Payant son franc-parler et notamment ses critiques vis-à-vis de l’entourage d’Obama, le commandant en chef des militaires américains et de l’OTAN en Afghanistan, le général Stanley Mc Chrystal, a été officiellement démis mercredi dernier de ses fonctions par le président américain –voir notre article publié le 23 juin. Un limogeage –Mc Chrystal a été remplacé par le général David Petraeus, qui a fait ses « preuves » en Irak- qui intervient alors que les troupes de l’ISAF ont dépassé, pour la première fois depuis 2003, le seuil de cent soldats tués en moins d’un mois dont un 44ème soldat français. Selon le journal britannique The Independent on Sunday, la démission du général McChrystal dépasserait la raison invoquée mais serait surtout liée à son analyse au cours de laquelle il aurait averti l’Otan que l’objectif d’un début de retrait des troupes américaines en juillet 2011 –promis par Obama- était totalement irréaliste…
Il n’est cependant bien évidement pas le seul à le penser, puisque à l’issue d’une séance de commission au Sénat sur l’Afghanistan il ya quinze jours, Geoff Morell, un porte-parole du Pentagone, a confié au New York Times que parler d’un commencement de retrait en juillet de l’année prochaine était « prématuré ».
Un avis également partagé implicitement par un rapport du groupe d’experts du Royal United Services Institute de Londres rendu public la semaine dernière. Tout en soulignant « les progrès » sur le terrain des troupes de la coalition, il souligne que l’opération-phare lancée par le général Mc Chrystal en février, la « grande offensive de Marjah », une zone rurale du Helmand, bastion des talibans, n’avait pas été jusqu’à présent concluante…Une information qui vient s’ajouter à l’article publié il ya quinze jours dans le Washington Post, faisant état d’un rapport sans complaisance et très détaillé, relatant l’échec complet de l’offensive à Marjah, annoncée pourtant à grand renfort de publicité….
Dans ce climat de doute grandissant sur l’utilité et l’efficacité d’un intervention qui prend l’allure d’un véritable enlisement, le directeur de la CIA, Leon Panetta, dans un entretien accordé dimanche à la chaîne américaine ABC, a assuré que la nébuleuse Al-Qaïda était très affaiblie. Mais il a concédé l’évidence, à savoir que les Etats-Unis étaient confrontés « à une rude bataille », à une guerre « plus dure et plus lente qu’anticipé » en Afghanistan.
Questionné sur le déploiement décidé par le président américain et validé par le Congrès de 30 000 GI’s supplémentaires, dans l’espoir de porter des coups décisifs aux talibans d’ici l’été 2011, M. Panetta a assuré que la stratégie suivie par Washington était la bonne, même si « ce ne sera pas facile ».
« Notre stratégie ne peut consister uniquement à gagner du terrain et détruire les forces des insurgés, notre objectif doit être la population », écrivait Mc Chrystal à sa prise de fonction, objectif qui apparaît dans les grandes lignes totalement irréaliste sachant que les troupes de l’ISAF sont bel et bien perçues comme une armée d’occupation et que la résistance des combattants islamistes ne faiblit pas.
Ce même général a d’ailleurs avoué dernièrement devant une commission du Sénat qu’il a dû reporter l’offensive contre les Talibans dans Kandahar, « vendue » pourtant à la Maison-Blanche comme un élément clé de la stratégie de « contre-insurrection ». Prévue au début de ce mois et devant se poursuivre au moins jusqu’en septembre, cette vaste opération a été reportée devant le refus de la population locale et des chefs de clans d’être « protégés » par les soldats de la coalition et de soutenir cette offensive.
Enfin, et nous l’avons souligné déjà sur ce blog, il apparaît clairement que le président afghan Hamid Karzai ne croît guère dans les chances de succès de Washington et de ses alliés à réussir à mater « l’insurrection ». Les doutes de M Karzaï sont connus, sa propension au double-jeu également et il y a tout lieu de croire le journal le Times , qui dans son édition du 11 juin, affirme que le président afghan a pris les devants en ayant entamé à l’insu des américains ( ?), des « négociations secrètes » avec les Talibans. Il est décidemment grand temps que nos soldats rentrent à la maison …