Un hommage unanime a été rendu au cinéaste Pierre Schoendoerffer, décédé hier à l’âge de 83 ans à l’hôpital militaire Percy. Engagé comme cameraman des Armées en Indochine à 19 ans, volontaire pour sauter sur Dien Bien Phu, il resta marqué à vie par cette expérience de laquelle naquit son premier grand succès au cinéma, « La 317e Section », tourné au Cambodge en 1966 ( Prix du scénario à Cannes) avec les tous jeunes Jacques Perrin et Bruno Cremer. Académicien, aventurier, romancier, reporter de l’Algérie au Vietnam pour le compte des magazines Life, Paris-Match, et pour Pierre Lazareff à la télévision, il obtint un Oscar avec son extraordinaire et très marquant documentaire , « La Section Anderson » (1967).
A une époque ou l’antimilitarisme était de mise dans les salons parisiens, il sublima tout au long de sa filmographie la geste des hommes d’armes pris dans les tourments de choix douloureux de « L’Honneur d’un capitaine » à « Là Haut » en passant par « Dien Bien Phu », ou encore dans ce qui est certainement son chef d’œuvre , « Le crabe tambour » (1976) avec un inoubliable Jean Rochefort, son film aux trois Césars.
Sur le blog Secret Défense, l’historienne Bénédicte Chéron, interrogée sur ce qui restera de ce cinéaste auquel elle a consacré un livre, affirme qu’ « il laisse d’abord le témoignage de son propre parcours, et pour tous ceux qui l’ont connu, d’un homme d’une rare élégance morale, loyal, fidèle et soucieux de la vérité. Il a marqué le cinéma par sa manière de pratiquer son art, de fabriquer des films, avec l’humilité de l’artisan, réunissant autour des lui des hommes de qualité, comme Raoul Coutard (son chef-opérateur) Jacques Perrin, Jacques Dufilho, Bruno Crémer, Claude Rich… »
« Il a su transmettre par ses films ce que fut la période chaotique de la décolonisation, il a comblé, par la fiction donc sans prétendre à la vérité historique, des vides de la mémoire nationale. Ses films et ses livres, enfin, couronnés par de nombreux prix, permettront aux générations à venir de s’approprier cet imaginaire si riche et original. »
Dans l’article consacré à la disparition du cinéaste sur le site du Nouvel Obs, Bénédicte Chéron est de nouveau citée et rappelle que « membre fondateur des César, Pierre Schoendoerffer se tenait à l’écart de ce monde. Il sentait bien que son art de filmer la guerre le rendait presque suspect du côté du 7e Art. »« Pourtant il ne fonctionnait pas comme un ancien combattant : son parcours artistique a sublimé cette expérience, l’a sorti du traumatisme. Et si l’extrême-droite française a cherché à récupérer son travail, il n’a jamais senti le besoin de s’en justifier car, selon elle, « son œuvre touche à l’universel (…) Ce qui empêche de l’enfermer dans un carcan idéologique ou politique ».
Certes, l’œuvre de Schoendoerffer « touche à l’universel », et l’on y retrouve d’ailleurs le ressort même de la tragédie grecque. Mais constate Bruno Gollnisch, ce n’est pas tant « l’extrême droite » qui a cherché à « récupérer son travail » que l’opposition nationale qui a su l’apprécier à sa juste valeur à une époque où la gauche germanopratine se pinçait le nez et conspuait la nostalgie « fascisto-militariste » qui s’en dégageait…
Dans un entretien d’archive diffusé ce matin sur RTL, Pierre Schoendoerffer, évoquant son propre parcours, rappelait que « la jeunesse » ne recherche pas « la paix », « un frigo ou une bagnole supplémentaire », mais qu’elle aspire à « la gloire et l’inquiétude ». Le contraire de « l’idéal » de nos sociétés couchées, molles et tièdes. Schoendoerffer le savait, l’Histoire nous enseigne que la recherche frénétique de la quiétude et du confort comme horizon indépassable est impitoyablement sanctionnée, qu’elle débouche invariablement sur l’asservissement et le chaos. Plus qu’un cinéaste des « causes perdues », le cinéaste a dressé le portrait d’hommes droits, porteurs d’une éthique de courage, d’honneur et de fidélité, et en cela, oui, son oeuvre est intemporel et nous en revendiquons notre part.
Destousches dit
Bravo pour cet hommage.
Schoendoerffer est assurément un grand homme et votre hommage est tellement juste et vrai.
« la jeunesse » ne recherche pas « la paix », « un frigo ou une bagnole supplémentaire », mais qu’elle aspire à « la gloire et l’inquiétude ».
C’est le meilleurs résumé de Schoendoerffer, l’âme de plusieurs générations cherchant désespérément une issue à l’impasse d’un matérialisme absolu.
Backe dit
Merci Monsieur Gollnisch pour ce bel hommage à Pierre Schoendoerffer, il le méritait bien ; paix à son âme.