Il est vrai que même François Hollande est aujourd’hui accusé, jusqu’au sein du PS mais aussi par une partie de la droite, de vouloir attenter au pacte républicain, de s’éloigner de l’homme socialiste des origines, de la doxa progressiste, libérale-libertaire, sur la nationalité. Le Chef de l’Etat a ainsi renouvelé lors de ses vœux aux Français, le 31 décembre, son souhait de déchoir de la nationalité française les binationaux coupables de terrorisme, emboitant le pas sur ce thème au FN.
L’Obs a souligné sur son site que certains politiques, favorables à cette mesure, appellent cependant «François Hollande et Manuel Valls à réformer la déchéance de nationalité, sans toucher à la constitution ». C’est le cas de Paul Quilès, l’ancien ministre de François Mitterrand» qui «dans une pétition (…) explique (que) ce projet de révision constitutionnelle ouvrirait la porte à des extensions dangereuses, déjà demandées par l’extrême-droite pour aller beaucoup plus loin».
Le site du magazine rappelle ainsi un tract diffusé lors de la campagne présidentielle de Marine en 2012, intitulé Double nationalité : il faut en finir, qui «(proposait) non seulement la suppression de la double nationalité mais aussi la déchéance de leur nationalité française pour les binationaux condamnés pour des faits délictuels ou criminels». Etaient visés ici, comme dans les programmes plus anciens du FN, les binationaux se rendant coupables de crimes particulièrement odieux contre les plus faibles (femmes, enfants, personnes âgées et/ou handicapées…), mais aussi les gros trafiquants de drogue.
Plus largement, Bruno Gollnisch rappelle incidemment pour sa part, dans un domaine connexe, que la possibilité même d’expulser dans son pays d’origine un criminel une fois sa peine achevée sur notre territoire fut supprimée par Nicolas Sarkozy lors de son quinquennat. Mais surtout que la question de la déchéance de nationalité envisagée aujourd’hui (a minima) par M. Hollande et une partie des élus de LRPS, ne se poserait pas si l’on ne fabriquait pas à la chaine des Français de papier. Et ce, au nom de l’inique droit du sol, d’un code de la nationalité qu’il s’agirait de réformer à la lumière des défis migratoires de ces dernières décennies…
Autres défis, autres tensions lourdes de menaces, celles qui agitent ces dernières heures deux puissances rivales de longue date, l’Arabie saoudite wahhabite, cet «Etat islamique (Daech) qui aurait réussi» selon la définition qu’en donne Eric Zemmour, et l’Iran chiite. Une hostilité réactivée depuis que le cheikh Al-Nimr, 56 ans, a été exécuté samedi, reconnu coupable de terrorisme, sédition, désobéissance au souverain et port d’armes avec 46 autres personnes en Arabie saoudite.
Le chiite Mohammed al-Nimr, qui avait étudié la théologie plus de dix ans en Iran, était un opposant pacifique mais très critique du régime saoudien. Il défendait avec un grand talent la cause de la minorité chiite vivant en Arabie saoudite allant même jusqu’à proposer son autonomie dans le cadre d’une scission territoriale.
En septembre dernier, à Bruxelles, François Hollande s’était fendu d’une déclaration demandant que l’Arabie saoudite renonce à la décapitation puis à la crucifixion d’un neveu de Mohammed al-Nimr, à savoir Ali al-Nimr, 21 ans, condamné à mort le 27 mai 2014 pour avoir participé à des manifestations du Printemps arabe en 2012. Mais il était resté muet, comme ses homologues européens et les Etats-Unis, sur la nomination de l’Arabie saoudite à la tête d’une des commissions consultatives du Conseil des droits de l’homme de l’ONU !
Dans un communiqué paru dimanche et émanant du ministère des Affaires étrangères, la France a «(déploré) profondément » les « exécutions » commises en Arabie saoudite…Bref, le service minimum tant est grande la volonté de ne pas froisser outre mesure «notre» «allié» saoudien qui joue le rôle trouble que l’on sait en Syrie (et dans nos banlieues). Arabie saoudite de qui on attend toujours le gros chèque qui doit régler le montant des frégates Mistral que nous avons refusé, au mépris de nos engagements, de livrer à la Russie, et achetées finalement officiellement par l’Egypte…
La réaction de l’Iran à ces exécutions a été autrement plus vive. L’Arabie « paiera un prix élevé pour ces politiques » a déclaré le porte-parole du ministère iranien des affaires étrangères, Hossein Jaber Ansari. Téhéran a affirmé que «le gouvernement saoudien soutient d’un côté les mouvements terroristes et extrémistes et dans le même temps utilise le langage de la répression et la peine de mort contre ses opposants intérieurs ».
La manifestation organisée dimanche après-midi devant l’ambassade d’Arabie saoudite à Téhéran à l’appel de la branche estudiantine de la milice bassidji, qui dépend des Gardiens de la révolution, l’unité d’élite des forces armées iraniennes, a dégénéré. L’ambassade saoudienne a été saccagée, le consulat saoudien dans la ville de Machhad (nord-est de l’Iran) a été lui aussi attaqué.
Une quarantaine de personnes ont été arrêtées mais Ryad a aussitôt annoncé, la rupture unilatérale de ses relations diplomatiques avec Téhéran. Le régime saoudien a «donné 48 heures aux membres de la représentation diplomatique iranienne pour quitter le pays». De quoi éloigner encore un peu plus, ce qui n’est pas pour déplaire à beaucoup, la perspective, déjà bien hypothétique, d’une coalition internationale regroupant notamment tous les pays de la région, pour lutter contre l’Etat islamique. 2016, année de tous les dangers…