Les analystes politiques ont souligné à l’occasion de la visite du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan à Paris –voir notre article du 6 avril-, la prise de distance grandissante de Nicolas Sarkozy vis-à-vis de la Turquie, notamment en ce qui concerne l’adhésion de ce pays à l’UE, ce qui reste officiellement toujours un objectif pour Ankara. Le « retour aux fondamentaux » promis par la droite UMP après la lourde défaite des régionales peut expliquer la communication de l’Elysée sur ce sujet. Pour complaire à son électorat, M. Sarkozy a tenu à faire passer le message de son refus assez ferme de voir ce pays asiatique et musulman intégrer l’Europe. Mais les propos très virulents de M. Erdogan ces derniers mois vis-à-vis d’Israël, son sensible repositionnement géopolitique dans un sens beaucoup moins favorable à l’axe Washington- Tel Aviv –voir notre article du 30 mars- joue très certainement un rôle dans cette froideur affichée dans les relations franco-turques.
A Paris hier mercredi, le premier ministre turc a de nouveau attaqué la politique de l’Etat hébreu. « C’est Israël qui est la principale menace pour la paix régionale (…).Si un pays fait usage d’une force disproportionnée, en Palestine, à Gaza, utilise des bombes au phosphore, nous n’allons pas dire bravo. Nous lui demandons comment il peut agir de la sorte ». M Erdogan a également fait allusion au rapport juge sud-africain Richard Goldstone, qui a accusé des groupes palestiniens, mais surtout Israël, d’avoir commis des crimes de guerre pendant l’Opération Plomb durci dans la bande de Gaza.
Un discours qualifié de « violent » par les medias français mais qui est peu ou prou de la même nature que la dernière intervention dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, le 24 mars dernier, d’ Hervé de Charette, député centriste et ancien Ministre des Affaires Etrangères, lorsqu’il a interpellé Bernard Kouchner sur le conflit israélo-palestinien.
Concernant l’adhésion de la Turquie à l’Europe, M Erdogan a déclaré « ne pas (désespérer) de voir « M. Sarkozy « réviser son approche ». Dans cette optique il a demandé l’aide de la communauté turque, dont 6000 membres étaient venus l’écouter au Zénith de Paris. Une communauté en pleine expansion sur notre territoire ces dernières années, a laquelle il a demandé franchement de jouer en quelque sorte le rôle d’une « cinquième colonne ».
Accueilli dans une salle en délire sous une forêt de drapeaux turcs, Recep Tayip Erdogan a été très clair : « Chacun d’entre vous êtes les diplomates de la Turquie, chacun, s’il vous plaît, apprenez la langue du pays dans lequel vous vivez, soyez actifs dans la vie culturelle, sociale du pays où vous vivez (…). La France vous a donné le droit à la double nationalité: pourquoi vous ne la demandez pas ? Ne soyez pas réticents, ne soyez pas timides, utilisez le droit que la France vous donne. Prendre un passeport français ne vous fait pas perdre votre identité turque ».
Enfin, comme il l’avait déclaré à la diaspora turque vivant en Allemagne et comme il l’a rappelé dernièrement à l’occasion de la visite de la chancelière allemande Angela Merkel, M. Erdogan a insisté sur son refus farouche de l’assimilation. « Personne ne peut vous demander d’être assimilés. Pour moi, le fait de demander l’assimilation est un crime contre l’humanité, personne ne peut vous dire: renonce à tes valeurs ».
Dans cette même optique communautariste, M. Erdogan a proposé en France, comme il l’a fait pour l’Allemagne qui accueille la plus grosse communauté turque d’Europe, la création d’établissements scolaires ottomans en France…