Le colonel Mouammar Kadhafi n’est décidemment pas un « client facile », et les contrats accordés par ce dernier aux entreprises françaises semblent lui donner le droit d’humilier à plaisir le pusillanime Sarkozy. Invité mardi du journal de France 2, le dirigeant libyen a implicitement traité le Président de la République de menteur en démentant les propos de ce dernier affirmant que lors de leur entretien, il lui avait demandé de « progresser sur le sujet des droits de l’Homme ». « Nous n’avons pas évoqué moi et le président Sarkozy ces sujets », a répliqué M. Kadhafi, alors que le secrétaire général de la présidence, Claude Guéant, prétendait lui que ce sujet avait été évoqué à deux reprises lundi entre les deux hommes. Mais M. Kadhafi ne s’est pas arrêté en si bon chemin puisque dans son discours, très applaudi, prononcé au siège de l’Unesco dans la soirée devant plusieurs centaines de représentants des différentes communautés du continent africain installés dans notre pays, il a tancé la France, en estimant que les droits des immigrés sont « violés par les forces de la police ». Quelques jours auparavant, à Lisbonne, lors du sommet Union européenne-Afrique, le colonel Kadhafi avait sommé « les forces coloniales (européennes) », de « dédommager les peuples qu’elles ont colonisés et dont elles ont spolié les richesses ». Agitant l’arme démographique et la menace d’une explosion des flux migratoires en direction de l’Europe, il a proposé le marché suivant : « Soit vous nous rendez nos ressources, soit vous nous invitez dans vos pays ». Une déclaration qui n’a suscité bien sûr que le silence frileux des représentants des pays de l’UE, Sarkozy en tête.
Tartufferies
Le ministre des Affaires étrangères, le socialiste Bernard Kouchner est lui aussi à la peine devant le tollé suscité dans les rangs de l’opposition par la visite du « guide » libyen. Une émotion bien « disproportionnée », a relevé Yves Daoudal dans National Hebdo, nos bonnes âmes socialo-centristes étant en général bien plus silencieuses quand sont reçus dans notre pays les représentants de dictatures autrement plus sanglantes que celle de Tripoli. Reste que le président du groupe PS à l’Assemblée, Jean-Marc Ayrault, a fustigé mardi M. Kouchner, en l’accusant de pratiquer « le comble de la tartufferie » – et M. Ayrault en connaît un rayon dans ce domaine. « Vous séchez toutes les rencontres officielles avec le colonel Kadhafi et en même temps vous justifiez sa visite », a feint de s’indigner le député PS. Bernard Kouchner a répliqué en expliquant que cette visite s’inscrivait dans le cadre d’une « diplomatie française de la réconciliation et de l’ouverture ». Auditionné le même jour par la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, le ministre socialo-sarkozyste a tenu à préciser ce qu’il entendait par « diplomatie d’ouverture », lorsqu’il a été interrogé sur le projet d’Union méditerranéenne défendue par Nicolas Sarkozy lors de ses récents déplacements au Maroc et en Algérie. Le fils du colonel Kadhafi, Seïf el-Islam Kadhafi, ayant déclaré sur le site du Figaro la semaine dernière que ladite Union ne saurait inclure Israël, M. Kouchner a précisé – comme Jean-Pierre Raffarin sur Radio J, deux jours auparavant – qu’« on ne (pouvait) imaginer » ladite Union sans que l’Etat hébreu y soit associé, à l’instar de « la Turquie » et de « la Syrie », ce qui présage des discussions animées… Mais ce débat très théorique sur les contours d’une Union méditerranéenne encore dans les limbes et les contrats signés, ne doivent pas cacher ce qui est peut être l’une des raisons principales de la venue du guide Libyen à Paris. Ali Anzoula politologue et spécialiste de la Libye expliquait dans le quotidien Le Monde que « Kadhafi espère que sa visite à Paris l’aidera à accélérer la normalisation de ses relations avec les Etats-Unis et lui permettra de se rendre à Washington sous peu ». Comprendre en un mot que Sarkozy l’américain prépare le terrain à ses amis de la Maison Blanche, ce rôle de simple intermédiaire prenant sa commission au passage expliquant peut-être la condescendance un brin désinvolte du chef d’Etat Libyen vis-à-vis de son homologue français…
L’ignominie se prépare
Et pendant que l’attention médiatique était concentrée mardi sur les élus de l’UMP ou du PS protestant contre la visite de Khadafi, Bernard Kouchner préparait le même jour les esprits dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale à l’accomplissement d’une véritable forfaiture. En l’espèce « la ratification par voie parlementaire » du mini-traité européen, que le gouvernement Sarkozy souhaite voir adopter « avant le 9 février ». Le ministre des Affaires étrangères a présenté devant ses petits camarades de l’Etablissement les dispositions phares du « traité sur le fonctionnement des institutions européennes », qui sera signé jeudi à Lisbonne par les chefs d’Etat des 27 pays de l’UE. Traité qui par un tour de passe-passe ignominieux reprend dans son intégralité le traité sur la constitution européenne, pourtant nettement rejeté par les peuples français et néerlandais en 2005. M. Kouchner a précisé que le mandat du président du Conseil européen sera porté à deux ans et demi en 2014, que la Commission européenne ne devra plus comporter obligatoirement un commissaire de chaque pays membre, ou encore qu’il sera mis fin à la règle de l’unanimité dans des dizaines de domaines – dont la politique agricole commune – remplacé par le vote à la majorité qualifiée. Autant dire que M. Kouchner a été écouté avec bienveillance par les députés de l’UMPS dont les Etats-majors ont approuvé d’une seule voix ce traité – le projet de loi constitutionnel permettant la ratification de celui-ci sera soumis aux parlementaires en janvier. Parlementaires qui ont d’ores et déjà accepté que 70% des lois qui s’appliquent dans notre pays émanent de Bruxelles.
La grande illusion…se dissipe
Selon un sondage BVA Orange pour l’hebdomadaire l’Express à paraître jeudi, la dégringolade de Sarkozy et son premier ministre potiche Fillon se poursuit dans l’opinion et il semble que nos compatriotes soient de moins en moins disposés à prendre pour argent comptant les promesses du chef de l’Etat. Le pourcentage de bonnes opinions de M. Sarkozy chute de 4 points avec 51% (43% de mauvaises opinions, 6 points de plus qu’en novembre), la popularité du François Fillon recule à 41%, et pour la première fois depuis sa nomination
il se trouve plus de sondés exprimant une mauvaise opinion, 43% (3 points de plus que le mois précédent). Significativement, seuls 17% des Français interrogés (en recul de 5 points) estiment que la politique de l’UMP augmentera leur pouvoir d’achat, et un sondé sur quatre (25%, plus six points) pensent a contrario qu’elle le diminuera, 50% estiment que la politique menée n’y changera rien. A noter que nos compatriotes ne s’illusionnent pas plus sur les capacités du Parti socialiste à les sortir du marasme s’il était au pouvoir : 16% des Français seulement considèrent que le PS ferait mieux, 25% moins bien et 50% « ni mieux ni moins bien ».