Emmanuel Macron espérait bien faire changer d’avis son homologue américain, peine perdue : Donald Trump a annoncé hier «que les Etats-Unis vont se retirer de l’accord nucléaire iranien » et de lourdes sanctions contre Téhéran. Le Plan d’action global commun, pour lequel Barack Obama avait beaucoup œuvré, avait été signé en juillet 2015 entre l’Iran d’un côté, et la Chine, la France, la Russie, le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Allemagne de l’autre. Il stipulait que le gouvernement iranien s’engageait à réduire son enrichissement d’uranium et à limiter son programme nucléaire. Les contrôles effectués sur place par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) indiquent que Téhéran respecte les termes de cet accord. Le président américain l’avait dit au cours de se campagne présidentielle et n’a cessé de le répéter depuis, il estime, comme le Premier ministre Benjamin Netanhayu a tenté d’en apporter la preuve sans convaincre les spécialistes, que l’Iran réchauffe en son sein l’arme atomique et développerait un programme de missiles balistiques qui menaceraient directement Israël et l’Arabie saoudite. Ou à tout le moins, l’arme nucléaire étant une arme de non- emploi, de dissuasion, Téhéran n’aurait pas renoncé à sanctuariser son territoire en se dotant d’un arsenal-assurance-vie de ce type.
En dehors de l’allié israélien -une annonce «historique» et «courageuse» a déclaré Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu- et des amis saoudiens – « le royaume soutient et salue les démarches annoncées par le président américain en vue d’un retrait de l’accord nucléaire », ont déclaré les autorités saoudiennes-, cette décision du président des Etats-Unis a été très sévèrement jugée. La France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne ont déclaré dans un communiqué commun qu’ils entendaient poursuivre «la mise en oeuvre de l’accord (sur le nucléaire iranien) avec les autres parties qui resteront engagées», en phase avec le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui s’est dit « profondément préoccupé par l’annonce du retrait des Etats-Unis de l’accord et de la reprise de sanctions américaines». Il a demandé aux signataires de l’accord de 2015 de «respecter pleinement leurs engagements ».
Sans surprise, le ministère russe des Affaires étrangères a réagi: «Nous sommes profondément déçus par la décision du président américain de sortir unilatéralement (de l’accord et de) rétablir les sanctions américaines envers l’Iran. » « Nous sommes extrêmement inquiets que les Etats-Unis agissent contre l’avis de la plupart des Etats (…) en violant grossièrement les normes du droit international. »
Damas et Ankara ont jugé eux aussi que ce retrait américain fragilisait la cause de la paix. De son côté, rapporte RT, le président iranien Hassan Rohani a déclaré « que l’Iran avait toujours respecté ses engagements dans le cadre de l’accord, sous la supervision de l’AIEA : Nous disons et répétons depuis quarante ans (…) que l’Iran respecte ses engagements et que les Etats-Unis ne respectent jamais leurs engagements. L’histoire de ces quarante dernières années et même avant montre que les Etats-Unis ont toujours eu un comportement hostile à l’égard de l’Iran et des autres peuples de la région».« Il a par ailleurs affirmé que son pays resterait pour l’instant dans l’accord, sans les Etats-Unis, afin de laisser le temps à de nouvelles discussions avec les pays européens, la Chine et la Russie. Si à la fin de cette courte période, nous concluons, avec la coopération (de ces pays), que les intérêts du peuple iranien sont assurés malgré les Etats-Unis et le régime sioniste (…) l‘accord sera maintenu (…). »
Bruno Gollnisch l’a rappelé et nous nous en étions fait l’écho il y a tout juste un an, c’est «l’Europe qui a vendu cette technologie nucléaire à l’Iran » et si « la communauté internationale doit être vigilante, son désir de ne pas voir s’étendre les capacités nucléaires dans le monde, devrait pour le moins s’accompagner d’une réduction des armements nucléaires des pays qui en disposent. Mais il y a des principes qu’on ne peut pas transgresser, l’indépendance des pays membres des Nations Unies en est un. Au nom de quels principes justement peut-on interdire à certains Etats de faire des recherches nucléaires, même en les supposant à vocation militaire, alors qu’on n’interdit pas à d’autres de les faire ? C’est le cas d’autres nations asiatiques que l’Iran comme Israël, l’Inde, le Pakistan ou la Chine… »
Nous le notions aussi en octobre 2011, peut-on pareillement reprocher à Téhéran d’utiliser les moyens que la science met à sa disposition pour éventuellement pallier à ces besoins, pour rester « dans le coup » de la science mondiale? On sait que le nucléaire est un des leviers de la recherche scientifique dans le monde. Pourquoi ce grand pays scientifique, historique serait, lui, condamné à ne pas pouvoir accéder à cette recherche ? Il y a peut être aussi comme raison de l’hostilité musulmane à l’égard de l’Occident, ce sentiment de frustration, d’être mis en état de subordination dans un certain nombre de domaine.
