Un nouveau rapport de la Cour des Comptes dirigé par Philippe Séguin tacle de nouveau sérieusement le gouvernement. Vouloir tenir ses engagements en ne remplaçant pas un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, c’est louable, mais cela doit être fait avec discernement ! La Cour est plus largement très critique avec la politique de gribouille de l’UMP dans sa gestion des effectifs de la fonction publique, lesquels ont augmenté de 36% entre 1980 et 2008 -l’emploi total en France a progressé deux fois moins vite dans le même laps de temps- , soit 1,4 million d’agents supplémentaires. Les trois fonctions publiques (Etat, collectivités territoriales et hôpitaux) emploient au total 5,3 millions d’agents -l’équivalent d’un peu plus de 20% de l’emploi total en France-, dont près de la moitié (2,5 millions) appartiennent à l’Etat.
La progression de l’emploi public résulte des hôpitaux (+54%), mais essentiellement des collectivités territoriales (+71%). La décentralisation qui dérive en clientélisme locale, comme n’a cessé de le constater le Front National en Rhône-Alpes comme ailleurs, est ici pointée du doigt. Les communes ont ainsi embauché à tour de bras : +50%, tout en créant les intercommunalité et d’autres emplois publics!
Le coût moyen pour l’Etat d’un fonctionnaire tout au long de sa vie est estimé à environ 3,5 millions d’euros, selon la Cour des Comptes…
Avec une progression de seulement 14%, « l’Etat a été très loin d’être exemplaire (…) parce que la progression en apparence modérée des effectifs de l’Etat masque son incapacité à s’adapter aux réformes de l’action publique qu’il a lui-même décidées », a jugé M. Séguin. L’Etat « aurait dû pourtant réduire sensiblement ses effectifs du fait de la décentralisation et de la montée en puissance des opérateurs publics », a-t-il insisté.
Malgré d’importants transferts de compétences aux collectivités, la décentralisation n’a entraîné aucune baisse ni même stabilisation des effectifs de l’Etat, a relevé M. Séguin. En 1980, la fonction publique d’Etat comptait 2,1 millions d’agents et 400.000 de plus fin 2007.
Le rapport s’inquiète aussi du recours accru aux « opérateurs » pour assurer des missions de service public. En 2007, ces opérateurs ont perçu de l’Etat 21 milliards d’euros de subventions et 6,5 milliards de ressources fiscales. En 2009, ils compteraient environ 415.000 emplois. »La progression modérée des emplois de l’Etat n’est donc qu’optique, puisque ses missions sont désormais accomplies par d’autres structures mais à ses frais », déplore M. Séguin.« Les effectifs s’ajustent très peu à la baisse de la demande ou des besoins mais sont au contraire très réactifs aux nouvelles sollicitations. C’est comme un yo-yo qui ne cesserait de monter et ne descendrait jamais »!
Ainsi, les effectifs du ministère de l’Agriculture et de ses opérateurs ont doublé alors que le poids de l’agriculture dans l’emploi et la richesse nationale était divisé par deux. Et si les effectifs de la police ont progressé de 20% entre 1989 et 2006, « le ministère de l’Intérieur juge qu’il n’y a toujours pas assez de policiers en France puisque la délinquance aurait augmenté de 30% » sur la même période. « Plus que le nombre de policiers, c’est bien la manière d’affecter, de gérer et d’organiser les missions des policiers qui est aujourd’hui déterminante ».
Concernant les départs à la retraite -34.000 postes seront supprimés dans la fonction publique d’Etat en 2010- « L’Etat se révélant incapable d’analyser les besoins et de programmer ses effectifs en conséquence, sa politique du personnel est dictée principalement par des considérations budgétaires de court terme ».
L’action du gouvernement « résulte d’une démarche purement quantitative », sans évaluer la qualité des missions de service public, il souligne que cette méthode profite en outre aux « administrations pléthoriques et sous productives » qui ont moins de mal que les autres à « rendre des effectifs ». »On récompense donc les mauvais élèves, ceux qui, au fond de la classe et depuis très longtemps, résistent aux efforts de productivité ».
« Les personnels de l’Etat, des collectivités et des hôpitaux sont la principale force du service public. Nous ne pouvons leur offrir comme seule perspective une rationalisation froide et permanente » note encore le président de la Cour des comptes…