Lundi, les forces de l’Otan en Afghanistan (ISAF) ont connu leur journée la plus meurtrière depuis août 2008 avec le décès officiel de dix soldats. Un sous-officier français du 2éme REP a également trouvé la mort au combat –le troisième au sein de ce régiment d’élite- portant à 43 le nombre des pertes françaises depuis le début des opérations militaires de la « Coalition ». Comme l’a rappelé dernièrement le chef d’état-major interarmées américain, l’amiral Michael Mullen, « J’ai dit à nos troupes de se préparer à plus de combats et à plus de pertes », car « l’insurrection est devenue plus violente, plus étendue, plus sophistiquée » et les talibans « plus efficaces ».
L’opposition du FN à l’engagement de nos soldats pour appuyer le régime d’Hamid Karzaï mis en place et soutenue jusqu’alors par Washington, est connue. Le 9 avril dernier, nous notions que la seule question qui mérite d’être posée est de savoir si les intérêts géopolitiques des Etats-Unis sont forcément les nôtres. En un mot pour quoi et pour qui le sang français coule ? Et pour quel résultat ?
Le blog Secret défense fait état d’ un article du Time magazine qui rapporte le doute des experts sur la crédibilité de l’objectif affiché consistant à porter, l’Armée nationale afghane (ANA) à 172 000 hommes en 2011 contre moins de 120 000 aujourd’hui, sachant que l’ ethnie Pachtoune, majoritaire dans le pays, ne représente que 3% des effectifs… « Le coût de la mise en place de cette ANA s’élève déjà à 26 milliards de dollars Et la somme augmente d’un milliard tous les mois… Sans compter le coût de l’entrainement, Time assure que le simple entretien (soldes, habillement, nourriture…) revient à six milliards de dollars par an. L’impôt sur le revenu rapporte à peine un milliard au gouvernement de Kaboul… ».
Et s’il a été annoncé que le nombre des soldats non afghans de l’Isaf doit passer cet été de quelque 130 000 à environ 150 000 hommes -dont deux tiers d’Américains- le Time précise que « le théoricien de la contre-insurrection John Nagl estime qu’il faudrait un militaire ou policier pour cinquante habitants, si l’on veut obtenir un résultat sur le terrain. Soit près de 600 000 hommes » !
Or, est-il encore expliqué, « le corps des officiers est fracturé par les rivalités: les vétérans de l’ère soviétique contre les anciens rebelles moudjahidines qu’ils combattaient dans les années 80, Tadjikds contre Ouzbeks, Hazaras ou Pachtounes. Les commandants volent régulièrement les soldes de leurs hommes. Les soldats rackettent les civils aux check-points et revendent au bazar, et parfois aux talibans, les bottes, couvertures et armes fournies par les Américains. Sans surprise, les Afghans s’enfuient quand ils voient l’armée arriver. Les recrues désertent après leur première permission, alors qu’un quart de ceux qui restent sont sous l’emprise du haschish ou de l’héroïne, selon une enquête interne de l’ANA. Un officier letton de l’Otan raconte que trois officiers afghans se sont tirés des balles dans le pied pour être évacués lorsqu’ils ont appris que leur bataillon allait être réengagé ».
« Reprenant les propos anonymes de plusieurs responsables de la coalition, l’hebdomadaire américain estime que l’armée afghane pourrait s’effondrer comme un château de cartes » .Dans ce contexte, le site contre info a publié et traduite une analyse d’Eric Margolis parue le 11 avril dernier dans le Toronto sun, qui relevait que Washington ne cache plus son malaise grandissant vis-à-vis de sa « marionnette » Karzaï, sachant que « les États-Unis continuent de faire la même erreur en recherchant des clients dociles plutôt que des alliés qui soient réellement légitimes et populaires ».
Président afghan qui n’a pas hésité à déclarer que « les USA occupaient l’Afghanistan pour dominer la région de la mer Caspienne, riche en énergies, et non en raison des talibans ou de l’inexistante Al-Qaida. Karzai a déclaré que les talibans « résistaient à l’occupation occidentale » et « affirmé en plaisantant à demi qu’il pourrait rejoindre les talibans » (…).
« Karzaï sait que le seul moyen de mettre fin au conflit en Afghanistan est de donner sa place à la majorité pachtoune de la nation et à son bras armé, les talibans. Le compromis politique avec les talibans est la seule – et inévitable – solution ». Mais les Etats-Unis ont contrecarré les pourparlers de paix de Karzaï en obtenant du Pakistan – qui a reçu 7 milliards de dollars US – l’arrestation de hauts responsables talibans réfugiés dans le pays qui participaient aux négociations de paix en cours avec Kaboul ».
« Cette volonté d’émancipation de Karzaï « est due au fait que l’Inde et la Chine sont impatientes de prendre la place de la domination US/OTAN/Anglaise sur l’Afghanistan. L’Inde déverse de l’argent, des armes, envoie ses agents en Afghanistan et forme les forces gouvernementales. La Chine, plus discrètement, entre en scène pour exploiter les richesses minières récemment découvertes en Afghanistan, qui sont d’une valeur de 1000 milliards de dollars, affirme Karzai s’appuyant sur une étude géologique effectuée par l’administration US ».
« La Russie, qui n’a toujours pas digéré sa défaite des années 1980 en Afghanistan, observe les vicissitudes de l’Amérique avec une évidente réjouissance, non dépourvue d’un désir de se venger quelque peu. Moscou a ses propres ambitions en Afghanistan »…