Monsieur le Président, permettez-moi de saisir cette occasion pour exprimer une fois de plus notre gratitude pour la magnifique réception qu’ont réservée votre gouvernement et vous-même aux présidents des groupes parlementaires tout récemment à Lisbonne: elle témoigne de votre volonté de travailler sérieusement avec ce Parlement.
Nous ne pouvons qu’approuver un certain nombre de vos objectifs dont l’ambition ne nous surprend pas, entre autres celui de contribuer à résoudre les problèmes de l’Afrique, problèmes qui n’ont fait, il faut bien le reconnaître, que s’aggraver depuis le départ des nations européennes, contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire. Effort également en direction de l’Amérique latine, et notamment du Brésil qui vous est cher et qui vous est proche, tout cela est légitime. Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, je pense que la politique internationale européenne que vous souhaitez développer ne disposera d’une quelconque légitimité et lisibilité que si elle se distingue de celle de la superpuissance hégémonique que sont aujourd’hui devenus les États-Unis d’Amérique.
Je crains, Monsieur le Président, que mon collègue Watson et beaucoup d’autres à sa suite, ne confondent deux choses: d’une part, la nécessaire restauration des libertés économiques à l’intérieur d’une nation ou à l’intérieur d’une zone dont les paramètres sont à peu près les mêmes sur le plan de la protection sociale et, d’autre part, un libre–échangisme débridé qui se traduit par une concurrence parfaitement déloyale à base de dumping social. La vérité, c’est qu’une économie ne se développe dans un premier temps que dans un cadre protecteur, ce qui est vrai pour les grands partenaires du marché mondial que sont aujourd’hui le Japon et la Chine.
Enfin, en ce qui concerne la Conférence intergouvernementale, vous allez devoir appliquer une feuille de route qui vous a été proposée et qui est un véritable manuel de tromperie des électeurs. On garde en effet la substance d’une constitution qui, comme cela vient d’être dit, a été rejetée, et on change le vocabulaire. On abandonne, certes, les mots « constitution », « ministre des affaires étrangères », « loi-cadre », on ne mentionne pas la Charte dans le texte, on se contente de la publier au Journal officiel. Mais on garde l’extension des compétences de l’Union, les votes à la majorité, une présidence unique qui nous priverait aujourd’hui de votre présence, si elle était en vigueur. On garde tout ce à quoi les peuples n’ont pas souscrit et qu’ils rejetteraient très vraisemblablement s’ils étaient convenablement informés.
Monsieur le Président, vous êtes le représentant d’une nation petite par la taille mais ô combien glorieuse par l’immensité de son épopée. Celle-ci n’a été possible que grâce à la lutte constante que le Portugal a toujours menée, dès sa naissance et dans son histoire, pour défendre son indépendance. Je vous en conjure: ne vous faites pas complice de la disparition de ce bien le plus précieux de votre nation et de toutes les nôtres, notre indépendance nationale.