Ce qui est certain, c’est que la déclaration de Donald Trump coïncide avec l‘état d’alerte élevé des forces armées israéliennes qui occupent le plateau du Golan appartenant à la Syrie et qui disent avoir relevé des « activités inhabituelles » iraniennes sur le territoire syrien. Mardi, de nouveaux tirs de missiles israéliens ont visé, près de Damas, un dépôt d’arme appartenant aux Gardiens de la Révolution iraniens qui combattent aux côtés de la République arabe syrienne contre les milices islamistes. Une unité distincte de l’armée régulière iranienne qui entend défendre partout où elles sont menacées les populations chiites et dont les membres obéissent au Guide Khamenei, dont le poids politique est aussi important que celui du président Rohani. Une nervosité (agressivité) du gouvernement de M. Netanyahu renforcée encore ce début de semaine par le résultat des élections législatives au Liban, pays particulièrement cher au cœur des Français (et de l’opposition nationale); scrutin entaché d’ailleurs par une forte abstention (un électeur sur deux) alors même que pour la première fois les Libanais vivant à l’étranger étaient autorisés à voter.
France 24 l’indique, « le Hezbollah et ses alliés ont conforté leur influence sur la scène politique libanaise (…) , le Hezbollah et l’autre parti chiite Amal, présidé par le président du Parlement Nabih Berri, ont remporté la quasi-totalité des 27 sièges réservés à leur communauté, selon le système politique confessionnel libanais, grâce à la mobilisation et à la discipline de vote de leurs partisans respectifs (…). Des figures pro-syriennes font également leur entrée au Parlement. Avec l’ensemble de ses alliés, en premier lieu Amal, le Hezbollah dispose déjà d’une minorité de blocage au Parlement et devrait pouvoir se forger plus facilement une majorité dans les jours à venir.»
Du côté chrétien nous retrouvons comme les années précédentes des personnalités, des partis qui ont apporté officiellement leur soutien à la structure politico-militaire chiite Hezbollah dirigée par Hassan Nasrallah et d’autres formations maronites qui y sont résolument hostiles. France 24 souligne que « le Courant patriotique libre (CPL) fondé par le président Michel Aoun, reste le parti le plus fourni en députés issu de cette communauté (chrétienne) », « allié à la fois au Hezbollah chiite et au Courant du Futur du Premier ministre sunnite Saad Hariri » -grand perdant de ce scrutin, son parti a perdu un tiers de ses sièges au sein du Parlement. « Le président libanais pourra jouer les arbitres (…). L’autre parti chrétien des Forces libanaises (FL), dirigé par l’ancien chef de la milice éponyme Samir Geagea – proche ami de notre camarade Thibaut de La Tocnaye, membre du Bureau Politique du FN, NDLR- farouchement anti-Hezbollah et rival du CPL, a pratiquement doublé le nombre de ses députés, qui passent de 8 à 15. Les FL ont notamment remporté un siège dans le bastion électoral du Hezbollah dans la circonscription de Baalbek-Hermel.»
Sur le site droitier et pro-israélien dreuz info, a été publié peu avant ce scrutin un article (logiquement) très hostile au Hezbollah. Il reprend les analyses du Washington Institute for Near East Policy (WINEP), un cercle de réflexion proche de l’extrême droite israélienne, fondé par des proches du groupe de pression pro-israélien aux États-Unis, l’Aipac. « Bien qu’il soit trop tard pour empêcher la victoire définitive du Hezbollah aux élections législatives, indique l’analyse du WINEP, la communauté internationale aura, elle, néanmoins, le temps, après ces élections, pour entreprendre des mesures susceptibles de restreindre les activités de ce mouvement (…). Il ne faudrait pas baisser la pression sur le Hezbollah pour la seule raison qu’il a obtenu la majorité au sein du Parlement libanais.»
Une pression, idéalement, qui doit aussi être maintenue sur les faucons qui, après avoir déclenché le chaos sanglant (et mal contrôlé) que l’on sait en Syrie ces dernières années, souhaite entrer en conflit armé avec Téhéran et partant, avec l’ensemble de l’arc chiite. Une guerre dont les conséquences pourraient être proprement apocalyptiques du fait des réactions en chaîne qu’elle provoquerait.
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