Une vision qui sous-tend la décision du « gouvernement français, (qui), sous la houlette de l’animateur Stéphane Bern », « chargé de mission sur le patrimoine », « vient de lancer un loto du patrimoine pour restaurer une partie du patrimoine en péril. Le jeu, organisé en septembre, devrait permettre à l’Etat de récolter entre 15 et 20 millions d’euros (…). La Fondation du patrimoine, qui œuvre à la sauvegarde et à la valorisation du patrimoine, a identifié environ 2 000 bâtiments en péril, puis en a sélectionné 269. »
Parmi eux la maison (bien à son image) du célèbre et fantasque écrivain-voyageur et officier de marine Pierre Loti (1850-1923) à Rochefort (Charente-Maritime). Un choix jugé malheureux par les pathétiques commissaires politiques socialistes de l’UEJF, de SOS racisme, et le (médiatiquement plus confidentiel) Conseil de coordination des organisations arméniennes de France, qui ont rappelé les quelques saillies anti-arméniennes et antisémites du célèbre écrivain turcophile... Une polémique balayée par Emmanuel Macron qui a dénoncé dans ce cas particulier les «combats anachroniques » de ces ligues de vertu. A ce compte là en effet, l’UEJF et SOS racisme seraient en droit de réclamer l’autodafé de la quasi totalité des grands écrivains français du XIXe siècle.
« Le concept du loto du patrimoine est déjà utilisé dans de nombreux pays » rappelle France Culture et cite « Françoise Benhamou, spécialiste de l’économie de la culture (qui) met en garde contre une vision angélique de cette action. Il y a une politique de communication évidente autour du grand patrimoine. Cette instrumentalisation sert manifestement un soft power qui est pas inutile, c’est dans l’ADN de la politique culturelle française. Le patrimoine, c’est une représentation du pouvoir, de l’histoire, ce sont des signaux que l’on envoie. »
Ancien directeur général de la Fondation du patrimoine et actuel maire de Versailles, François de Mazières, « qui a fait du loto du patrimoine un combat depuis les années 2000 », craint de son côté « que le gouvernement en fasse un mauvais usage: le danger, c’est la baisse des dotations consacrées au patrimoine du ministère de la Culture. Les collectivités territoriales, notamment les communes, ont vu leurs recettes complètement baisser ces dernières années, dû au fait des baisses de dotation de l’Etat. Sauf que les communes sont au premier rang pour l’entretien du patrimoine. Aujourd’hui, ce loto est un atout supplémentaire, mais il ne peut être qu’une politique d’accompagnement, parce qu’il va rapporter au mieux 20 millions d’euros. Alors que les crédits d’Etat consacrés au patrimoine chaque année sont de l’ordre de 400 millions d’euros. C’est pour cela qu’il ne faut pas que l’arbre cache la forêt….»
Un patrimoine français ajouterons-nous, qui ne bénéficie pas toujours du respect et de la mise en valeur qu’il mérite. Cnews ou encore Le Parisien relayaient la fureur particulièrement déplacé du très controversé militant/romancier/ prophète à la barbe teinte Marek Halter, alors que « Le Mur de la Paix, dont il fut à l’initiative en 2000 avec sa femme, est menacé. La structure, située au bout du Champs-de-Mars (7e), pourrait être délogée au profit de l’implantation d’un Grand Palais éphémère. Un équipement de 14.000 m2 est à l’étude, car le musée doit être fermé pour d’importants travaux. »
Nous avions évoqué sur notre blogue ce Mur, inauguré par Jacques Chirac il ya dix-huit ans, inspiré du « Mur des lamentations » de Jérusalem, installé à l’origine temporairement pour trois mois. Ce monument très dégradé est finalement demeuré à son emplacement d’origine. Nous avions apporté notre soutien à Rachida Dati maire (UMP, aujourd’hui LR) du VIIe arrondissement de Paris et collègue de Bruno Gollnisch au Parlement européen, qui jugeait très inesthétique et incongrue cette structure imaginée par l’architecte Jean-Michel Wilmotte. Mme Dati avait été attaquée en justice par le couple Halter pour diffamation. Elle invitait ses administrés dans une pétition à se mobiliser pour obtenir le démontage immédiat du Mur (de) pour la Paix, qui obstrue la perspective classée de l’Ecole militaire à la Tour Eiffel, en violation de la loi.
Sur son blogue bien charpenté, bien informé et d’une lecture toujours intéressante, la tribune de l’art, Didier Rykner, qui défend de longue date la préservation de notre patrimoine culturel tout en s’opposant à sa marchandisation, a dénoncé le 14 juin la dénaturation du Champ-de-Mars. Ce « n’est plus un lieu protégé mais un champ de foire. Sans compter côté École Militaire l’horrible Mur de la Paix construit sans autorisation et désormais le stupide mur transparent en cours de construction qui va encercler la tour Eiffel sous prétexte de terrorisme, ou l’état désastreux de ce jardin ( qui est un des endroits les plus sales de Paris (ce qui est une espèce de record).»
«Ce massacre persistant de ce qui est pourtant théoriquement un site classé, une protection qui devrait interdire toutes ces manifestations, va bientôt devenir permanent, sans même une seule interruption, pendant au moins quatre ans, avec l’installation de (…) ce Grand Palais éphémère » évoqué plus haut.
Notons que M. Rykner était à l’initiative en 2007 de la pétition intitulée Les musées ne sont pas à vendre, pour s’opposer notamment au projet de délocalisation du Louvre à Abou Dhabi (Emirats arabes unis). Le Monde s’en était fait l’écho, elle avait recueilli également quelques «signatures politiques » dont celle à l’époque d’« un des responsables de la culture au Front National. » Mais Didier Rykner « (avait) choisi de retirer son nom de la liste. Mon objectif, ce n’est pas la polémique, et les gens qui m’ont fait confiance ne méritent pas ce type de récupération. »
Il est facile de lui rétorquer que les nationaux ne récupéraient pas plus cette pétition que les autres signataires. Dans le combat nécessaire pour la la défense de notre patrimoine, toutes les bonnes volontés, les bonnes actions sont les bienvenues d’où qu’elles viennent. C’est pourquoi, avec les réserves exprimées plus haut par certains, il faut se féliciter de cette initiative prise par Emmanuel Macron d’importer en France ce Loto du patrimoine.
En 2015, et nous conclurons par là, M. Rykner ne ménageait pas ses critiques dans Politique magazine contre une classe politicienne « devenue complètement inculte », « même si une minorité échappe à la règle », fustigeant « des hommes politiques acculturés qui considèrent que l’histoire de l’art est superflue. » Et bien nous rejoignons ici les preoccupations exprimées par M. Rykner et beaucoup d’autres. Cette acculturation est aussi une des causes profondes de la défrancisation de nos élites, qui ont perdu la contact avec le terreau culturel français et partant, en rupture avec une identité française sciemment défigurée qui ne sert plus pour certains que de décor de théâtre pour exposer un plug anal ou un vagin géant. Et contrairement à ce que disent nos détracteurs, dénoncer les escrocs/ businessmen du (non) art contemporain n’est pas se complaire dans une vision figée, muséale, passéiste de l’art!
Le patrimoine culturel de notre pays est le bien indivis de tous les citoyens. A nous de transmettre, d’enrichir cet héritage civilisationnel, de nous en inspirer aussi , afin d’être dans ce domaine également, dans la chaîne des générations qui se succèdent, « non pas des maillons de cire mais des maillons d’acier » selon la belle et forte formule du pas toujours très recommandable Mustapha Kémal.