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Paroles de Sarkozy : la vérité si je mens

Cet « évènement » ne pouvait avoir lieu mercredi pour cause de match de foot France-Brésil, c’est donc hier soir que Nicolas Sarkozy était interrogé sur TF1 par un  panel de citoyens dans le cadre de l’émission « Paroles de Français », qui fut suivie par plus de huit millions de téléspectateurs. Face au président de la République, un  échantillon d’électeurs  bien « calibré » et «  verrouillé »  par TF1… et accepté par l’Elysée.  

Au final un monologue ronronnant, plus qu’un dialogue, dans lequel il a parfois confessé ses échecs et souvent répété ses mensonges. Un exercice de style que les communicants sarkozystes jugeaient utiles  pour rapprocher  le chef de l’Etat du peuple, prouver qu’il était sensible à leurs préoccupations, qu’il  n’était pas seulement l’homme qui tape dans le dos   de M. Obama et qui  embrasse Mme Merkel. Ceci  afin de mieux souligner en creux l’éloignement d’un DSK enfermé dans sa tour  d’ivoire avec les puissants de ce monde. Une émission qui ne restera pas dans les annales et largement éclipsé par les événements en Egypte.

 Dans le cadre de son « plan com » a quinze mois de la présidentielle,  Nicolas Sarkozy a tenu également cette semaine,  comme chaque année, à assister au dîner parisien  du Crif mercredi et même,  une première depuis 2008, à y prendre la parole en lieu et place de M. Fillon,  en présence de 25 ministres de son gouvernement.

 Car, « comme chaque année depuis 26 ans a noté le site Israël Valley,  cet événement politico-mondain, unique en France bien que copié par plus d’une institution, a attiré le monde politique, diplomatique, judiciaire, médiatique et religieux, tous bords confondus. Il a été l’occasion de voir gauche et droite, qui s’écharpent à l’assemblée (sic), se réconcilier pour un soir… » 

 Comme les années précédentes en effet l’ensemble des représentants des formations politiques étaient conviés (400 sur les mille invités), à l’exception des verts, des trotskystes  et des communistes, pour cause de soutien militant au boycott des produits israéliens. Et bien sûr sans la présence du  Front National… en raison de  son programme ?

  Jean-François Copé, François Hollande, Benoît Hamon, Bertrand Delanoë, Jack Lang, Jean-Paul Huchon, Anne Hidalgo, Michèle Alliot-Marie, Luc Chatel, Jean-Louis Borloo, Eric Woerth,  Dalil Boubakeur, les Ambassadeurs d’Egypte, de Jordanie, de Turquie, du Maroc etc.,  ont donc  écouté le discours convenu  du président du Crif,  Richard Prasquier.

 M. Sarkozy lui, a un peu  « innové » en reprenant à  son compte dans son allocution les obsessions d’un  Jacques Chirac. On se souvient en effet  de ce dernier évoquant très sérieusement (pour nous en convaincre ?)les abracadabrantesques   « racines musulmanes de l’Europe ». Le mari de Carla Bruni en a déniché d’autres !

 Certes, M. Sarkozy a en toute logique rappelé la nécessité du combat contre l’antisémitisme,  de  la paix entre israéliens et palestiniens, expliqué pour la millième fois que « le droit d’Israël à exister en paix est une priorité stratégique pour la France », que « l’existence de l’Etat d’Israël est une exigence de la conscience universelle et (que) jamais les juifs de France n’auront à choisir entre leur conscience et leur patrie ». Il  a appelé  de nouveau à la libération du soldat de Tsahal  enlevé en Israël, le franco-israélien  Gilad Shalit car « s’attaquer à Gilad, c’est s’attaquer à la France ».

  Mais il a surtout martelé une thèse, une conviction,  celle  des « racines juives de la France».

 «La présence du judaïsme est attestée en France avant même que la France ne soit la France, avant même qu’elle ne soit christianisée», « Je veux dire en tant que chef de l’Etat que le judaïsme a contribué à l’identité en France ». « Le judaïsme fait partie des racines de la France et chaque français, quelques soient ses origines, peut en être fier »  a-t-il tenté d’expliquer.  A se demander si ce pays fut vraiment  un jour habité par des gaulois !

 Le FN, et avec lui de nombreux  juifs, partageant ou non les convictions  qui sont celles de l’opposition nationale,  dénient la légitimité du Crif à parler au nom des juifs de France,  dont cet organisme communautariste  se veut le porte-parole autoproclamé. 

 L’historienne Esther Benbassa, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études, auteur notamment avec Jean-Christophe Attias d’un ouvrage d’une lecture stimulante, souvent politiquement incorrect et sans manichéisme (« les Juifs ont-ils un avenir ? »), a résumé il ya quelques années et en quelques lignes,  les reproches formulées au Crif  et l’embarras qu’il suscite.

 « Qu’est-ce que le Crif  soulignait Mme Benbassa, sinon un groupuscule endogamique qui se donne des airs de petit Etat indépendant, agissant à sa guise, faisant plier les uns et les autres, tant par le biais de l’autocensure, sensible chez bien des journalistes, craignant à juste titre d’être soupçonnés d’antisémitisme dès qu’ils oseront critiquer la politique israélienne, que par l’instrumentalisation de la culpabilité de la Shoah intériorisée par la classe politique ? »

 « (…) tous les ingrédients sont réunis pour parler aussi de communautarisme juif. On en vient à se demander si le Crif n’est pas plutôt le porte-parole d’Israël en France, comme une seconde ambassade de ce pays. »

 « Mais qui représente véritablement le Crif et combien sont-ils en son sein ? On ne le saura jamais. Ce qui compte, c’est qu’il est perçu comme un lobby (mot horripilant en France) par les politiciens. Et considéré comme tel, il l’est bien, un lobby, en fait. Ceux qui s’agglutinent à son dîner croient vraiment qu’il joue un rôle important dans la machine électorale. On y vient à la pêche aux voix juives, et pour être adoubé par des juifs dont l’influence serait déterminante, en raison de la place qu’ils occupent, ou sont censés occuper, dans la société française. »

 A tout le moins, il n’est pas certain en effet que le rôle joué par le Crif ( qu’il entend jouer ou qu’on entend lui faire jouer) aille dans le sens de la cohésion, de l’unité et de l’intérêt national.

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