Dans un entretien au Financial Times, relayé aujourd’hui par Le Figaro, le vice-président américain Joe Biden estime « que l’Otan peut se passer des Etats-Unis en Libye, Washington étant, selon lui, plus utile sur d’autres théâtres d’opération comme le Pakistan ou l’Egypte ». «Ce serait bizarre de dire que l’Otan et le reste du monde n’ont pas les ressources suffisantes pour s’occuper de la Libye. Ce n’est pas le cas». «Il arrive que d’autres pays manquent de volonté, mais ce n’est pas une question de ressources» poursuit-il. « Ressources » que les alliés de l’Oncle Sam sont invités à puiser, via leur carnet de chèque, auprès de l’industrie de l’armement américaine.
Le Point relayait ainsi les curieuses révélations du Washington Post samedi « sur la conduite de la guerre en Libye ». Selon le quotidien américain, les opérations aériennes des Français, des Britanniques Royaume-Uni et d’autres pays européens « seraient limitées par le manque de munitions de précision ».
Des assertions mensongères décryptent Le Point qui souligne que « la Royal Air Force britannique, l’armée de l’air et la marine nationale françaises procèdent actuellement à la majorité des frappes, et (qu’elles) ne manquent aucunement d’avions pour conduire ces missions » ni de munitions idoines. Notamment de plusieurs dizaines de kits Paveway, de différents modèles, acquis par la France aux Etats-Unis qui permettent de transformer nos bombes lisses à gravité en armes de précision.
Et Le Point de relever cette évidence à savoir que « l’article du Washington Post considère, sans l’écrire explicitement, que les Européens feraient bien d’acheter davantage d’armements aux États-Unis s’ils veulent faire la guerre sérieusement. Rien de neuf… »
Rien de neuf non plus avec un Alain Juppé qui doit toujours subir les saillies verbales du ministre bis des Affaires étrangères, Bernard-Henry Lévy. Répondant ce débit de semaine aux questions de l’Association de la presse diplomatique, M Juppé a déclaré être «tout à fait hostile» à l’envoi de forces sur le terrain en Libye, comme l’ont réclamé les rebelles basés à Misrata et assiégés par les « troupes loyalistes ».
une réponse indirecte au président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Axel Poniatowski (UMP), qui avait manifesté l’avis d’envoyer en Libye 200 à 300 membres de forces spéciales de pays de l’Otan pour aider la rébellion et mieux guider les avions de la coalition contre l les objectifs du régime de Kadhafi.
Pour autant, c’est BHL, et non pas M. Juppé ou le ministre de la Défense Gérard Longuet qui a grillé la politesse à tout le monde en annonçant dans Le Monde daté du 19 avril, de retour de Libye, l’arrivée de militaires français à Benghazi. Dans une phase des opérations qui va commencer « ces jours-ci », des « officiers de liaison français, anglais et -avec plus de réticences – italien » seront « admis dans la Control Room (…) de l’état-major de la Libye libre » a-t-il affirmé. Cette omniprésence dans les medias de M. Lévy pour vendre « sa » guerre laisse les médias étrangers et notamment arabes, pour le moins dubitatifs.
Le quotidien Le Temps d’Algérie, en date du 18 avril, relevait que le « philosophe, journaliste et actionnaire dans des médias français », qui « assure intervenir dans ce dossier aux côtés de Nicolas Sarkozy », « assume désormais une nouvelle fonction, celle de l’artisan de la rébellion libyenne. Dans son plan de communication élaboré depuis l’éclatement de la guerre civile en Libye, il a livré aux journalistes les principales actions qu’il avait entreprises pour renverser le guide de la révolution libyenne en interposant les populations les unes contre les autres ».
« Il est invité par plusieurs médias et s’exprime quotidiennement sur l’évolution de la guerre civile en Libye en s’employant à une véritable propagande psychologique et médiatique, au même titre que son implication dans le dossier de l’Afghanistan. Il y a quelques jours, il a tenu à défendre un point de vue irréel, celui de dire qu’ il n’existe pas d’enlisement en Libye».
Conflit qui en deux mois a déjà fait quelque 10.000 morts et 55.000 blessés, selon l’ami de BHL le chef du Conseil National de Transition (CNT), l’anti-kadhafiste Moustapha Abdeljalil. Chiffres censés certainement conforter un Alain Juppé et un Bernard-Henry Lévy dans leur discours infantile sur la guerre du bien contre le mal.
Comme le notait Bernard Lugan début avril « le pire n’est jamais certain, mais nous aimerions pouvoir croire que les autorités françaises ont véritablement pris en compte l’hypothèse de l’apparition de guerres tribales et claniques (en Libye à la faveur de la guerre civile) , comme en Somalie. Ont-elles également bien évalué le risque islamiste en Cyrénaïque, éventualité qui ouvrirait un espace inespéré pour Aqmi qui prospère déjà plus au sud dans la région du Sahel ? Il est permis d’en douter tant cette guerre aux motifs officiellement éthiques apparaît à la fois improvisée et sans but réel ».