrick Devedjian à ce texte sur le génocide arménien  qui « (ajoutait) le scandale au scandale », puisque « l’interdiction de la contestation ne s’appliquerait pas aux recherches universitaires ou scientifiques. Il y aurait ainsi deux catégories de citoyens. Le professeur qui peut dire ce qu’il veut, et Glandu qui serait traîné en justice s’il répète ce qu’a dit le professeur. C’est une nouvelle étape dans le démantèlement de l’Etat de droit ».

 A l’époque l’association Liberté pour l’histoire présidée par René Rémond – qui regroupe 600 enseignants et chercheurs- s’était dite « profondément choquée » par l’initiative des députés PS, laquelle « constitue une nouvelle intervention politique dans l’appréciation des événements du passé, et place les enseignants sous surveillance ». En vain au final, puisque la (petite) poignée de députés présents aujourd’hui à l’Assemblée a adopté la proposition  de Mme Boyer.

 

Quitter la version mobile