Nouveau sondage, nouvelle confirmation : la dernière enquête de l’institut Harris Interactive pour Le Parisien, publiée ce 21 avril, date anniversaire de la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle de 2002, indique une nouvelle fois que Marine Le Pen se qualifierait en 2012 pour le duel final, quel que soit son adversaire. Une « menace » agitée aujourd’hui dans la presse et sur les ondes. Un face à face d’autant plus inédit que dans trois hypothèses sur quatre, Nicolas Sarkozy serait éliminé dès le premier tour, sauf si le PS lui opposait Ségolène Royal, cas de figure où il arriverait deuxième derrière Marine Le Pen, avec 19% des suffrages. La présidente du Front National se qualifierait elle pour le second tour de la présidentielle arrivant en tête au premier tour dans trois cas sur quatre.
Ce serait le cas face à Martine Aubry (avec 23% des intentions de vote contre 21% pour la patronne du PS), François Hollande (23% contre 22% pour ce dernier) et face à Ségolène Royal(22% contre 15%).Parmi les candidats socialistes testés par le sondage, seul Dominique Strauss-Kahn arriverait devant elle au premier tour (30% contre 21% pour Marine Le Pen).
Un sondage qui illustre également la difficulté des figures des autres partis du système à émerger et à dépasser la barre des 10 %. Le radical Jean-Louis Borloo, dont la nouvelle égérie, Rama Yade, organise ce soir à la Bastille le premier débat de son club Allons enfants! pour «renouveler la classe politique » ambitionnant de fonctionner comme une « boîte à idées » (sic) pour enrayer la montée en puissance du FN, est crédité de 7 à 10% des intentions de vote.
Le « troisième homme » de la présidentielle de 2007, François Bayrou (MoDem), recueillerait entre 4 et 7% des voix ; Dominique de Villepin entre 3 et 6%, Nicolas Dupont-Aignan stagnerait à 1% ce qui ne manquera pas de donner du grain à moudre à ceux qui au sein de la mouvance souverainiste le presse de se rallier à la candidature de Marine.
Nicolas Hulot -qui pourrait représenter les écologistes- ne parviendrait pas à mordre franchement sur un électorat sensible aux questions environnementales mais refusant le sectarisme gaucho-mondialiste de EELV, avec 5 à 8% des intentions de vote.
Jean-Luc Mélenchon (candidat probable du Front de gauche) est lui aussi à la peine avec 4 à 6% des suffrages, faisant pratiquement jeu égal avec le candidat du NPA Olivier Besancenot (entre 4 et 5%), tandis que Nathalie Arthaud (LO) ferme la marche avec 1% des intentions de vote.
Autant de voix à la gauche de la gauche, mais aussi susceptible de se porter sur MM. Borloo, Hulot et Villepin, qui peuvent cependant manquer au candidat ou à la candidate du PS.
D’où l’idée agitée par le strauss-kahnien Olivier Ferrand, président de la fondation Terra Nova, un think tank qui s’auto définit comme « progressiste et indépendant » (sic), dans les faits très proches du PS, d’une candidature unique à gauche.
A été ainsi lancé « l’appel du 21 avril signé notamment par M. Ferrand, Benoît Thieulin, responsable de l’agence La Netscouade, proche d’Arnaud Montebourg, Bruno Laforestrie, PDG de la radio Générations 88.2., soutien de Ségolène Royal en 2007, la présidente des Jeunes Socialistes, Laurianne Deniaud ou encore des rappeurs, comme La Fouine ou les grands démocrates du groupe Sexion d’assaut …
« Tous les partis de gauche » y sont invités à « travailler ensemble à une plateforme commune visant la désignation d’un candidat unitaire dès le premier tour, grâce à des primaires ouvertes ».
Un appel justifié par Olivier Ferrand ce matin sur Europe 1 pour « lutter le plus possible contre la fragmentation de la gauche », car « le risque du 21 avril, pour 2012, il est plus que présent », a-t-il avancé. « En 2002, c’était un accident politique. Aujourd’hui, on y va tout droit. Tous les sondages donnent Marine Le Pen régulièrement au second tour ».
La démarche de Terra Nova et du MJS ne fait pas bien sûr l’unanimité. Eva Joly a jugé hier qu’il s’agissait d « une erreur », car, a-t-elle estimé, s’intégrer aux primaires du PS « appauvrirait le débat démocratique ». L’eurodéputé écologiste européen Daniel Cohn-Bendit a été contraint de faire machine arrière en démentant mardi avoir signé l’ « Appel du 21 avril » , même s’il est de notoriété publique qu’il ne cache pas son manque d’enthousiasme devant l’idée d’une candidature écologiste à la présidentielle.
Les arguments déployés par les opposants à la candidature unique ont une certaine logique, à savoir que l’appauvrissement de l’offre électorale peut mécaniquement engendrer une hausse du FN, en rendant encore plus perceptible l’identité profonde de nature et de projets entre les partis de l’Etablissement. Il est souligné aussi que beaucoup plus que la « dispersion » des voix c’est bien l’abstention qui a plombé le candidat Jospin en 2002… comme les candidats de la majorité présidentielle lors des dernières cantonales.