Opposé dès 2003 à toute intervention de nos troupes en Afghanistan, le FN avait expliqué que la guerre contre le terrorisme et les talibans mis en branle par la coalition de l’OTAN ne pouvait être gagnée sur le terrain. Et que ce conflit visait in fine à renforcer la position et les intérêts de Washington dans cette région du globe. Vendredi un 44ème soldat français a été tué au combat, dix soldats de la coalition sont tombés lundi, alors que les tensions et les lignes de fracture apparaissent au grand jour sur la stratégie gagnante à mener. Mais gagnante pour qui ?
Dernier clash en date la publication dans le magazine américain Rolling Stone, des propos du général McChrystal, commandant en chef des opérations militaires en Afghanistan, qui pourfend le vice-président Joe Biden, contempteur de la stratégie qu’il a mise en place pour lutter contre « l’insurrection ». Une stratégie qui est aussi contestée par l’émissaire spécial de la Grande-Bretagne en Afghanistan et au Pakistan, Sherard Cowper-Coles qui, a-t-il été annoncé hier officiellement, a quitté son poste pour un « congé de longue durée». Le diplomate britannique a donc choisi de se retirer avant la tenue d’une importante conférence internationale à Kaboul le 20 juillet, organisée par le président afghan Hamid Karzaï et le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon…
S’expriment désormais au grand jour les doutes sur la capacité des grandes offensives, lancées actuellement dans le sud du pays, à porter des coups décisifs aux talibans; une montée en puissance de l’engagement militaire de l’ISAF rendue possible par la décision prise en décembre par Barack Obama d’envoyer 30 000 soldats supplémentaires en Afghanistan. Un président américain pressé de porter le coup de grâce aux insurgés afin de donner corps à sa promesse de rapatrier la grande masse des troupes US à l’horizon de l’été 2011.
Nombreux sont ceux cependant qui estiment qu’il est nécessaire de s’entendre avec les talibans et de traiter avec eux, a commencer par le Président afghan qui relevions nous le 8 juin, n’a pas hésité à déclarer que les talibans « résistaient à l’occupation occidentale ».
Autre récent coup de tonnerre, l’étude publiée il ya une dizaine de jours par la London School of Economics et réalisé par Matt Waldman, chercheur de l’université de Harvard. Il appuie sa démonstration sur des entretiens réalisés en début d’année en Afghanistan avec neuf commandants talibans
M Waldman affirme ainsi que « même si (les talibans) bénéficient d’un fort soutien intérieur, selon les commandants talibans, l’ISI (les services de renseignement pakistanais) orchestre, soutient et influence énormément le mouvement (insurrectionnel) ». Les responsables talibans « disent que (l’ISI) offre une protection à la fois aux talibans et au réseau Haqqani (aile radicale des talibans afghans) et fournit un important soutien en ce qui concerne l’entraînement, les munitions et l’alimentation et autres besoins ». « L’engagement apparent du Pakistan dans un double-jeu à cette échelle pourrait avoir des implications géopolitiques majeures et pourrait même provoquer des contre-mesures de la part des Etats-Unis » écrit-il encore, affirmant que le président pakistanais, Asif Ali Zardari, lui-même, aurait assuré à des responsables talibans emprisonnés qu’ils pouvaient compter sur son soutien…
A dire vrai, ce soupçon de double-jeu n’est pas neuf et est partagé par de nombreux spécialistes, même si le porte-parole de l’armée pakistanaise, Athar Abbas a démenti cette étude –tout comme les talibans d’ailleurs- en dénonçant « une campagne malveillante visant l’armée pakistanaise et l’ISI ».
Dénoncé comme un « corrompu » dissimulateur et peu fiable, voire comme un « drogué » incapable et dépassé par les évènements, Karzaï est de plus en plus durement critiqué aux Etats-Unis par la presse et le personnel politique. Les Etats-Unis n’ont de toute façon pour l’instant pas d’autre carte de rechange que cet homme qui alterne provocation verbale vis-à-vis de Washington et geste de soumission envers ses protecteurs. Il souhaiterait ainsi négocier un accord de sécurité à long terme avec les Etats-Unis, à l’exemple de celui qui existe déjà entre l’oncle Sam et l’Irak.
Car outre l’intérêt stratégique du contrôle de l’Afghanistan par les Etats-Unis, les récentes estimations des géologues américains, confirmant les prospections menées par les soviétiques dans les années 80, ouvrent de nouveaux appétits. Ainsi, le pays serait assis sur un véritable trésor, le président Karzaï estimant que si « l’Arabie saoudite est la capitale mondiale du pétrole », « l’Afghanistan va devenir la capitale mondiale du lithium ».
Selon les scientifiques américains, le sous-sol afghan renfermerait non seulement du lithium, du pétrole et du gaz, mais aussi du fer, de l’or, du niobium et du cobalt en très grande quantité, de quoi faire de ce pays un des premiers exportateurs mondiaux de minerais, les réserves étant estimées à au moins mille milliards de dollars. Autant dire qu’on voit mal Washington « lâcher l’affaire », la lutte contre le « terrorisme » a un bel avenir…