Peut-on être ministre du Budget et avoir une femme travaillant pour le plus gros contribuable de France sans prêter le flanc aux accusations de « conflits d’intérêts » ? Par le biais de micros cachés par son majordome, qui ont enregistré entre mai 2009 et mai 2010 des conversations entre l’héritière de L’Oréal, Liliane Bettancourt, et son entourage, il est apparu que celle-ci possèderait deux comptes en Suisse et une île aux Seychelles non déclarés. Les dialogues « volées » révèlent également qu’elle compte au nombre de ses conseillers fiscaux Florence Woerth, épouse d’Eric Woerth. L’affaire a éclaté par le biais des révélations du site Mediapart, lesquelles interviennent (« opportunément » ?) en plein débat sur la réforme des retraites, mais aussi avant le procès du 1er au 6 juillet de l’artiste François-Marie Banier. Celui-ci est accusé par la fille unique de Liliane Bettencourt d’avoir profité de la fragilité de sa mère, pour obtenir près d’un milliard d’euros de dons. Mme Bettencourt a accusé samedi sa fille Françoise Bettencourt-Meyers, d’être derrière cette affaire.
Devant la méthode peu ragoutante utilisée pour porter celle-ci sur la place publique (les micros clandestins) l’opposition s’est d’abord réfugiée dans un silence gênée, avant de réclamer la démission du ministre du Budget.
Soucieux de lâcher du lest, après avoir démenti toute implication dans l’affaire Bettencourt, Eric Woerth vient d’annoncer la démission de son épouse de la société Clymène, dont elle est salariée depuis trois ans, et qui gère une partie de la fortune de Mme Bettencourt. Cette dernière a promis lundi de régulariser sa situation fiscale en rapatriant tous ses avoirs « encore à l’étranger », dont un compte en Suisse.
Une nouvelle fois, apparaît cependant les rapports pour le moins opaque que l’UMP entretient avec l’argent. Nous relations le 28 avril dernier, dans le cadre l’affaire de l’attentat de Karachi en 2002, l’article paru dans Libération selon lequel l’ex Premier ministre (1993-1995) et candidat à la présidence de la République, Edouard Balladur, aurait reçu il ya quinze ans 10 millions de francs (1,5 million d’euros) en espèces provenant de rétrocommissions occultes liées à la vente de sous-marins français au Pakistan. Le grand argentier de la campagne avait ainsi vu arriver sur le compte cette somme en billet de 500 francs, censée provenir de la quête effectuée à la sortie des meetings balladuriens…
« Commissions » versées à des intermédiaires pour faciliter l’obtention de contrats, que le ministre du Budget d’alors, Nicolas Sarkozy, pouvait-il ignorer ?
D’une campagne présidentielle l’autre, celle de Nicolas Sarkozy en 2007 a suscité l’attention l’automne dernier d’Antoine Menusier, correspondant à Paris du quotidien suisse Le Matin. Le 14 octobre 2009, un article de l’hebdomadaire Minute s’en faisait l’écho.
Le 23 mars 2007 était-il rapporté, « Eric Woerth, alors trésorier de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, était venu en ami à Genève. Patrick Devedjian, à l’époque député des Hauts-de-Seine, l’accompagnait. Cette visite en Suisse avait un but: récolter de l’argent pour financer “l’effort de guerre” du candidat de la droite (…). Le comité de soutien UMP Suisse avait vu grand pour accueillir les émissaires de Sarkozy: une réception à l’Hôtel Crowne Plaza en début de soirée, suivie d’une réunion au Caviar House, dans la très chic rue du Rhône, avec le premier cercle, autrement dit, les donateurs les plus fortunés. Eric Woerth ne cherchait pas alors à savoir si les chèques qu’on lui remettait étaient prélevés sur des comptes suisses non déclarés au fisc français, raconte un banquier français opérant dans une banque genevoise ».
L’argent n’a pas d’odeur ?