Si les syndicats ont eu hier de la peine à mobiliser sur le thème des retraites, sujet d’inquiétude bien légitime pour les Français, les économistes s’interrogent plus largement sur la pérennité du « modèle » économique européen et de la « monnaie unique ». Le dernier numéro de Daoudal hebdo s’est opportunément fait l’écho de l’article de Philippe Simonnot, directeur de l’Atelier de l’économie contemporaine et Directeur du séminaire monétaire de l’Institut Turgot, publié sur le site de l’institut en question (turgot.org) . Certes, nous ne partageons pas la philosophie générale de ce think-thank libéral qui n’est pas de notre « paroisse », mais l’analyse formulée ici, à l’instar de celle de Vaclav Klaus publiée également sur turgot.org, n’en est pas moins pertinente.
« Il y a vingt ans, relève M. Simonnot, le bloc soviétique s’effondrait (…) sous le poids de ses propres contradictions économiques, comme eût dit Karl Marx lui-même (…). Les mêmes lois permettent d’annoncer l’effondrement de l’Europe, la crise de l’euro en étant le signe avant-coureur (…) ».
« Aujourd’hui, les marchés anticipent, non pas seulement les conséquences désastreuses au jour le jour des remèdes censés hâter la fin de la crise financière démarrée aux Etats-Unis il y a déjà deux ans, mais aussi et surtout l’incapacité de l’Europe à affronter le marché mondial, handicapée qu’elle se trouve par le fardeau des dettes publiques qui ont fait un énorme bond en avant grâce aux remèdes susdit (…). L’auto-destruction d’un Etat-Providence engendrant moins d’enfants et plus de chômeurs, moins d’épargne et plus d’impôts, est aussi prévisible au bout de deux ou trois générations que le fut la faillite du système soviétique, et si les politiques le nient ou le dénient, les marchés, eux, le savent fort bien et en tiennent compte ».
« A vrai dire, les politiques ont conscience de cette (d)échéance prochaine. Si le président de la République française se précipite au chevet de la Grèce, s’il pousse à l’instauration d’une improbable gouvernance économique européenne, si en même temps il se hâte de faire aboutir l’ultime réforme des retraites, quel qu’en soit le prix électoral, c’est pour tenter de prévenir une dégradation humiliante de la note de la France sur les marchés financiers, qui se traduirait par un alourdissement supplémentaire de la dette et une claque énorme sur le plan politique, et personnel ». « A moins d’un miracle (…) que rien ne permet d’attendre (…) la dégradation de l’Etat français est inéluctable puisque la dette publique actuelle n’est tout simplement pas soutenable. Ce qui vaut ici de la France peut être dit pour la plupart des Etats européens, embourbés dans les mêmes ornières » affirme Philippe Simonnot.
Le site de l’institut Turgot relaye également les réflexions sur l’euro du très eurosceptique Président tchèque Vaclav Klaus, tirées d’un article publié en avril dernier dans l’hebdomadaire Ekonom. « La création de la zone euro expose-t-il, a été présentée comme un avantage économique indiscutable à tous les pays disposés à renoncer à leur propre monnaie existant depuis des décennies ou des siècles. Des études (…) promettaient que l’euro permettrait d’accélérer la croissance économique et de réduire l’inflation, et insistaient tout particulièrement sur le fait que les États membres de la zone euro seraient protégés contre toutes sortes de perturbations économiques défavorables ou de chocs exogènes».
Or, « après la création de la zone euro, la croissance économique de ses États membres a ralenti par rapport aux décennies précédentes, creusant ainsi l’écart entre la vitesse de la croissance économique dans les pays en zone euro et des grandes économies comme les Etats-Unis et la Chine, des petites économies en Asie du Sud et de certaines parties du monde en développement, ainsi que des pays d’Europe centrale et orientale qui ne sont pas membres de la zone euro (…). Selon les données de la Banque centrale européenne, la croissance économique annuelle moyenne dans les pays en zone euro était de 3,4 pour cent dans les années 1970, de 2,4 pour cent dans les années 1980, de 2,2 pour cent dans les années 1990 et seulement 1,1 pour cent entre 2001 à 2009, la décennie de l’euro. Un ralentissement semblable ne s’est pas produit ailleurs dans le monde ».
« La convergence attendue des taux d’inflation des pays de la zone euro elle-même n’a pas eu lieu » relève encore le président tchèque, « la création de la zone euro n’a donné lieu à aucune homogénéisation des économies des États membres. En s’accentuant, la crise financière et économique mondiale a dévoilé tous les problèmes économiques dans la zone euro – elle n’en est pas la cause ». .
Toutefois, si la zone monétaire qui comprend 16 pays européens « n’est pas la zone monétaire optimale », s’il est « inévitable que ses coûts d’établissement et de maintien dépassent ses avantages », Vaclav Klaus souligne que la création de la monnaie unique répond avant tout à des considérations idéologiques. « L’ancien membre du Conseil exécutif et économiste en chef de la Banque centrale européenne, Otmar Issing, a souligné à plusieurs reprises (…) que la création de la zone euro a été principalement une décision politique (…). Tant de capital politique a été investi dans l’existence de l’euro et son rôle de ciment qui lie l’UE sur la voie de la supranationalité que dans un avenir proche la zone euro ne sera sûrement pas abandonnée analyse-t-il. Elle continuera, mais à un prix extrêmement élevé qui sera payé par les citoyens des pays de la zone euro et, indirectement, par les Européens qui ont gardé leur propre monnaie (…) ».
« Pour résumer conclut-il, l’union monétaire européenne ne risque pas d’être abolie. Le prix de son maintien toutefois, continuera à croître ». Une vérité que les européistes de droite comme de gauche et leurs relais médiatiques s’efforcent de camoufler désespérément à nos compatriotes. Mais « les faits sont têtus » disait le camarade Lénine et comme le notait Abraham Lincoln, « vous pouvez tromper quelques personnes tout le temps. Vous pouvez tromper tout le monde un certain temps. Mais vous ne pouvez tromper tout le monde tout le temps ». C’est aussi cette certitude qui doit être pour l’opposition nationale un aiguillon supplémentaire dans sa longue marche vers le pouvoir…