La presse traite le Conseil européen comme si c’était celui où allait se décider le contenu exact du nouveau traité négocié à Bruxelles. En un sens, elle n’a pas tort : les dés sont pipés.
Le mandat de négociation élaboré par Mme Merkel circule sous embargo depuis la veille du sommet. Et ce n’est pas un mandat définissant des orientations pour les futures négociations, mais quasiment une dictée, expliquant en une dizaine de pages où caser un à un les articles de la défunte Constitution européenne. Le document préconise d’évacuer les mots qui pourraient attirer l’attention de l’opinion (Constitution, loi européenne, ministre des Affaires étrangères, etc.), sans toutefois rien changer à leur substance. Dans cet exercice de réécriture, la Charte des droits fondamentaux ne ferait plus l’objet que d’une référence générale, mais deviendrait par là-même contraignante. Seul champ d’improvisation réellement laissé aux gouvernements : la dénomination du ministre européen des Affaires étrangères, pour l’instant appelé “Haut représentant pour la politique étrangère”, étant entendu que ni son statut de ministre, ni ses fonctions, ni son mode de désignation ne sont modifiés ni modifiables.
Premiers reniements
À la lecture de ce texte, on comprend mieux que les gouvernements les plus hostiles à la Constitution européenne ou les plus soucieux de leurs intérêts négocient d’ores et déjà les points qui leur tiennent à cœur. Et l’on comprend aussi pourquoi M. Sarkozy ne s’arcboute pas sur son propre projet de “mini-traité” : il est déjà inclus dans le projet allemand. Tout y est : la présidence fixe, qui privera les États membres de l’accès à la direction de l’Union, les institutions, les procédures de décision à la majorité, qui nous auraient entraîné dans la guerre en Irak si elles avaient existé, la personnalité juridique internationale de l’Union, ainsi promue au rang de super-État, les clauses “passerelles” et de révision simplifiée des traités qui permettent de s’affranchir d’un certain nombre de contraintes démocratiques. Tout ce qui, selon M. Sarkozy, mérite d’être repris car faisant l’objet d’un “consensus” (sic !). Quel consensus ? Ces sujets-là ont été rejetés massivement par les Français et les Néerlandais, de la même manière et avec la même vigueur que la “partie III” de la Constitution, celle consacrée aux politiques de l’Union qui seront également, si l’on en croit le document dont nous parlons, introduites dans le nouveau traité, celle dont M. Sarkozy déclare ne pas vouloir à Paris mais dont il s’accommode à Bruxelles.
Le candidat qui déclarait être celui qui tiendrait ses promesses ne le prouve pas vraiment à l’Europe : ouverture de nouveaux chapitres de négociation avec la Turquie, acceptation en bloc de la Constitution… Voilà les deux premiers reniements. À quand les autres ?
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