Le remède aurait été pire que le mal : c’est en substance ce que François Fillon a expliqué en début de semaine au groupe UMP en refusant de donner son accord pour l’élection des conseillers territoriaux à un scrutin sélectionnant seulement deux candidats au second tour. Ce refus du Premier ministre rend extrêmement probable que la possibilité des triangulaires au second tour des législatives soit maintenue. « Au grand dam des futurs sortants qui craignent une triangulaire avec le Front national en 2012 » explique un article du Figaro. François Fillon avait déjà tenté au début du mois de dissuader le bureau politique de l’UMP sous l’égide de son secrétaire général, Xavier Bertrand, de trancher en faveur d’un « scrutin majoritaire à deux tours secs » mais il n’avait pas été entendu et 200 députés UMP s’étaient officiellement prononcés pour la suppression des triangulaires.
Au final, Nicolas Sarkozy, par la voix de M. Fillon a donc rappelé tout le monde à l’ordre et à la raison en invitant sa majorité à suivre les consignes alors que débute vendredi l’examen de la réforme des collectivités locales, soit cette fameuse élection des futurs conseillers territoriaux – à deux tours avec triangulaires – et leur répartition par départements, pour remplacer, en 2014, les 6000 conseillers régionaux et généraux actuels.
Comme le rapporte Le Figaro, « les députés (UMP) savaient déjà que Nicolas Sarkozy répugnait à un changement aussi radical dans les habitudes électorales des Français. Il aurait pu s’en remettre à la sagesse des élus UMP, comme l’y incitait leur patron Jean-François Copé, mais il a finalement jugé que la majorité aurait plus à perdre qu’à gagner dans cette aventure. Le premier ministre, convaincu dès le départ que c’eût été une folie, s’est fait un plaisir de l’expliquer aux intéressés. La discussion a été pour le moins animée. On va perdre la majorité et je serai l’une des victimes!», s’est exclamé Pierre Lang, qui est menacé par le FN en Moselle. Sur un mode plus posé, son voisin de circonscription François Grosdidier a rappelé que la gauche avait gagné les législatives de 1997 grâce aux triangulaires. Si on passe ric-rac à la présidentielle , a-t-il prévenu, on risque cinq ans de cohabitation.»
«Oui, mais si on supprime les triangulaires, beaucoup des nôtres en pâtiront», a rétorqué André Flajolet. Cet élu du Pas-de-Calais s’est dit convaincu que dans plein de circonscriptions, c’est le FN qui arrivera en deuxième position derrière le PS. Le premier ministre a clos le débat en expliquant à ses troupes que la suppression des triangulaires serait dangereuse politiquement. Il leur a aussi rappelé que l’UMP n’avait pas la majorité au Sénat, où elle ne peut pas faire adopter de texte sans un apport de voix centristes. Or, le Nouveau Centre est farouchement hostile aux deux tours secs, qui réduiraient à néant ses velléités d’indépendance par rapport à l’UMP ».
Bref , l’UMP est confrontée à la quadrature du cercle : pas facile de porter un mauvais coup au FN sans nuire aux petites formations alliées du parti sarkozyste, chargées traditionnellement de rabattre les voix, notamment en 2012 vers le très probable candidat Sarkozy à la présidentielle, et de gonfler les rangs de la majorité à l’Assemblée nationale en cas de victoire. « Selon toutes probabilités, le Secrétaire général du parti (Xavier Bertrand) s’inclinera devant la décision présidentielle. Tout comme le chef des députés, Jean-François Copé, qui avait perdu les législatives de 2007 en triangulaire avec le Front national » affirme Le Figaro . Nous noterons que l’analyse formulée par le FN et dernièrement encore par Bruno Gollnisch et le président du FN selon laquelle que « chaque fois que les pouvoirs aux abois ont voulu changer les systèmes électoraux dans l’espoir d’échapper » à une déculotté électorale, la « manœuvre s’est retournée contre eux » a été entendue. Jean-Marie Le Pen affirmait tout aussi imparablement que la suppression des triangulaires « sera ressenti par le corps électoral et les citoyens français évidemment comme une manœuvre anti-démocratique. Ils s’en vengeront et ça coûtera très cher à l’UMP ! ».