Mercredi, au lendemain de la conférence internationale à Kaboul qui a réuni une soixantaine d’Etats et d’organisations, « notre » ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a déclaré qu’il « ne (savait) rien du tout » (sic) de la date de retrait des troupes françaises déployées dans ce pays. Le chef d’état-major interarmées des Etats-Unis, l’amiral Michael Mullen, en sait apparemment beaucoup plus long puisqu’il a estimé hier « raisonnable » l’objectif du président afghan Hamid Karzaï d’assurer avec ses propres forces la sécurité de l’Afghanistan d’ici 2014. Il a par ailleurs affirmé que d’ici cette date, la « coalition » aura pris le dessus sur « l’insurrection ». Objectif qui, au-delà des discours optimistes officiels, n’est guère jugé crédible par les observateurs. Quant aux talibans ils savent pertinemment depuis l’intervention américaine en 2001 que le temps joue pour eux : « assied toi au bord du fleuve et tu y verras passer le corps de ton ennemi »…
Nous rapportions le 8 juillet, les critiques exprimées à haute voix par le général Vincent Desportes, directeur du Collège interarmées de défense (CID), sur les conditions de l’engagement de nos troupes dans ce conflit, totalement subordonnées à une stratégie américaine qu’il juge mauvaise.
Une critique qui n’est pas isolée au sein de l’armée française indiquait cette semaine Le Canard Enchaîné qui affirme que « nombre de généraux et d’officiers font (…) savoir, plus ou moins discrètement, que Desportes a raison (…) regrettant que les Américains imposent des choix stratégiques et politiques à leurs alliés ». Ou en affirmant parfois que la réintégration de la France dans l’Otan n’est pas payée de retour, que les trois armées (Terre, Air, Marine) manquent d’hommes et d’équipements ».
Si le général Desportes « n’obtiendra pas sa quatrième étoile avant de prendre sa retraite », « il ne faut pas en faire un martyr » affirme « un membre du cabinet d’Hervé Morin, « car cela pourrait lancer une polémique sur l’Afghanistan, et le Président ne cesse de demander qu’on écarte tout débat sur cette guerre ». A l’évidence le PS a bien reçu le message…
Au « quai d’Orsay », poursuit l’hebdomadaire, certains estiment également que « c’est le Pentagone, sous couvert de l’Otan, qui conçoit, commande et mène les opérations en Afghanistan. Et les généraux américains font jouer aux Alliés le rôle de supplétifs ».
Cet article pointe également les craintes du ministre de la Défense de voir « certains haut gradés en activité ou à la retraite qu’il soupçonne d’appartenir au réseau clandestin Surcouf, lancer dans la presse un débat sur la présence française au sein de la coalition. Aussi « plusieurs collaborateurs d’Hervé Morin téléphonent à des officiers pour tâter leur pouls et (…) dissuader les officiers insolents de remettre ça »
Le « ça » en question faisant donc référence aux critiques formulées dans la rubrique Débats du Figaro le 18 juin 2008 par le collectif Surcouf , regroupant sous le sceau de l’anonymat des généraux et des officiers des trois armes, qui avaient vivement dénoncé le « Livre blanc » de la Défense, actant un « véritable déclassement militaire ».
Alors que les dépenses militaires mondiales ont progressé de 45% en dix ans, la France réduit son effort de défense au plus mauvais moment notait ce collectif, comme l’illustre la fonte drastique des effectifs de nos armées, le report de la décision sur un second porte-avions…
Une France sarkozyste qui renonce à jouer son rôle de puissance certes moyenne, mais indépendante et au rayonnement international, en abandonnant aux Britanniques relevaient encore les officiers en question, « le leadership militaire européen, alors que nous connaissons la nature particulière de leurs relations avec les Etats-Unis. La France jouera désormais dans la division de l’Italie. Il est inutile de se payer de mots ».
Critiques qui recoupaient celles formulées par le FN et Bruno Gollnisch, tant il est vrai que le « Livre blanc » traduit dans les faits la volonté de Nicolas Sarkozy de réduire notre pays, troisième puissance maritime du monde, au rôle de petit soldat de l’Otan, de petit supplétif du Nouvel ordre mondial. Une France désormais incapable d’affirmer ses choix politiques internationaux et de préserver au mieux ses intérêts.