Une première : Nicolas Sarkozy a annoncé lui-même hier soir aux Français, depuis la bibliothèque de l’Elysée, un remaniement touchant à trois ministères régaliens : l’Intérieur, la Défense, et bien évidemment les Affaires étrangères. Le sort de Mme Alliot-Marie –que le chef de l’Etat n’a pas cité lors de son allocation-, ministre sans discontinuer depuis 2002, a été logiquement scellé par le raffut médiatique généré par les conséquences de ses vacances tunisiennes, difficilement gérables à 14 mois de la présidentielle. Cette échéance de 2012 explique d’ailleurs très largement les choix qui ont présidé à ce réaménagement au sein de l’équipe de François Fillon.
Se voulant rassurant dans un monde en plein bouleversements, le chef de l’Etat en a fait des tonnes pour rallier à son panache blanc les électeurs. Des Français légitimement inquiets des menaces qui pèsent sur la stabilité au Moyen-Orient –les chaines du Golfe montraient ces derniers jours des manifestations monstres dans les rue du Caire où la foule scandait « Jérusalem, on arrive !»…- et des risques migratoires qui en découlent.
« Mon devoir de président est d’expliquer les enjeux de l’avenir, mais aussi de protéger les Français », a indiqué le chef de l’État qui a « décidé de réorganiser les ministères qui concernent notre diplomatie et notre sécurité. » « Nous savons ce que pourraient être les conséquences de telles tragédies sur les flux migratoires. C’est la France qui serait en première ligne » a-t-il prévenu, allant même jusqu’à évoquer le « risque islamiste » si les éléments non démocratiques, au sens occidental du terme, remportaient la mise en Egypte et en Tunisie.
Bref, une manière de signifier que les préoccupations premières d’une grosse partie de l’électorat national sont bien intégrées par lui.
Les commentateurs politiques l’ont souligné également, Nicolas Sarkozy a tenté de persuader les Français que notre politique étrangère, singulièrement dévaluée depuis le ralliement de la France à l’Otan, pouvait encore peser sur le cours des évènements.
Il a ainsi évoqué son projet d’Union pour la méditerranée (UPM), en coma avancé depuis deux ans : elle « doit permettre aux peuples de bâtir une destinée commune. Le moment est venu de refonder cette union, à la lumière des événements considérables que nous vivons. La France fera des propositions dans ce sens. »
Il a également dans cette optique appelé l’Europe à « définir une stratégie commune », sachant que des poids-lourds comme l’Allemagne et le Royaume-Uni ont émis de fortes réserves dès le départ sur cette UPM, qui s’appuyait à l’origine sur deux « piliers », le soutien de la Tunisie Ben Ali et de l’Egypte de Moubarrak…
Dans les faits, c’est le fidèle, et très influent Claude Guéant –aux côtés de Sarkozy depuis 2002- , surnommé « le vice-président », qui hérite du ministère de l’Intérieur dont il connait tous les rouages. Une nomination qui tente de prouver que la fermeté sera de mise face aux risques de déstabilisation engendrés par les probables mouvements migratoires qui s’annoncent. Il remplace Brice Hortefeux, un « ami de 35 ans » du chef de l’Etat, lequel devient conseiller à l’Elysée et qui sera donc amené à jouer un rôle de tout premier plan dans la perspective de la campagne sarkozyste de 2012.
Alain Juppé, quitte la Défense pour les Affaires Etrangères, ministère qui lui fut déjà proposé lors de son entrée en novembre au gouvernement mais qu’il refusa alors, n’ayant pas l’assurance d’avoir une marge de liberté suffisante…
Dans les faits il fera bien office de potiche de luxe, la politique étrangère appartenant en dernier ressort au domaine réservé de Sarkozy comme celui-ci l’a prouvé depuis 2007, en nommant à ce poste de simples exécutants dans les personnes de Kouchner et d’Alliot-Marie. A l’aune du bilan de ses deux prédécesseurs, le passage M. Juppé à la tête du quai d’Orsay entre 1993et 1995 ferait presque figure de bon souvenir.
Autre nomination dans le cadre de ce jeu de chaises musicales, le retour de Gérard Longuet qui présidait le groupe UMP au Sénat, qui prend la tête de la Défense. Son nom avait déjà été cité pour ce portefeuille lors du précédent remaniement.
Comme M. Juppé, M. Longuet a connu les foudres de la justice avant de bénéficier de non-lieux. Ses démêlés judiciaires (l’affaire du financement occulte du Parti républicain), avaient précipité son départ du gouvernement Balladur en 1994 où il était ministre de l’Industrie. Depuis ses années militantes à « l’extrême droite », au sein du groupuscule Occident, et sa participation à l’élaboration au premier programme du FN en 1972, M Longuet a rallié la droite libérale avec tout ce que cela suppose comme errements et reniements.
Sa présence est donc censé faire plaisir à la sensibilité politique que représente M. Longuet, apporter une petite touche libérale à ce gouvernement et même paradoxalement politiquement correct. En effet on se souvient de la polémique suscitée par les propos de ce dernier qui avait estimé en mars 2010 que le socialiste Malek Boutih n’appartenant pas au « corps traditionnel français », il n’était pas le mieux à même de prendre la tête de la Halde (Haute autorité de luttte contre les discriminations).
L’ancien « occidental » avait vite fait machine arrière devant le tollé des ligues de vertu. Il avait alors longuement téléphoné à Malek Boutih pour s’excuser. Il lui avait expliqué qu’il n’était pas « raciste », son souhait d’améliorer la « lutte contre les discriminations » en ne la confiant pas à « une personne issue d’une minorité discriminée » et appartenant à un parti politique, afin d’élargir l’audience de la Halde et de sa politique de discrimination positive auprès de tous les Français…
Gérard Longuet, a aussi affirmé sa conviction selon laquelle « il n’y a pas de Français de souche. » Dans la logique cosmopolite et de promotion des « sociétés ouvertes » qui prévaut au sein des instances de l’Otan, il est bien l’homme idoine à la tête d’une Défense au rabais et largement mise au service d’intérêts étrangers.