Comme le soulignait il y a peu Valeurs actuelles commentant l’atmosphère de haine dans laquelle s’est également déroulée l’élection du nouveau président de l’UDI Jean-Christophe Lagarde, il n’y a guère qu’au Front National où la compétition, dans le cadre du Congrès de Tours, pour la présidence du Mouvement entre Marine et Bruno s’est déroulée très globalement dans un climat apaisé et en bonne intelligence. Cela est aussi une preuve de maturité.
Cette assomption du FN agite aussi logiquement un monde intellectuel qui ne considère plus comme impossible l’arrivée au pouvoir de l’opposition nationale. Dans sa revue des revue, Barbara Lambert évoquait assez longuement sur atlantico lundi deux articles parus dans l’un dans La revue des deux mondes sous la plume du professeur de sciences politiques Olivier Roy, l’autre dans Le débat, un dialogue entre Alain Duhamel et le sociologue, historien et philosophe Marcel Gauchet, consacré au FN.
Dans le premier intitulé « Pourquoi le Front National est-il moderne ? Parce qu’il a compris Gramsci », M. Roy part du constat théorisé par le dirigeant communiste italien Antonio Gramsci, souvent cité par nous sur ce blogue, qui veut que «l’enjeu de la prise du pouvoir n’est pas le rapport de force mais l’hégémonie culturelle » .
A savoir qu’il n’y a pas de prise possible du pouvoir politique dans les sociétés développées, sans prise préalable du pouvoir culturel. Prise du pouvoir qui passe certes par le contrôle de l’Etat, mais aussi par un travail idéologique dans la société civile.
Un pari qui est en passe d’être gagné pour le FN constate Olivier Roy. Pour autant, il semble ne pas voir que la réaction, identitaire au sens large, contre cette société née de mai 68, que révèle notamment la manif pour tous, mais aussi l’ascension du vote FN, ne cadre pas forcément, du moins pas toujours, avec sa grille de lecture sur la modernité du FN. Celui-ci est aussi plébiscité pour sa défense des valeurs traditionnelles. Sa modernité en l’espèce est aussi d’avoir ringardisé la doxa soixante-huitarde, les Français étant nombreux à constater les ravages générés par cette hégémonie culturelle de la gauche et de la droite libérale-libertaire.
Dans la revue Le débat et son dossier « Droite, gauche : la déliquescence », Marcel Gauchet souligne que « Le jeu de Marine Le Pen consiste à récupérer les déçus de la nation à droite et les déçus de la redistribution sociale à gauche. Du point de vue de la structure politique, elle se situe au point de confluence des revendications nationales et des revendications sociales, confluence qui forme la synthèse la plus forte dans l’espace politique français, celle que le gaullisme a incarnée en son temps et à laquelle la situation européenne redonne une actualité. (…) C’est une situation très inquiétante parce qu’on ne voit pas bien comment on pourrait, cette fois, déloger aisément le Front National de sa position de force. Il paraît être devenu une composante incontournable de la politique française ».
« Il importe de souligner, constate encore Marcel Gauchet, combien (l’involution du personnel politique) frustre les attentes des citoyens qui, au milieu de leur dépolitisation, au milieu de la priorité donnée à l’économie, au milieu de leur usage massif de nouveaux médias, n’en continuent pas moins d’entretenir des aspirations qui ne trouvent pas de débouché sur la scène officielle. La politisation française, résiduelle mais insistante, se retrouve précisément dans le vote pour le Front National qui est, à beaucoup d’égards, un vote de protestation contre cette dérive de la vie publique et la crise de fonctionnement de la société politique ». Plutôt bien vu de la part d’un intellectuel qui, certes opposé au FN, n’en avait pas moins déclaré avec autant de sagesse que de justesse que «le cadre national demeure le vrai cadre politique où les gens affirment leur appartenance et leur désir de peser sur le destin commun».
Dans ce climat de dynamisme des idées nationales et patriotiques, autant dire que les attaques vicieuses, sous la ceinture, souvent parfaitement mensongères, dont le microcosme est coutumier à l’encontre du FN ne vont pas faiblir.
Canal plus diffusait ainsi hier soir dans son émission «Spécial investigation», un reportage sentant le réchauffé, souvent maladroit, visiblement partial, involontairement comique et surtout très approximatif de Thierry Vincent, consacré au «retour» des « violences d’extrême droite ».Violences auxquelles cette émission tente de raccrocher le FN par la bande et qui mettrait à mal sa «dédiabolisation» croit savoir Mediapart.
Dans le même registre, les medias feignent de s’interroger, maniant le sous-entendu fielleux et creusant la veine complotiste, sur les raisons pour lesquelles le FN à contracté un prêt auprès de la First Czech Russian Bank dans le cadre des prochaines campagnes électorales.
Le Monde l’a rapporté «l’intermédiaire entre (le FN, NDLR) et la First Czech Russian Bank» est un «ancien consultant chez Dassault», le député européen Jean-Luc Schaffhauser, tête de liste du FN-RBM lors des dernières élections muncipales à Strasbourg, «l’un des dirigeants de l’Académie européenne», une « fondation » œuvrant pour un rapprochement entre l’UE et la Russie.
Pourquoi cette banque et pas une autre? «J’ai pris contact avec un grand nombre de banques françaises et de banques européennes, j’ai eu quelques réponses, c’étaient toujours des réponses totalement négatives », a expliqué le trésorier du FN, Wallerand de Saint-Just auprès de France info.
Sur France 5, Marine a pareillement précisé : «je suis allé partout ailleurs qu’en France, puisqu’en France je n’ai pas trouvé une banque française qui accepte de nous prêter de l’argent». «Est ce que les banques sont frileuses depuis que Nicolas Sarkozy a triché à la présidentielle ? Est-ce qu’ils ont peur de prêter de l’argent au FN? Nous, on nous répond non. J’ai été contrainte d’aller à l’étranger, je suis allé aux Etats-Unis, en Asie, et il se trouve qu’une banque tchequo-russe a accepté de nous prêter de l’argent».
Bref, il n’est pas nécessaire d’y voir la main de M. Poutine comme les Français ne verront peut être pas forcément celle des élites euromondalistes dans le refus des banques françaises, européennes, états-uniennes ou asiatiques d’accorder un prêt au premier parti de France.