Le site du magazine Marianne fait état des manœuvres en cours d’un ex patron de l‘UMP qui n’a pas laissé de bons souvenirs, Jean-François Copé, pour bloquer l’ascension annoncée de Laurent Wauquiez qui, horresco referens, prendrait ses conseils depuis quelques années auprès du sulfureux Patrick Buisson. « J’ai en tête un mode d’organisation qui nous permettrait d’éviter l’éclatement. Nous pourrions avoir un directoire, avec un secrétaire général chargé de gérer le parti, expliquait (M. Copé, NDLR) pendant la campagne des législatives. Sinon, Wauquiez fera son machin tout seul. Il montera un Tea Party avec Marion Maréchal-Le Pen, Sens commun et tous ces gens sympathiques » persiflait-il.
M. Copé fait ici allusion bien sûr à l’entretien accordé en mai dernier par Marion à Valeurs actuelles: « Un profil comme Laurent Wauquiez change la donne. Mais il faut voir ce qu’il fera de ce pouvoir ! Si c’est pour avoir un nouveau Sarkozy, ce n’est pas utile. (…) Ce qui est sûr, c’est que, dans le paysage politique actuel à droite, il fait partie de ceux dont les déclarations laissent penser qu’on aurait des choses à se dire et à faire ensemble ».
Partisan autoproclamé d’une droite décomplexée lors des primaires de la droite, Jean-François Copé était en concurrence avec Laurent Wauquiez pour en être le héraut quand ce dernier a à son tour opéré un virage droitier, le nez sur les enquêtes d’opinion. Quelques années auparavant, en avril 2014, le maire de Meaux avait notamment éreinté le livre de M. Wauquiez « Europe : il faut tout changer » dans lequel ce dernier se prononçait contre une construction bruxelloise qui « ne marche plus », plaidait pour un «protectionnisme» européen, un retour à une Europe des six, la sortie de l’espace Schengen…
« Laurent Wauquiez a des positionnements individuels parce que populistes », «il n’y aura pas de proposition démagogique à l’UMP » (sic) affirmait alors M. Copé, expliquant que les eurosceptiques de l’UMP, dont Henri Guaino et Laurent Wauquiez, étaient «très minoritaires»….
Minoritaires, ils le sont nettement moins au sein de l’électorat traditionnel de la droite ce que refusent de voir avec une obstination assez confondante beaucoup de pontes de LR. Le site d‘ Europe 1 relayait hier les propos de Arnaud Robinet, le maire de Reims, qui criait au loup: « On est en train de laisser la voie royale à la ligne dure Wauquiez-Ciotti. Ils vont faire mourir le parti si Wauquiez devient président. Soit on a un candidat qui défend les valeurs libérales et humanistes et on combat face à Wauquiez, soit, il faudra avoir le courage de créer une nouvelle force politique de droite, libérale et humaniste ».
Le site de l’Obs s’est d’ailleurs amusé à compiler tous les propos récents des grandes consciences républicaines pointant le danger Wauquiez: «un retour à la ligne Buisson, celle qui nous a fait perdre en 2012. Celle qui résume la question sociale à l’unique question identitaire (…) la tentation d’un rapprochement avec l’extrême droite. (Un départ de LR est possible) si on ne s’y sent pas chez nous» (V. Pécresse); « Il court après l’extrême droite. Il le dit lui-même et même Marion Maréchal Le Pen se dit prête à travailler avec lui ! Je rappelle que l’UMP a été fondée en 2002, au lendemain de l’élection de Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen. C’est dans notre pacte fondateur, dans notre ADN, l’opposition au FN » (X. Bertrand); « Sur un sujet aussi stratégique que cette élection présidentielle, (…) quelqu’un qui a proposé, alors qu’il pourrait être candidat à un avenir politique, le vote blanc, pour moi, il ne peut pas être notre leader. De deux choses l’une : ou on trouvera une autre solution, ou on ne sera pas dans le même parti » (J-P. Raffarin); « Une tentation de se rapprocher de l’extrême droite » (Frank Riester); « La ligne identitaire de Laurent Wauquiez est mortifère. S’il faut que quelqu’un le dise, je serai celui-là » (G. Darmanin)…
Comme souvent, le maire de Nice Christian Estrosi a apporté sa précieuse et intelligente contribution au débat: «Je ne veux pas que l’on soit flou. Sans ça, ça veut dire que le pacte fondateur voulu par Jacques Chirac de l’UMP en 2002 pour pouvoir faire barrage en toutes circonstances au Front National et qu’il n’y ait pas la moindre porosité avec le Front National, va exploser purement et simplement et je ne veux pas que ce pacte explose.» C’est ce même Estrosi opposé aujourd’hui à l’exclusion des membres de LR qui soutiennent le nouveau gouvernement, qui en mars 1998, plaidait pour une alliance entre le RPR et le FN en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le même qui en juillet 2013 était attaqué par le député et porte-parole du PS, Eduardo Rihan Cypel qui l’accusait «(d’appeler) carrément à des pogroms» pour avoir déclaré son intention de « mater les Roms »…sacré Christian!
