Si les quotidiens nationaux consacrent aujourd’hui largement leur Une à l’intervention militaire en Libye, le tremblement de terre politique de cette fin de semaine a bien été le résultat de ce premier tour des élections cantonales. Pour la première fois le taux d’abstention « historique » (55,63%), n’a pas été un frein à la progression du FN. Il a réussi son pari et pose un jalon essentiel pour 2012 : la Vague bleu marine a bien déferlé dans les urnes. La gauche qui détient 58 départements sur les 100 où les cantons sont renouvelés fait le bon score attendu avec 25,04% pour le PS, 9% pour le Front de gauche, 8,28% pour Europe Ecologie-Les Verts. L’UMP prend une sévère déculottée qui n’avait pas été anticipée dans son ampleur par les sondages avec 17,07% des suffrages, tandis que le Front National pulvérise avec 15,18% des voix son précédent meilleur score aux cantonales, celui de 2004 où il avait obtenu 12, 25% .
L’institut Ifop avait effectué une projection pour la Lettre de l’Opinion, sur la base des régionales, qui montrait un maintien possible du FN dans 200 cantons, où auraient lieu « dans 80% des cas un duel FN-PS ». Dans les faits le FN sera présent dans 394 cantons majoritairement en duel face au PS (204), mais aussi face à l’UMP (89), au PC (37) ou d’autres candidats, de gauche ou de droite. Il y aura également 5 triangulaires UMP-PS-FN.
Multipliant ces deniers mois les « je vous ai compris » en direction des électeurs frontistes ou tentés par le vote FN, les emprunts sémantiques à ses discours, les clins d’œil à son programme, l’UMP se trouve coincée et n’est plus en mesure d’appeler clairement à voter PS dans le cadre d’un « front républicain ».
Jean-François Copé l’a confirmé hier soir : il a demandé à ses troupes de se « mobiliser » en cas de triangulaires les candidats UMP «à se maintenir même en 3e position», laissé ses électeurs «libres de leur choix» dans les duels contre le PS et rappelé la position de principe : pas d’alliance avec le FN sous peine d’exclusion.
Quelques voix discordantes ont été entendues : le ministre Valérie Pécresse a affirmé que «personnellement», en cas de duel avec le FN, elle voterait pour la gauche ; le porte-parole de l’UMP Dominique Paillé a manié la litote en déclarant qu’ «il faut revenir aux valeurs du centre et de la droite humanistes», Jean-Louis Borloo, le président du Parti radical a appelé à « faire barrage au FN».
Martine Aubry a analysé cette raclée de l’UMP comme le résultat du «refus de la politique de Sarkozy » et comme une marque de « confiance en la gauche pour l’avenir». Mais ce gros score du FN a aussi inquiété une gauche qui voit ses électeurs rejoindre en masse dans les urnes l’opposition nationale. La patronne du PS a accusé Sarkozy d’«abîmer» la République et d’être «pour beaucoup dans le score du Front National». En toute logique, a l’issue de sa réunion avec Cécile Duflot (EELV) et Pierre Laurent (PCF), les dirigeants des principaux partis de la gauche française ont appelé au « rassemblement. »
Même si le PS a également manié le flou artistique en ce qui concerne la possibilité d’un appel à voter UMP en cas de duel au second tour entre le parti sarkozyste et le FN, le socialiste David Assouline a d’ores et déjà dénoncé l’ « ambiguïté coupable» de l’UMP qui refuse d’appeler clairement à voter pour le PS face au Front National. L’ex vert Yann Wehrling, porte-parole du Modem a tenu le même langage : «la position de l’UMP est irresponsable, il faut voter pour le candidat qui est contre le FN»…