Le parti sarkozyste rattrapé par les « affaires ». Si le sénateur-maire UMP de Saint-Jean-Cap-Ferrat, René Vestri, a été mis en examen hier pour « blanchiment à titre habituel et en bande organisée, trafic d’influence et association de malfaiteur », dans le cadre d’une affaire de corruption présumée sur la Côte d’Azur, ce sont logiquement les accusations portées contre Edouard Balladur qui ont fait sensation. L’ex Premier ministre (1993-1995) et candidat à la présidence de la République en 1995 sera entendu aujourd’hui à sa demande par la mission d’information parlementaire sur l’attentat de Karachi en mai 2002. Une audition rendue nécessaire par l’article de Libération lundi qui tendrait à démontrer que dans le cadre de cette campagne présidentielle il y a quinze ans, M. Balladur aurait reçu 10 millions de francs (1,5 million d’euros) en espèces provenant de rétrocommissions occultes liées à la vente de sous-marins français au Pakistan. Le grand argentier de la campagne avait ainsi vu arriver sur le compte cette somme en billet de 500 francs, censée provenir de la quête effectuée à la sortie des meetings balladuriens…
La justice antiterroriste française enquête toujours sur l’attentat de Karachi. L’attaque du bus convoyant des employés des Français travaillant pour la Direction de la construction navale (DCN) qui avaient vendu ces sous-marins, avait causé la mort de 14 personnes, dont 11 de nos compatriotes. L’hypothèse d’une vengeance liée au non-versement de commissions promises dans le cadre du contrat signé par la DCN a été évoquée. Ecartant la piste d’ Al qaïda, qui comme d’habitude a le dos large, le juge d’instruction antiterroriste chargé de l’enquête, Marc Trévidic, s’interroge plutôt sur d’éventuelles représailles pakistanaises après l’arrêt des versements de commissions attachées à ce contrat, signé en 1994 et baptisé Agosta – décidé par Jacques Chirac après son élection en 1995.
Hier l’avocat des familles de victimes, Me Olivier Morice, avait accusé M. Balladur de mentir et annoncé qu’il demanderait aussi son audition, mais devant le juge Trévidic qui réclame une vaste déclassification des documents afin qu’il puisse faire la lumière sur cette affaire. Le porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre a tenu pour sa part à minimiser les révélations de Libération, en parlant mardi sur France 2 d’ « allégations » et de « rumeurs ».
Car à travers l’ex Premier ministre, c’est à l’évidence Nicolas Sarkozy qui est principalement visé, en tant qu’ex ministre du Budget du gouvernement Balladur et porte-parole de la campagne présidentielle de ce dernier. Le porte-parole du PS, Benoît Hamon, n’a pas manqué de souligner mardi sur TV5 Monde à propos des « commissions » liées alors à la vente des sous-marins » qu’il « (imaginait) que dans le cadre de marchés comme cela, dès lors qu’elles sont versées à des intermédiaires pour faciliter l’obtention de contrats, le ministre du Budget (M. Sarkozy) ne peut pas ne pas être au courant ».
La question qui se pose est maintenant de savoir qui a « balancé » les informations relayées par Libération et pourquoi maintenant ? Voilà en tout cas une affaire qui ne doit pas être pour déplaire à Dominique de Villepin après l’épisode Clearstram, au moment où l’instrumentalisation de l’affaire nantaise de polygamie et la question de la burqa a permis au chef de l’Etat d’opérer un léger redressement dans les sondages. M Sarkozy se hisse même en tête au premier tour de la prochaine présidentielle de 2012 selon l’enquête de l’observatoire de BVA pour Orange, L’Express et France Inter publié mardi. Jusqu’à quand ?