Alors que le conflit israélo-palestinien revient sur le devant de l’actualité –mais l’a-t-il un jour vraiment quitté ?- , le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) a reconduit hier Richard Prasquier à sa tête pour trois ans. Cependant et c’est une première, son challenger Meyer Habib, vice-président du Crif, ne s’est pas contenté de faire de la figuration. « Ce proche du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu », qui reprochait à M Pasquier un contact « relâché » avec les « plus hautes instances du pays »( ?!) et de ne pas assez bien relayer la diversité des positions qui s’expriment au sein du Crif, a obtenu 61 voix contre 106 au président sortant.
Ce virage du Crif vers des positions plus dures, notamment vis-à-vis de la montée en puissance en France du « lobby » arabo-musulman, a été symbolisé dernièrement par l’élection triomphale de l’avocat Willian Goldnadel, très proche de M. Netanyahu, au comité directeur du Crif en début d’année, ce qui a suscité « l’émotion » des personnalités de gauche de la communauté juive. Me Goldnadel, « invité personnel de Nicolas Sarkozy lors du voyage de ce dernier en Israël en juin 2008 », indiquait le JDD le 30 janvier dernier, n’a pas hésité en effet « à assurer la défense d’Anne Kling, responsable du parti régionaliste et identitaire Alsace d’abord ainsi que celle de l’essayiste italienne Oriana Fallaci, qui avait notamment écrit dans « La Rage et l’Orgueil » (Plon, 2002): Il y a quelque chose, dans les hommes arabes, qui dégoûte les femmes de bon goût. Goldnadel, qui revendique une ascendance de gauche, aime tutoyer les limites, jusqu’à approcher par le passé Jean-Marie Le Pen ou l’écrivain Alain Soral et dialoguer avec eux ». Quelle audace !
Ce raidissement, s’observe aussi chez d’autres figures marquantes de la communauté juive de France, à l’instar du philosophe Alain Finkielkraut, lequel ne manque cependant jamais de dire tout le mal qu’il pense du Front National. Car ce tir de barrage contre les conséquences d’une certaine immigration, s’exprime la plupart du temps au nom des seuls intérêts de l’Etat d’Israël, ce qui ne saurait être bien évidemment la préoccupation première des patriotes et nationalistes français, et plus largement l’alpha et l’oméga de notre politique étrangère…
M. Finkielkraut est intervenu samedi soir en ouverture de la 7e conférence sur l’enseignement de la Shoah, organisé par le mémorial de Yad Vashem à Jérusalem. Conférence qui arrive à point nommé pour un Etat hébreu sous le feu des critiques depuis son interception de la « flottille humanitaire » au large de Gaza et soucieux de rappeler sa spécificité historique. Le philosophe rapporte l’Afp, a ainsi déploré à cette occasion « que l’enseignement de la Shoah, notamment dans les écoles, soit si difficile en France. Selon lui, la situation au Proche-Orient risque d’amplifier ce mouvement de rage contre la mémoire de la Shoah qui existe dans le pays ». Dans un entretien accordé à cette agence de presse, le philosophe a désigné ce mouvement comme « l’union de gens issus de l’immigration et d’intellectuels progressistes, une sorte d’arc islamo-gauchiste qui m’inquiète ».
« Dans son discours, M. Finkielkraut a évoqué le « devoir de mémoire plus important que jamais. Je crois que le moment où Auschwitz sera boycotté comme un produit israélien peut arriver, a-t-il ajouté, en faisant allusion au mouvement international pro-palestinien qui appelle au boycottage économique et culturel d’Israël ».
Animé par le même souci, François Zimeray, ambassadeur pour les droits de l’homme au ministère français des Affaires étrangères, nommé l’an dernier par Bernard Kouchner « responsable de la mémoire de la Shoah », a regretté que « la perception déformée de la Shoah par une partie du public en France amène à une négation d’Auschwitz ». M. Zimeray a participé à la conférence de Yad Vashem en tant que délégué de la France à la Task Force Internationale (ITF) sur l’enseignement de la Shoah. Cet organisme, créé en 2000, compte 27 pays membres et a pour vocation de développer l’éducation sur la Shoah, la commémoration, la recherche et la lutte contre l’antisémitisme
Porte-parole adjointe du quai d’Orsay, Christine Fages précisait peu avant le début de cette réunion que le rôle de M Zimmeray a pour but de « (réaffirmer) au nom de la France, la nécessité de la transmission de la connaissance de la Shoah et soulignera l’importance du travail éducatif mis en œuvre en France ». « Notre participation souligne l’importance que la France confère au devoir de mémoire de la Shoah et à la lutte contre l’antisémitisme ».
A Jérusalem, M Zimmeray a déclaré que « quand (il entendait) en France des gens comparer Gaza à un camp de concentration, c’est du révisionnisme contre lequel nous devons lutter ». Pour autant, nul n’ignore les conditions de vie proprement épouvantables qui sont celles des Gazaouis du fait du blocus israélien, lequel explique pour beaucoup le succès électoral et la mainmise du Hamas dans ce territoire.
Vendredi sur l’antenne de France Inter, le père Manuel Musallam, qui a vécu au milieu de la communauté chrétienne de Gaza de 1995 à 2009, a d’ailleurs de nouveau expliqué que la popularité du Hamas découle de la capacité qui a été celle du mouvement islamiste à rétablir l’ordre, les structures indispensables à la vie en société, en lieu et place de la corruption et de l’anarchie qui régnaient lorsque ce territoire était administré par le Fatah. D’une radicalisation l’autre, c’est bien la politique israélienne qui a assuré l’émergence du Hamas, mouvement, nous le rappelions il y a peu, qui fut favorisé à l’origine par Israël pour diviser la résistance palestinienne, alors incarnée quasi exclusivement par les « laïcs » de l’OLP. Et la nature ayant horreur du vide…