Jean-Marie Le Pen tenait, mercredi matin à Saint-Cloud, une conférence de presse consacrée à ce qui apparaît désormais aux yeux du plus grand nombre comme un véritable déni de démocratie : la publication des parrainages des maires pour l’élection présidentielle. Mais de prime abord, très ému, le président du FN a évoqué l’assassinat mardi du dirigeant chrétien libanais Pierre Gemayel, âgé de 34 ans. Rappelant qu’il s’agissait d’un « ami personnel », Jean-Marie Le Pen a indiqué avoir envoyé ses condoléances à la famille de ce dernier, et que seule la rapidité des obsèques a empêché la présence aux funérailles d’une délégation du FN – en l’occurrence ce devait être Jany Le Pen et Elie Hatem – puisque lui-même n’aurait pas eu la possibilité de s’y rendre. Surtout, le candidat à la présidence de la République a invité à la « prudence » et à ne pas tirer de conclusions trop hâtives sur les responsables de cet attentat, « dans l’appréciation d’un évènement qui frappe un pays ami de la France ». Il est « irresponsable » de dire d’ores et déjà que la disparition de Pierre Gemayel « sert les intérêts de tel ou tel pays », Jean-Marie Le Pen soulignant que le mode opératoire de cette exécution, un commando criblant de balles leur cible, tranche sur les méthodes « habituelles » employées au pays des Cèdres, où les assassinats sont le plus souvent commis à l’explosif.
« Manœuvres secrètes »
Concernant le problème des parrainages, Jean-Marie Le Pen a rappelé que « l’article 3 de notre Constitution dispose que le suffrage peut être direct ou indirect, mais il est toujours universel, égal et secret ». Or, « aujourd’hui une véritable conspiration des oligarques lie entre eux les partis installés et les grandes institutions de l’Etat pour empêcher le candidat de l’opposition nationale d’être présent à ce scrutin majeur. […] Les chefs des grands partis de l’établissement, MM. Sarkozy et Hollande, ont appelé les maires de leurs bords à réserver leur signature aux candidats de l’UMP et du PS. Il s’en est suivi un ballet de déclarations contradictoires ». Et le président du FN de citer notamment Bernard Accoyer, président du groupe UMP à l’Assemblée, déclarant le 9 novembre dans un premier temps que les maires devaient être libres de parrainer le candidat de leur choix, « observant à juste titre que donner sa signature ne signifie en aucune façon soutenir les idées de tel ou tel candidat », avant de revenir sur ses déclarations le lendemain, en affirmant « qu’il n’avait jamais envisagé qu’un élu UMP apporte son parrainage à Jean-Marie Le Pen ». Un « revirement » que le candidat à la présidence de la République explique par le fait que « la plupart des leaders politiques, paniqués par ma progression dans les intentions de vote, souhaitent officiellement que je n’aie pas mes signatures, au mépris de la démocratie, du pluralisme et de la liberté de choix des Français ». « Bref, les uns et les autres, craignant le jugement du peuple sur leur action au pouvoir depuis trente ans, seraient ravis d’y échapper par des manœuvres secrètes visant à m’empêcher d’être candidat ».
La publicité contre la liberté d’expression et le pluralisme
Le Conseil constitutionnel, qui est tout sauf un organe politiquement neutre, « est un des rouages de ce projet », a affirmé Jean-Marie Le Pen. Rappelant encore « le coût exorbitant », en temps et en argent, que cette collecte des signatures a imposé au Mouvement national en 2002, il a logiquement dénoncé une nouvelle fois la publication des parrainages. Une publicité « qui contrevient gravement aux principes fondateurs de notre ordre politique, qu’il s’agisse de la liberté d’expression des citoyens ou du pluralisme des courants d’opinion », ce dont convient d’ailleurs « à quelques exceptions près, l’ensemble de la classe politique ». Le président du FN a cité un sondage IPSOS du 20 novembre établissant que « 61 % des maires affirment ne pas avoir l’intention de parrainer un candidat ». Il a noté que « le parrainage est plus un devoir qu’une simple faculté » mais aussi qu’il comprenait « la raison de leur prudence » due aux problèmes posés par les chantages, pressions et menaces dont ils peuvent alors faire l’objet une fois leur nom publié. Une même enquête d’opinion, a-t-il relevé, qui établit pourtant que 42 % des édiles « considèrent que mon absence du scrutin en raison d’un problème de parrainage ne serait pas une bonne chose ».
Empêchons « un recul de civilisation »
Aussi Jean-Marie Le Pen a informé les journalistes qu’il avait fait remettre une lettre à Dominique de Villepin la semaine dernière sur le problème posé par cette publicité des parrainages – lettre jusqu’à présent restée sans réponse… Envoi d’un courrier d’autant plus cohérent que « le Premier ministre lui-même a répété, il y a peu, que tout le monde devait pouvoir s’exprimer et voter pour le candidat de son choix à l’occasion de l’élection présidentielle ». Dans son courrier qu’il a lu in extenso, le candidat a rappelé à M. de Villepin les menaces que ladite publicité des parrainages entraîne « sur les petits élus signataires ». « Le Conseil constitutionnel lui-même a initié certaines manipulations en 1988, en affichant, en toute illégalité, la liste intégrale des parrains de chaque candidat pendant deux jours, sur la façade de son bâtiment ». Une publicité contraire à l’article 3 de notre Constitution et qui « établit une inégalité anti-républicaine ». « En effet, les candidats des formations qui, en raison de modes de scrutin arbitraires, ne disposent pas d’élus, doivent se lancer dans une recherche épuisante et coûteuse, tandis que leurs efforts peuvent être réduits à néant par les pressions des grands partis, particulièrement sur les maires, pour les empêcher de parrainer tel ou tel candidat ». Dans son courrier, Jean-Marie Le Pen évoque aussi la proposition de loi déposée par le sénateur Jean-Louis Masson qui appelle lui aussi de ses vœux l’abrogation de la publication des parrainages. « Le gouvernement dispose de l’ordre du jour des Assemblées, il est tout à fait à temps pour modifier la loi, en supprimant la publication et en confiant à un groupe indépendant de hauts magistrats le contrôle de la sincérité des parrainages », indique encore le président du FN au Premier ministre. Affirmant attendre « avec confiance la réponse de M. de Villepin », Jean-Marie Le Pen a souligné qu’il souhaite, à l’instar de l’opinion, que « tout soit mis en œuvre pour rétablir le fonctionnement des institutions. Nul ne comprendrait en effet, en France et à l’étranger, que le candidat de l’opposition nationale, présent au deuxième tour en 2002 », « ayant dépassé par trois fois les 15 % des voix à l’élection présidentielle », « ne puisse pas se présenter au suffrage des électeurs en 2007 en raison de basses manœuvres des uns ou des autres. Ce serait un recul de civilisation, car rien ne différencierait alors la République Française d’une République sud-américaine des années 50 ! ».