Dans un monde toujours aussi dangereux, chaotique et en plein bouleversements, la France dispose-t-elle d’un outil militaire répondant à ses besoins et à la hauteur du rôle qu’elle entend (devrait) jouer ? Le quotidien Les Echos s’est arrêté sur les chantiers qui attendent le nouveau ministre de la Défense, Gérard Longuet eu égard au budget qui est celui de nos armées (30,6 milliards d’euros selon la loi de programmation militaire en 2011, 32,7 milliards d’euros prévus en 2013). D’abord celui de la restructuration, comprendre la suppression de 54.000 postes « d’ici à 2015 et des dizaines de régiments fermés », entraînant un « impact social » « très lourd » notamment dans l’Est de la France.
« Obligés comme tout le monde de se serrer le ceinturon pour résorber les déficits publics, les militaires ne s’en sont finalement pas trop mal sortis » estime le quotidien. « L’équation budgétaire des trois années à venir repose en effet sur l’hypothèse que les recettes exceptionnelles seront (enfin) au rendez-vous. De quoi s’agit-il ? Du produit de cessions d’immeubles et de fréquences hertziennes, pour plus de 3 milliards d’euros d’ici à 2013. Que l’argent ne rentre pas comme prévu et Gérard Longuet devra procéder à des arbitrages douloureux dans les programmes en cours. »
« Quitte à faire le grand écart, le ministre de la Défense devra mettre en œuvre le traité franco-britannique » (voir notre article en date du 3 novembre), « Thales doit prendre des décisions importantes, vis-à-vis de DCNS, voire de Nexter. » « Reste également la question des drones (voir aussi notre article en date du 17 juin) et celui de « l’exportation » de nos matériels militaires. « Les troubles dans le monde arabe fragilisent un débouché historique de l’industrie française. »
Andrea Massari le relevait sur le site Polemia le 22 février, les dépenses régaliennes, dont celles ayant trait à notre outil de défense « ont été réduites à la portion congrue » soit 3,5% du PIB. Or, «ce qui est étrange, c’est que ce sont ces 3,5% de dépenses qui sont la cible principale des forces critiques des dépenses publiques ; c’est souvent sur elles que se focalisent les analyses des think tanks libéraux ménageant souvent les collectivités locales (il est vrai que c’est l’État qui prélève les impôts pour le compte des collectivités locales). »
« Pire, l’essentiel de l’effort demandé dans le cadre de la RGPP (Révision générale des politiques publiques) concerne l’État régalien : le gouvernement choisissant de ponctionner les institutions qui ne peuvent guère résister (l’armée notamment) pour mieux ménager les intérêts des villes et des départements (défendus par les parlementaires) et ceux des partenaires sociaux (MEDEF et centrales syndicales) qui gèrent les transferts sociaux. »
Il est relevé ainsi que « la Grande muette a été la première sacrifiée. » Alors que l’Inde a annoncé lundi une hausse de près de 12% de son budget annuel consacré à la défense, que « les Etats-Unis, la Chine, la Russie, les pays arabes augmentent leurs dépenses militaires, la France – comme ses voisins européens – abaisse les siennes à moins de 2% de son PIB. L’armée française peut pratiquement toute entière tenir dans le stade de France. Et le Livre blanc sur la défense programme le départ de l’armée française d’Afrique noire, continent riche de matières premières, en pleine expansion démographique et dont les soubresauts possibles sont potentiellement les plus dangereux pour l’Europe. »
Et de noter que « la dette publique consciencieusement accumulée au cours des trente dernières années est une bombe à retardement politique : les milieux d’affaires de la superclasse mondiale en jouent pour obtenir le démantèlement des États régaliens et la mise sur le marché de leur patrimoine ; la méthode est la même que celle qui fut adoptée à la chute de l’URSS et qui a été catastrophique pour la Russie. »
« Face à ce risque, estime Andréa Massari, il faut « sanctuariser les fonctions de souveraineté et de défense. Et rechercher les économies là où il faut les trouver : dans l’empilement des dépenses des collectivités territoriales et dans les transferts sociaux évitables ou injustifiés. »
Le site Mer et marine relevait hier que cette nécessité de garder une armée française opérationnelle et en capacité de se projeter pour défendre notre intérêts partout dans le monde est obérée par le fait que « le projet de second porte-avions (PA2) français a plus que du plomb dans l’aile. Pour mémoire, le président de la République avait suspendu en 2008 le programme en coopération avec la Grande-Bretagne, repoussant à 2011/2012 sa décision concernant la construction, ou non, d’un bâtiment capable de suppléer le Charles de Gaulle durant ses périodes d’indisponibilité (…). »
Lors de la campagne présidentielle de 2007 est il rappelé, « (Nicolas Sarkozy) avait estimé que la construction du second porte-avions répondait à un besoin opérationnel évident » et évoquait la nécessité impérieuse de réaliser ce programme. En juin dernier, le chef de l’Etat, lors d’un déplacement sur le Charles de Gaulle, avait encore prononcé un discours très appuyé sur l’intérêt du porte-avions (…). »
Pourtant mardi dernier, lors d’un déplacement à l’université de Bordeaux où il a dialogué avec des étudiants, interrogé sur la mise en chantier d’un nouveau porte-avions , le chef de l’Etat a répliqué : « Un porte-avions, pour quoi faire ? Je veux bien faire un porte-avions mais pour quoi faire ? ». « Peut-être relève Mer et marine pour les raisons invoquées par lui-même il y a quelques mois seulement… »