Le pas de deux de Frédéric Mitterrand laissant passer dans un premier temps le nom de Louis-Ferdinand Céline dans la liste des personnalités faisant l’objet d’une commémoration officielle en 2011, avant de le retirer sous la pression de Serge Klarsfeld et du Crif , a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Atermoiement que dans un autre domaine, notre ministre de la Culture a également manifesté lorsqu’il a été interrogé sur Ben Ali. Visiblement notre ministre de la culture en garde un bon souvenir, ce dernier lui ayant octroyé la nationalité tunisienne il y a quelques années, Tunisie où il possède un pied à terre. De quoi justifier certainement d’une double nationalité franco-tunisienne…
Comme le rappelait Le Figaro le 21 janvier, « commémorer le passé commun des Français, ses lumières, mais aussi ses moments moins brillants, qui néanmoins enracinent l’histoire nationale. Le vœu formulé par Catherine Trautmann, alors ministre de la Culture et de la Communication, lors de l’institution du Haut Comité des célébrations nationales, en 1998, aboutit, quatorze ans plus tard, à la polémique sur Louis-Ferdinand Céline. Cette personnalité figure dans le recueil des célébrations 2011, au nom de « l’admiration » (élément essentiel pour figurer dans la brochure) qu’il suscita en tant qu’écrivain ».
A cette aune il y avait sans doute une certaine « logique » à la présence de Céline dont personne ne conteste qu’il est un écrivain majeur du XXème siècle…au même titre que le stalinien Aragon, qui vantait l’efficacité des tueurs du Guépéou –ce qui n’empêche pas des établissements, des rues, des bibliothèques de porter son nom.
Une grande figure des lettres mondiales comme le sont aussi le norvégien Knut Hamsun, prix Nobel de Littérature pour son roman La Faim, dont les amitiés hitlériennes ont terni la mémoire, ou encore le poète américain Ezra Pound, qui paya cher son admiration militante pour le fascisme mussolinien, laquelle lui valu le statut d’unique criminel de guerre américain et de connaître l’internement en asile psychiatrique pendant douze ans.
Car si nos écrivains ne doivent pas être uniquement célébrés pour leur génie, il y a lieu de comprendre qu’ils doivent donc obligatoirement communier avec les valeurs humanistes et démocratiques de la République universelle… Ce qui ne manque pas de soulever le problème de la présence dans ce recueil 2011 de l’intellectuel et psychiatre antillais Frantz Fanon, héraut du tiers-mondisme et inspirateur notamment des black panthers et des mouvements d’émancipation africains.
Comme le souligne Thierry Rolando, Président national du Cercle algérianiste, Frantz Fanon, emporté quelques mois avant l’indépendance de l’Algérie par une leucémie à l’âge de 36 ans, est « passé au FLN en pleine Guerre d’Algérie, jusqu’à devenir collaborateur du journal El Moudjahid et ambassadeur, en mars 1960, du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne. Nous ne saurions oublier que Frantz Fanon fut aussi l’auteur des Damnés de la Terre paru en 1961, où il en appelait, avec Jean-Paul Sartre, au meurtre des Européens d’Algérie.
« Comment poursuit-il, ne pas se souvenir des mots terribles et nauséabonds de Jean-Paul Sartre, préfacier de cet ouvrage ? « Car, en le premier temps de la révolte, il faut tuer : abattre un européen c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé (…) »
« Comment accepter que l’auteur de cette abominable invitation à la suppression physique des Français d’Algérie et de cette justification du terrorisme, mérite aujourd’hui un hommage national ? Qu’ambitionne l’Etat en intégrant, d’ores et déjà, dans son programme officiel de, commémorations 2012 l’anniversaire des sinistres Accords d’Evian : entend-il jeter un voile, sur les drames de l’après 19 mars 1962 et sur les dizaines de milliers de Pieds-Noirs et Harkis victimes de la haine du FLN ?
Aujourd’hui, ces projets de commémorations résonnent, après le financement par l’Etat du film Hors La Loi, comme une nouvelle provocation et ne peuvent être ressentis qu’avec colère et souffrance par les Français d’Algérie. »
Peut être faut-il comprendre tout simplement que pour nos « élites » et autres « faiseurs d’opinion », il y a de bonnes et de mauvaises victimes, des outrances, des souffrances qu’il convient de hiérarchiser ou d’accepter.