L’annonce du plan sans précédent d’un montant de 750 milliards d’euros destiné aux pays de la zone euro en difficulté ne suffit pas à calmer l’inquiétude des marchés devant l’ampleur inattendue des déficits publics . Un aide conjointe de l’UE et du Fonds monétaire international (FMI) qui n’a suscité qu’une euphorie très passagère sur les places boursières mais qui sera payé au prix fort par les Européens. Il est vrai que les peuples ont rarement eu l’occasion de se féliciter de l’intervention du FMI. Une structure sous domination américaine et au service des grands créanciers fortement délégitimée ces dernières années -ces trois derniers directeurs ont démissionné avant la fin de leur mandat- mais qui, « divine surprise » , opère un retour en force à la faveur de la crise actuelle…
Comme le notait le prix Nobel d’économie en 2001 Joseph Stiglitz dans son ouvrage La grande désillusion (2002), « si l’on examine le FMI comme si son objectif était de servir les intérêts de la communauté financière, on trouve un sens à des actes qui, sans cela, paraîtraient contradictoires et intellectuellement incohérents »…
Communauté financière bien achalandée en chacals et autres vautours. Certes, cela n’exonère pas la classe politicienne de ses terribles fautes, mais le Premier ministre grec Georges Papandréou a de nouveau pointé dimanche la « grande responsabilité » des banques d’investissement américaines dans la crise grecque. Il n’a pas écarté une action en justice contre les établissements concernés. Une nocivité soulignée par le documentaire « Inside Job » du réalisateur américain Charles Ferguson, présenté samedi au festival de Cannes, qui revient pour sa part sur les pratiques de Wall Street et de certains traders, accusés ici d’être à la genèse de la crise des subprime.
Dans ce contexte, la monnaie européenne a chuté vendredi à son plus bas niveau depuis fin octobre 2008 (1,2355 dollar). Le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, a avoué que les marchés se trouvent depuis septembre 2008 dans « la situation la plus difficile depuis la Deuxième guerre mondiale ». Une inquiétude que la déclaration de Paul Volcker, un conseiller économique du président américain Barack Obama, n’a pas contribué à minorer en évoquant, comme d’autres économistes avant lui, la probabilité d’une « désintégration » de l’euroland. Aujourd’hui les ministres des finances de l’Eurogroupe) se retrouvent à Bruxelles pour trouver des solutions afin de maintenir le vaisseau à flot. Et ce, alors qu’une large partie du monde économique pointe les effets désastreux des mesures d’austérité sur la consommation des ménages et partant, sur la croissance.
Samedi à Zagreb, le commissaire européen chargé des Affaires monétaires, Olli Rehn, a exhorté les marchés à maintenir leur confiance à l’entité Bruxelloise : « nous ferons ce qu’il faudra pour défendre l’euro. Il est important que les marchés comprennent que nous sommes sérieux dans notre défense de l’euro, et de la stabilité financière au sein de la zone euro », a-t-il déclaré. Manière une nouvelle fois de mettre un terme aux rumeurs selon lesquelles le président Nicolas Sarkozy aurait mis dans la balance une éventuelle sortie de la France de la zone euro pour obliger Angela Merkel à accepter le plan de sauvetage de la Grèce !
Dans un entretien dans le quotidien Le Monde –repris sur le site Altermedia-, Thorsten Polleit chef économiste de Barclays Capital en Allemagne se montre plus que dubitatif sur l’efficacité du plan en question. Persuadé que les prêts faits à la Grèce par Berlin « ne seront jamais remboursées », M. Polleit estime plus largement qu’ « on ne peut pas résoudre le problème par de l’endettement supplémentaire. Pour soutenir certains pays pris dans une crise de dette, les gouvernements vont devoir emprunter encore. Ce n’est pas une solution ». Il estime par ailleurs que si ce plan écarte « dans l’immédiat » le risque de contagion de la crise grecque, « c’est la qualité de crédit des Etats bien notés qui en subira les conséquences. Les conditions d’emprunt des pays prêteurs vont sans doute se dégrader. En fait, le problème ne fait que se déplacer et risque, à terme, de s’aggraver ».
Thorsten Polleit souligne également que « si les Etats ne trouvent pas le moyen de réduire leur endettement qui atteint souvent des niveaux insoutenables, l’euro est sérieusement menacé. La création de la monnaie unique a été une vaste expérimentation dont l’issue est aujourd’hui très incertaine. Surtout si les choses continuent ainsi, avec certains pays condamnés à payer encore et encore des sommes toujours plus importantes »…