« Tu as de la chance, toi tu aimes la France, son histoire, ses paysages. Moi, tout cela me laisse froid. Je ne m’intéresse qu’à l’avenir. » Cette remarque de Nicolas Sarkozy à Philippe de Villiers, rapportée par Eric Branca et Arnaud Folch dans leur ouvrage consacré au créateur du Puy-du-Fou, a souvent été citée par nous. Elle est plus que jamais à garder en mémoire au moment ou le chef de l’Etat, sur les conseils de ses communicants, dont Patrick Buisson, rendra hommage ce vendredi la mémoire de Jeanne d’Arc. Après notamment Jean-Marie Le Pen et Bruno Gollnisch, le chef de l’Etat s’est rendu sur le lieu de naissance de Jeanne voici 600 ans à Domrémy. Cet anniversaire sera célébré samedi par une délégation frontiste emmenée par Jean-Marie et Marine Le Pen devant la statue de l’héroïne nationale place des Pyramides à Paris. Le site de TF1 précise justement qu’ « à l’exception de Georges Pompidou », « tous les prédécesseurs de la Ve République » (de M. Sarkozy) ont rendu cet hommage à Jeanne. Article qui relaye aussi cette analyse d’ « un cadre de la majorité » : « En essayant de se réapproprier, au titre de la Nation, le symbole de Jeanne d’Arc, le président espère démontrer aux électeurs frontistes que ses valeurs ne sont pas si éloignées des leurs, et donc qu’il est digne de leurs voix au second tour. »
Certes, Jeanne d’Arc appartient à tous les Français et comme notre drapeau national que nous avons ramassé dans le caniveau pour le brandir bien haut , le FN n’empêche aucune autre formation politique de célébrer à son tour comme il le fait chaque mois de mai, la geste johannique…Mais il apparaît tout de même que certains sont plus fondés que d’autres à le faire, plus en tout cas qu’un président bling bling endossant pour la circonstance le costume du résistant aux diverses invasions !
« Foi en la France éternelle, amour de la Patrie, défense du Peuple, autorité, indépendance, identité, sécurité, courage, foi, honneur et sacrifice, tels furent (les) principes (de Jeanne d’Arc) qui sont aujourd’hui les nôtres » rappelait Jean-Marie Le Pen en 2010, soulignant que « les hommes ne vivent pas seulement de pain et de vin, puisqu’ils n’ont pas seulement des corps mais aussi des esprits et des âmes. Nous récusons les matérialismes, qu’ils soient de gauche ou de droite, communistes ou capitalistes ». « La geste johannique qui est aussi le vivant symbole pour les croyants du sens surnaturel des destinées nationales, incarne au plus haut pour l’ensemble des patriotes un mythe fondateur de la résistance à l’invasion et nous le savons, les mythes véritables ne meurent point. » Nous sommes loin ici de la philosophie qui sous-tend le programme de l’UMP et de sa vision de notre devenir obligatoirement « métissé » et « mondialisé »…
Le site de TF1 a d’ailleurs rappelé que «comme Jacques Chirac l’avait lui-même fait en 1996, le candidat Nicolas Sarkozy avait d’ailleurs déjà dénié au FN en 2007, à Rouen, entre les deux tours de la présidentielle, tout copyright sur Jeanne d’Arc. Jeanne, c’est la France, avait-il lancé, comment (…) avons-nous pu laisser Jeanne d’Arc confisquée par l’extrême droite pendant si longtemps ? N’empêche. Le soupçon de détournement électoral demeure. Sarkozy s’est fait une spécialité d’utiliser l’histoire à des fins politiciennes, concède un élu de l’UMP (…). Le politologue Jean-Yves Camus ne peut, lui non plus, s’empêcher de relever ce sacré hasard du calendrier qui voit le président honorer Jeanne d’Arc à cent jours de la présidentielle… »
Cette récupération est à mettre en exergue avec cette déclaration de Jean-Marie Le Pen au lendemain du premier tour de la présidentielle de 2007 dans lequel il constatait que les nationaux, malgré cette défaite avaient « gagné la bataille des idées : la nation et le patriotisme, l’immigration et l’insécurité ont été mis au cœur de cette campagne par (ses) adversaires, qui, hier encore, écartaient ces notions avec une moue dégoutée. »
« Cette victoire idéologique est un acquis irréversible du Front National, dont je me félicite poursuivait-il. En revanche, je suis beaucoup plus inquiet pour l’avenir de notre pays a-t-il poursuivit. Je crains en effet que les Français n’aient été abusés, et je leur prédis, avec tristesse, des lendemains qui déchantent. Ceux qui se sont emparés des idées du Front National ne l’ont fait que pour nous empêcher de mettre en application les véritables solutions à tous les problèmes dramatiques qui menacent l’équilibre et la prospérité de la France contemporaine. Paroles qui sonnent plus justes que jamais et qui ont été pleinement confirmées !
Ainsi, lors de ses vœux à la presse hier, Marine a constaté qu’à l’évidence cette OPA sarkozyste sur Jeanne « montre très clairement que le FN est au centre de la vie politique. Nous sommes les inspirateurs de l’essentiel des thématiques de la campagne présidentielle : immigration, insécurité, protectionnisme et maintenant, les grandes figures historiques ».
En mai 2010, nous rapportions cette analyse pertinente du libéral anti-frontiste Alain-Gérard Slama qui relevait dans Le Point que ce qui différencie fondamentalement le FN de la droite sarkozyste c’est que l’opposition nationale ne définit pas l’identité française par l’héritage des « Lumières » sous l’angle de la seule idéologie des droits de l’homme, abstraite et désincarnée, mais par « référence à la doctrine barrésienne de la Terre et des Morts ».
Le compatriote lorrain de Jeanne, Maurice Barrès mettait déjà en garde de manière prémonitoire contre les conséquences de l’afflux de populations inassimilables voulant « nous imposer leur façon de sentir ». Il rappelait aussi dans « Scènes et doctrine du nationalisme »que « le nationalisme est acceptation d’un déterminisme » qui fait que « nos ancêtres pensent et parlent en nous. Toute la suite des descendants ne fait qu’un même être ». Bref qu’il n’y a pas de moi véritable sans le « support de la collectivité ».
Cette adhésion du FN à une conception organique, enracinée de la nation et du devenir de notre peuple constate Bruno Gollnisch, est bien en effet une des différences majeures de notre courant de pensée avec l’idéologie dominante, qu’elle soit grimée sous les couleurs de l’UMP, du PS ou des autres partis de l’Etablissement.
jpdajou dit
Bonjour à tous.
Excellent article. Le Front National est la défense légitime d’un peuple qui refuse de mourir. Lorsque tous ces politiciens qui s’imposent et se bousculent pour nous gouverner auront compris cela, peut-être aurons-nous fait un grand pas en avant vers la démocratie ? Lorsque l’on compare le gouffre sidérant qui sépare une patriote courageuse telle que Marine, à un arriviste froid et calculateur comme Nicolas Sarközy, on ne peut qu’être effaré… « Moi tout cela me laisse froid, je ne m’intéresse qu’à l’avenir ». Il parlait sans doute de son avenir personnel (de futur chef de l’Europe fédérale) et non pas de l’avenir du pays dont il est le chef suprême. Si l’on devait comparer Nicolas Sarközy à un personnage historique Français, ce n’est sûrement pas Jeanne d’Arc qu’il faudrait choisir, mais peut-être Philippe le Bel (qui fît brûler les Templiers). Oui Jeanne d’Arc fût une patriote, héroïne courageuse, qui se sacrifia jusqu’à l’abnégation. Et à bien des égards, beaucoup de gens dans cette société ferait bien de s’en inspirer, y compris et surtout les politiciens…
PhB dit
Que vous le vouliez ou non, il y a aussi une part de « récupération » dans la démarche du FN , dans le fait d’aller ce jour 7 Janvier, rendre hommage à Jeanne.
M.Gollnisch, qui se targue d’être catholique, aurait dû plutôt se joindre au défilé organisé hier soir 6 Janvier par Civitas.
Modérateur dit
Avouez qu’il y a tout de même une certaine logique à ce que Bruno participe à l’hommage à Jeanne organisé par le Président d’honneur du Mouvement auquel il appartient et en présence de sa présidente. Quant au FN proprement dit, il célèbre Jeanne d’Arc depuis 1979, « récupération » n’est peut être pas le mot qui convient…
papi villiériste dit
Comme votre article sonne juste. Bravo pour votre perspicacité. Les efforts désespérés d’un candidat grillé par 5 ans d’immobilisme sont pitoyables.
un sympathisant.
lebihan dit
Bonjour,
Sans aucun manque de respect pour quiconque, sauf peut être pour celui à qui cette citation fera allusion, je citerai Michel Audiard, par l’intermédiaire de Lino Ventura: « les c…s, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnait ».
Le Président, compte tenu de la proximité de Sion-Vaudémont et de sa colline, aurait même pu en profiter pour évoquer Maurice Barrès et ainsi faire « carton plein ». Pour ma part, je parlerai de crapulerie intellectuelle. Les « dégonflés de tous poils » donnant des leçons de Défense de la Nation et de Résistance à toutes les compromissions, on croit cauchemarder ! Lamentable ! Merci à Nadine Morano pour son ignorance de la géographie lorraine, car sinon cela aurait été complet. Monsieur Sarkozy est indigne de sa fonction, car il n’a même pas le courage de ses actes !
MB dit
JM Le Pen en 2010: « Nous récusons les matérialismes, qu’ils soient de gauche ou de droite »
Une excellente formule. À ce sujet, j’ai l’impression que les matérialistes sont souvent des idéalistes manipulés qui se concentrent sur un ennemi secondaire: les matérialistes/idéalistes de gauche pensent que la priorité est de résister au matérialisme capitaliste, et les matérialistes/idéalistes de droite pensent que la priorité est de résister au matérialisme niveleur de la gauche.
La division droite/gauche empêche de se consacrer à la vraie priorité, qui est le problème de l’immigration. Il s’agit là d’un conflit ethnique qui n’a rien à voir avec le matérialisme. Il ne faut pas croire que l’UMP défend l’immigration au nom des patrons qui veulent de la main d’oeuvre bon marché, et que le PS défend l’immigration au nom de la défense des classes populaires.
En encourageant l’atomisation de la société et en intimidant les contestataires, le système encourage le matérialisme et le consumérisme… Mais même d’un point de vue strictement matérialiste et pécuniaire, les patrons, les ouvriers, et les classes moyennes ont avant tout intérêt à ce qu’on arrête l’immigration.