Qu’est-il en fait reproché au Young Leader et membre de la French American Foundation Laurent Wauquiez lui qui, conscient de la séduction croissante exercée par l’opposition nationale sur l’électorat de la droite, avait réclamé et obtenu de Jean-François Copé en 2013 la constitution d’un groupe de travail à l’UMP sur le FN »? En 2011, alors ministre des Affaires européennes, il appelait les « pro-européens (à repartir ) à l’offensive. Le fait de se laisser enfoncer par les bobards des eurosceptiques comme Mme (Marine) Le Pen et M. (Jean-Luc) Mélenchon, ça suffit !» . Mais en même temps comme dirait M. Macron, il défendait « l’identité européenne (…). L’Europe, ce n’est pas une coquille creuse, c’est une communauté de valeurs, de grands personnages de l’Histoire, de grandes dates. Assumons cette identité». «On a honte de notre identité chrétienne? On a honte que l’Europe des clochers a été constitutive de notre identité européenne? ».
En mars 2011, accueillant Nicolas Sarkozy au Puy-en Velay dont il était maire, Laurent Wauquiez se félicitait du discours de ce dernier (concocté par Patrick Buisson): la France doit « assumer son identité, son histoire et ses racines chrétiennes.» Mais en même temps, il prenait bien soin de déclarer sa volonté de lutter contre les discriminations, affirmait avoir « beaucoup œuvré pour (…) accompagner la construction (de deux mosquées) », se disait «très attentif au respect de la diversité religieuse», mettant sur un même plan la religion autochtone de notre pays et l’islam.
En janvier 2015, il était secrétaire général de l’UMP, Laurent Wauquiez avait approuvé que son parti condamne le refus de la majorité présidentielle et des forces de gauche d’accueillir le FN au nombre des formations qui avaient défilé à Paris après l’attentat contre Charlie hebdo. Mais en même temps, lors des cantonales de 2011, comme lors des législatives de 2012, il était de ceux qui comme Jean-Louis Borloo, Hervé Morin, Dominique de Villepin, François Bayrou, François Fillon, Alain Juppé, Roselyne Bachelot, Chantal Jouano, Nathalie Kosciusko-Morizet ou Valérie Pécresse contestaient la stratégie de «droite décomplexée », la doctrine du «ni ni », prônée officiellement par Sarkozy, au profit d’un appel à voter clairement en faveur de la gauche contre les candidats nationaux.
Mais en même temps, pratiquement le seul au sein de LR, il a refusé d’appeler à voter Macron au second tour de la présidentielle, et depuis qu’il est élu à la tête de la région Auvergne-Rhône-Alpes, il a multiplié les signaux en direction de l’électorat national, patriote, souverainiste. Notre ami Christophe Boudot constatant la reprise de plusieurs propositions frontistes par M. Wauquiez et s’adressant à lui dans l’hémicycle régional le 29 juin l’a dit sans ambages, mais non sans une pointe d’ironie: « Vous faites du FN sans le savoir». « Votre action à la tête de la région valide avec pertinence le combat du Front National ! ».
Mais en même temps, Laurent Wauquiez affirmait sur l’antenne de BFMTV le 21 juin son refus de s’émanciper des mots d’ordre de la gauche et de la droite cosmopolites, des interdits, des tabous fixés par le Système: « Jamais, jamais d’alliance avec les Le Pen, ni de compromis avec le Front National (…) Je réponds avec une limpidité totale: il n’y a pas d’alliance avec madame Le Pen. Ni plus, ni moins. Je ne peux pas être plus clair.»
Certains pourraient penser qu’il n’est pas nécessaire de s’allier avec Le Pen pour faire du lepénisme, ou avec le FN pour appliquer une politique frontiste. Que la diabolisation persistante et qui aurait toujours une certaine efficacité sur toute une frange de l’électorat des noms FN et Le Pen pourrait légitimement conduire à contourner l’obstacle tout en en reprenant les idées (qui après tout appartiennent à tous). M. Wauquiez comme d’autres acteurs attentifs des évolutions de la société, sait parfaitement que les fondamentaux défendus par l’opposition nationale sont souvent majoritaires dans l’opinion que ce soit sur l’immigration, l’insécurité, la défense des valeurs traditionnelles, de la famille, de la culture française, la lutte contre le fiscalisme… Au-delà même de l’étiquette et du contenant, l’important n’est-il pas de porter les idées nationales, le contenu au pouvoir?
Pour autant, il ne faut pas se bercer d’illusions affirme Bruno Gollnisch. Il est légitime, petite parenthèse, de réfléchir à l’opportunité, aux avantages (ou non) d’un changement du nom du FN. Mais il faut bien comprendre que la cause véritable de la diabolisation par la Caste du FN ou des Le Pen prend justement sa source dans les valeurs, le programme dont ils sont les promoteurs, les défenseurs et qu’ils sont, right or wrong, identifiés comme tels par les Français.
Un nouveau parti, une nouvelle personnalité qui défendrait demain l’identité et la souveraineté nationales , le refus du mondialisme, de l’idéologie sans-frontiériste, marchande et hors-sol subirait elle aussi le même tir de barrage, les mêmes procès en sorcellerie de la part des élites dominantes. Et il faut les épaules pour ramer à contre-flots, résister au pilonnage, ne pas plier sous la pression; ce courage là n’est pas donné à tout le monde…
Rappelons nous aussi du soutien médiatique dont bénéficiait en Europe il y a sept ans le Hongrois Viktor Orban, décrit comme un parfait modéré et son parti de droite conservatrice tout à fait classique, le Fidesz. Ils étaient célébrés alors comme les meilleurs remparts démocratiques contre les affreux du parti Jobbik. Aujourd’hui, le Premier ministre de la Hongrie est désigné à la vindicte, accusé de tous les maux, de toutes les tares fascistoïdes par les bruxellois, les officines mondialistes, pour son refus de se plier notamment aux avancées sociétales libérales-libertaires et aux oukases immigrationnistes. Comparaison n’est pas (toujours) raison, mais les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets.