La jeunesse européenne est particulièrement touchée par le fléau de la drogue. Selon un sondage réalisé par le ministère de l’Intérieur l’année dernière, les adolescents français seraient les premiers consommateurs de cannabis d’Europe et 38% des 15-16 ans auraient expérimenté au moins une fois cette drogue. Au-delà du cas des drogues dites « douces », les pouvoirs publics doivent affronter un retour en force de l’héroïne en provenance principalement d’Afghanistan, le « boom » de la consommation de cocaïne en Europe, nouveau marché porteur des cartels sud-américains, mais aussi l’arrivée sur le marché de nouveaux produits de synthèse aux effets particulièrement destructeurs. Selon Interpol le chiffre d’affaire du narcotrafic est estimé à 300 milliards de dollars, soit dix fois plus que le commerce des armes et le double des revenus de l’OPEP.
On le constate quotidiennement la drogue génère au sein des sociétés, une criminalité incontrôlable, comme l’atteste en France nos cités « plurielles ». Problème avant tout d’ordre politique et social, cette « démocratisation » à partir des années soixante de la consommation de stupéfiants, trouve sa source dans le vide intérieur d’une certaine jeunesse privée d’idéal, de repères, à laquelle notre société marchande et matérialiste n’offre qu’un monde désenchanté. D’une aliénation l’autre…
Au-delà des réseaux de trafiquants qui fonctionnent basiquement comme des multinationales tentant d’étendre leurs parts de marché, les stupéfiants sont un instrument à part entière de la guerre subversive, transversale dont est victime notre continent de la part de ses ennemis et adversaires. Source de nombreux conflits en Asie, en Afrique en Amérique latine, la drogue profite à des mafias à la tête d’empires financiers capables de déstabiliser des pays par la corruption, mais aussi à des mouvements terroristes, voire à des Etats.
Nous évoquions il ya peu sur ce blogue la complaisance de fait des Etats-Unis en Afghanistan vis-à-vis des producteurs et trafiquants d’opium présents dans le premier cercle du président Afghan Hamid Karzaï. Et dans la guerre indirecte opposant Washington à Moscou, d’aucuns n’hésitent pas à dire que l’Oncle Sam utilise l’opium pour affaiblir la Russie –via les mafias tchétchènes et caucasiennes qui chapeautent la distribution- mais aussi la Chine. La lutte contre les réseaux tchétchènes de la drogue fut d’ailleurs une des causes de l’intervention militaire russe en Tchétchénie.
Un article paru sur le site fdesouche rapporte les inquiétudes et les accusations précises des officiels russes. « Victor Ivanov, directeur du Service fédéral de contrôle de la drogue FSKN) déclara au Conseil OTAN-Russie (COR), le 23 mars à Bruxelles, que le déferlement de drogue venant d’Afghanistan dépasse tout ce qu’on peut imaginer. Un million de personnes auraient succombé depuis 2001 (lorsque la guerre fut déclenchée et l’Afghanistan occupé par les troupes des Etats-Unis et de l’OTAN) du fait des produits opiacés venant de l’Hindou Kouch ( zone à cheval entre l’Afghanistan et le Pakistan, NDLR) . Selon Ivanov : «Toutes les familles sont touchées directement ou indirectement. 21% de l’héroïne répandue dans le monde, venant d’Afghanistan, ont été déposés sur les marchés noirs de Russie, et malgré tous les efforts entrepris par Moscou, la tendance est croissante (…)».
« Le directeur du service de la santé russe, le docteur Gennadij Onichtchenko, a déclaré qu’en Russie mouraient chaque année, du fait de la consommation de surdoses d’héroïne, entre 30 000 et 40000 jeunes gens. A cela il fallait ajouter 70.000 décès dus aux maladies collatérales provoquées par une surconsommation de drogue (Sida, septicémie, etc.). On estime à 2 millions, voire 2 millions et demi, d’individus des jeunes générations entre 18 et 39 ans étant accrochés à la drogue, 550.000 sont enregistrés officiellement. Chaque année, 75.000 nouveaux toxicomanes apparaissent, essentiellement des étudiants et de jeunes diplômés (…) ».
« On se permet de supposer que les services secrets américains organisent eux-mêmes ce trafic. Il est vrai qu’Ivanov avait proposé au Conseil OTAN-Russie, à Bruxelles, de faire détruire au moins 25% des surfaces afghanes de culture de l’opium. Cependant, l’OTAN, dominée par les Etats-Unis, refusa. James Appathurai, porte-parole de l’OTAN, s’exprima cyniquement envers les journalistes: «Nous ne pouvons pas anéantir la seule source de revenus pour des gens qui vivent dans le deuxième pays le plus pauvre du monde, alors que nous n’avons pas d’alternative à leur offrir.»
.«Avant la guerre est-il encore indiqué, sous le régime des Talibans, la culture du pavot en Afghanistan était étroitement contrôlée. Le pavot n’était autorisé que comme aliment. Qui le transformait en drogue, et diffusait celle-ci, risquait la peine de mort. La part de vente d’héroïne sur le marché mondial ne dépassait pas les 5%. Cela étant, les paysans afghans n’étaient pas plus pauvres qu’aujourd’hui.Il en alla de même lors de l’attaque soviétique et du gouvernement communiste en Afghanistan, la production de drogue étant réduite à sa plus simple expression. Elle ne prit son élan que lors de la subversion causée par les Etats-Unis (soutien et armement des Moudjahidin du peuple, ce qui donna plus tard les Talibans) ».
« Le marché afghan vendit, l’année dernière, du pavot pour 3,4 milliards de dollars US (source : J. Mercille de l’Université de Dublin). Les paysans n’en gardèrent que 21% ; les 75% restant furent encaissés par les alliés corrompus des Etats-Unis et par l’OTAN : des fonctionnaires gouvernementaux, la police locale, des marchands régionaux et des transitaires. 4% revinrent, comme de bien entendu, aux Talibans, sous l’œil bienveillant de l’OTAN. Car l’ennemi doit être maintenu en vie – dans l’intérêt d’une présence sans faille des Etats-Unis. Comprenne qui pourra ! La Russie en appelle en vain aux décisions de l’ONU, qui contraignent tous les Etats de s’engager contre le marché noir de la drogue. On comprend alors la colère d’Ivanov envers le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, à Bruxelles, l’OTAN s’étant tout simplement refusé d’entreprendre quoi que ce fût contre la culture du pavot en Afghanistan ».
Au-delà des accusations très graves portées ici, rappelons encore que depuis la guerre de l’Opium menée en Chine par les britanniques (1839- 1859), les Etats-Unis furent le seul pays dans les années 80 à procéder à des opérations militaires unilatérales -en Bolivie et au Pérou- contre la pénétration de drogue sur son territoire. Mais la lutte affichée du bien contre le mal souffre comme d’habitude d’exceptions. Les alliés stratégiques de Washington, comme le Pakistan notamment, échappent à la mise à l’index par les Etats-Unis qui pointent chaque année les pays accusés de ne pas faire d’efforts en matière de lutte contre la drogue, comme l’Iran et la Syrie…